Préliminaires sur les opérateurs de Dunkl rationnels
Systèmes de racines et groupes de réflexions
Le cadre de travail est un espace euclidien E de dimension d (avec d > 1) sur lequel nous allons faire agir un groupe de réflexions fini. Pour fixer les idées et sans perte de généralité, on prendra E = R d (avec d > 1) muni du produit scalaire usuel h·, ·i défini pour x = (x1,… ,xd) ∈ R d et y = (y1,… ,yd) ∈ R d par hx,yi = Pd j=1 xjyj . On notera k·k la norme associée à ce produit scalaire, c’est-à-dire kxk = hx,xi 1 2 . La base canonique de R d sera notée {ej : 1 6 j 6 d}.
Systèmes de racines
Les groupes de réflexions sont à la base de l’analyse de Dunkl car l’un des buts premiers de Dunkl était d’étudier l’orthogonalité de polynômes pour des mesures invariantes sous l’action de tels groupes. Afin de définir la notion de groupe de réflexions, nous devons introduire au préalable celle de système de racines. Pour une étude détaillée de ces deux notions, le lecteur pourra consulter le livre de Humphreys ([29]) ou celui de Kane ([31]). Pour α ∈ R d\{0}, on désignera par σα la réflexion par rapport à l’hyperplan Hα orthogonal à la droite portée par α. D’un point de vue analytique, on a donc σα(x) = x − 2 hx,αi hα,αi α. Préliminaires sur les opérateurs de Dunkl rationnels 26 Chapitre 1. Préliminaires sur les opérateurs de Dunkl rationnels Définition 1.1. Un sous-ensemble fini R de vecteurs non nuls de R d est un système de racines si pour tout α ∈ R on a 1. σα(R) ⊂ R ; 2. R ∩ Rα = {±α}. Les éléments de R sont appelés les racines. Contrairement au contexte des groupes et algèbres de Lie, nous n’imposons ni la condition que Vect R = R d (on définit le rang du système comme étant la dimension de Vect R), ni la condition de cristallographie (c’est-à-dire que nous ne supposons pas 2hα,α′ ihα,αi −1 ∈ Z pour tout α ∈ R et tout α ′ ∈ R). Sous-système positif de racines Choisissons α0 ∈ (R d \ {0}) ∩ cR de telle sorte que pour tout α ∈ R,hα,α0i 6= 0. L’hyperplan {x ∈ R d : hx,α0i = 0} sépare donc le système de racines en deux ensembles disjoints, à savoir R+ = {α ∈ R : hα,α0i > 0} (dont les éléments sont appelés racines positives) et R− = {α ∈ R : hα,α0i < 0} (dont les éléments sont appelés racines négatives). Plus précisément, les racines étant par paire dans R (car α ∈ R implique (−α) ∈ R puisque σα(α) = −α), on a en fait R− = −R+, et on peut donc écrire R comme étant l’union disjointe suivante R = R+ ⊔ (−R+). Bien évidemment, cette décomposition dépend du choix de α0 et n’est donc, à ce titre, pas unique. Exemples de systèmes de racines Donnons maintenant quelques exemples de systèmes de racines que nous allons utiliser ou citer par la suite (nous employons les dénominations usuelles pour les systèmes). Système de type Ad−1 Si d = 1, le système est R = {±1}. Si d > 2, le système est R = {αj,k = ej − ek : j 6= k}. Il est de rang d − 1 et on peut prendre comme sous-système positif R+ = {αj,k : j < k} en choisissant α0 = (d,d − 1,… , 1). b α1,2 α2,3 α1,3 α2,1 α3,1 α3,2 π 3 Configuration A2 : Système de type Bd Pour d > 2, le système est R = {αj,k : j 6= k} ∪ {βj,k = sign(k − j)(ej + ek) : j 6= k} ∪ {±ej}. Il est de rang d et on peut prendre comme sous-système positif R+ = {αj,k : j < k} ∪ {βj,k : j < k} ∪ {ej} en choisissant une nouvelle fois α0 = (d,d − 1,… , 1).
Groupes de réflexions
On peut désormais introduire la notion de groupe de réflexions associé à un système de racines. Définition 1.2. On appelle groupe de réflexions W(R) associé au système de racines R le sous-groupe du groupe orthogonal O(d) qui est engendré par {σα : α ∈ R}. Dans un souci de simplification des notations, nous abrégerons W(R) en W lorsqu’il n’est pas utile de préciser le système de racines. Il est important de donner le théorème suivant à propos des groupes de réflexions. Il stipule entre autres que nous allons faire de l’analyse avec en toile de fond des groupes finis. Théorème 1.3. Soit R un système de racines. 1. W est fini. 2. L’ensemble des réflexions qui sont contenues dans W est exactement {σα : α ∈ R}. Exemples de groupes de réflexions On décrit ici les groupes de réflexions associés aux systèmes de racines présentés plus haut. Le groupe W(Ad−1) La réflexion σαj,k échange la j-ème et la k-ème composante d’un vecteur donné ; c’est une transposition. Or, les transpositions engendrent Sd, le groupe symétrique à d éléments. On a donc W(Ad−1) ≃ Sd. 28 Chapitre 1. Préliminaires sur les opérateurs de Dunkl rationnels Le groupe W(Bd) Comme précédemment, la réflexion σαj,k échange la j-ème et la k-ème composante d’un vecteur donné. La réflexion σβj,k échange ces deux-mêmes composantes et les multiplie par −1. La réflexion σej multiplie quant à elle par −1 la j-ème composante. On a donc W(Bd) ≃ Sd ⋉ Zd 2 . Le groupe W(A0 × · · · × A0) Comme précédemment, la réflexion σej multiplie la j-ème composante par −1 ; on a donc W(A0 × · · · × A0) ≃ Z d 2 . Dans toute la suite, on désignera par Z d 2 le groupe de réflexions W(A0×· · ·×A0) (se placer dans le cas Z d 2 signifiera donc que le système de racines considéré est R = {±ej}). Remarque 1.4. Dans cette thèse, lorsque l’on dira que l’on se place dans le cas unidimensionnel, cela signifiera que l’on considère le cas où le groupe de réflexions agissant sur R est Z2. C’est de toutes façons le seul cas envisageable. En effet, le seul choix possible de système de racines unidimensionnel est Rα = {±α} (avec α réel non nul). Par conséquent, pour α 6= β, on a W(Rα ) = W(Rβ ) = {Id; σ} ≃ Z2, où σ désigne la multiplication par −1. Rappelons que Dunkl souhaitait établir une théorie des polynômes orthogonaux pour des mesures invariantes sous l’action de groupes de réflexions. Dans cette optique, il lui fallait construire des opérateurs qui soient homogènes de degré −1 sur l’ensemble des polynômes d’une part, et qui prennent en compte l’action de tels groupes d’autre part. En se basant notamment sur l’implication suivante ( α ∈ R d \ {0} p ∈ Pd =⇒ p − p ◦ σα est divisible par h·,αi, il a été amené à définir les opérateurs différentiels-différences sur lesquels nous nous penchons maintenant.