Mobilité et équipement automobile, une analyse générationnelle rétrospective
Etude rétrospective Il convient à présent de revenir sur l’évolution passée de la mobilité avant de s’intéresser précisément à celles de l’équipement et de l’usage automobile. Pour cela, nous adoptons donc l’approche générationnelle. Cependant, cette démarche requiert le respect de plusieurs conditions : – Disposer d’un échantillon suffisamment large pour conserver des effectifs suffisants après décomposition en plusieurs générations, – Un historique de données suffisamment long pour faire apparaître des générations différentes aux mêmes âges, – Et un historique des points d’observations espacés régulièrement. Nous disposons de l’enquête nationale des transports28 (INSEE, 1982 ; INSEE, 1994 ; SOeS, 2008) décrivant les déplacements des ménages français afin de fournir une connaissance de leur mobilité, de leur usage des différents modes de transport, ainsi que de leur parc de véhicules et de leur intensité d’utilisation. Cette enquête propose un échantillon assez large puisque plus de 6 000 ménages ont été interrogés en 1981-1982, 20 000 ménages en 1993- 28 Les trois dernières vagues de l’enquête nationale des transports ont été fournies par le réseau Quetelet 197 1994, et 30 000 en 2007-2008. En outre, l’enquête nationale des transports ayant lieu tous les 14 ans, nous avons créé quatre classes d’âge décrites dans le tableau 48 et nous permettant de suivre six générations. Tableau 48 – Découpage des classes d’âge étudiées et suivies au fil des enquêtes 1981-1982 1993-1994 2007-2008 Internet 18-30 ans Sida 18-30 ans 31-44 ans Crise 18-30 ans 31-44 ans 45-59 ans 30 Glorieuses 31-44 ans 45-59 ans 60 ans et plus Libération 45-59 ans 60 ans et plus Années folles 60 ans et plus Source : Auteur, d’après Préel (2000) Ces générations correspondent à celles décrites dans le tableau 49. Elles ont été construites en fonction des classes d’âge définies et le nom attribué correspond au fait marquant connu par la génération lors de ses 20 ans, de façon à s’approcher le plus possible des générations définies par Préel. Tableau 49 – Générations retenues pour l’analyse générationnelle des comportements de mobilité et de motorisation Source : Auteur, d’après Préel (2000) Ainsi, la génération ‘‘ Années folles’’ avait 60 ans et plus en 1981, la génération ‘‘Libération’’ avait 45 à 59 ans en 1981, puis 60 ans et plus en 1994, la génération ‘‘Trente Glorieuses’’ avait 31 à 44 ans en 1981, 45 à 59 ans en 1994, puis 60 ans et plus en 2008, la génération ‘‘Crise’’ avait 18 à 30 ans en 1981, 31 à 44 ans en 1994, puis 45 à 59 ans en 2008, la génération ‘‘Sida’’ avait 18 à 30 ans en 1994, puis 31 à 44 ans en 2008, enfin la génération ‘‘Internet’’ avait 18 à 30 ans en 2008. Génération Date de naissance 20 ans vers Années folles Avant 1921 1930 Libération 1921-1936 1948 Trente Glorieuses 1937-1950 1963 Crise 1951-1963 1977 Sida 1964-1976 1990 Internet 1977-1990 2004 198
La mobilité selon l’approche générationnelle
L’Enquête Nationale des Transports (INSEE, 1982 ; INSEE, 1994 ; SOeS, 2008) nous permet d’analyser l’évolution de la mobilité des différentes générations au fil du temps. Pour cela, nous nous intéressons à l’évolution de la fréquence des déplacements, de leurs motifs, des distances à parcourir, ainsi que des modes de transport utilisés. Le traitement des données des enquêtes a été réalisé à l’aide du logiciel SAS version 9.4.29 . Entre 1981 et 2008, le nombre moyen de déplacements par personne et par jour est resté stable, passant de 4,84 à 4,83. On observe tout de même un point plus bas en 1994 avec 4,14 déplacements par jour qui s’explique essentiellement par un effet d’époque : la récession alors subie par la France. L’approche démographique montre également deux effets (figure 70) : – Un effet d’âge qui traduit le cycle de vie des individus (scolarisation/étude, vie active/arrivée des enfants, puis retraite/départ des enfants du foyer) ; un rapport maximum de 1,76 entre le point le plus haut et le plus bas à des âges différents (à la même date d’enquête). – Un effet générationnel : si le nombre moyen de déplacements quotidiens est relativement stable entre 1981 et 2008 pour les plus de 30 ans, les 18-30 ans de 2008 (génération ‘‘Internet’’) se déplacent moins qu’en 1981. La question est de savoir si cet effet générationnel négatif sera pérenne. Au total, le rapport entre le point le plus haut et le plus bas au même âge (pour des générations différentes) est de 1,5. Si le nombre moyen de déplacements quotidiens est resté relativement stable en près de trente ans, les besoins de déplacements ont connu des évolutions en termes de motifs et de distances à parcourir.
L’équipement et l’usage automobile selon l’approche générationnelle
L’Enquête Nationale des Transports (INSEE, 1982 ; INSEE, 1994 ; SOeS, 2008) nous permet également d’analyser l’évolution de la motorisation des ménages. Tout d’abord, l’équipement automobile suit un effet d’âge fonction du cycle de vie : le taux d’équipement atteint son maximum lors de la vie active du ménage comme le montre la figure 81. Par ailleurs, l’équipement automobile a connu un effet générationnel positif jusqu’à la génération ‘‘Crise’’. Cependant, les générations ‘‘Sida’’ et ‘‘Internet’’ sont moins équipées au même âge que la génération précédente, semblant ainsi inverser l’effet générationnel. Cependant, ce sont surtout les moins de 25 ans, plus souvent étudiants que ceux de la génération ‘‘Crise’’, qui s’équipent moins tandis que les 25 ans et plus sont aussi équipés au même âge que ceux de la génération précédente. Ils rattrapent donc le niveau d’équipement de leurs aînés à partir de 25 ans. Il s’agit donc à priori davantage d’une saturation de l’équipement que d’un déséquipement, donc essentiellement d’une augmentation de l’âge au premier équipement automobile.