Milli-fluidique et microbiologie
La microbiologie explorée avec des outils miniaturisés
« Une grande partie de la biologie est basée sur des données qualitatives. En microbiologie, la plupart des techniques utilisées n’ont pas été conçues en pensant à la reproductibilité ou la quantification. Le développement de techniques pouvant faciliter l’acquisition et l’analyse quantitative de données, accélérera la compréhension de la microbiologie. Cela finira par transformer la microbiologie, considérée comme une discipline en grande partie descriptive, en une science fondamentalement prédictive. » [70, 109]. La plupart des techniques étudiant les micro-organismes n’ont pas changé de manière significative depuis leur développement initial. De nouveaux outils apportent de nouvelles capacités à la recherche scientifique. Par exemple, en microbiologie les techniques génétiques ont révolutionnées la compréhension des microorganismes, en rendant possible la manipulation et l’étude des génomes. La détermination de la CMI d’un antibiotique s’inscrit dans ces considérations. Même si la CMI quantifie une limite en dessous de laquelle l’inhibition par l’antibiotique ne s’opère pas, on a pu voir que cette quantification est limitée (section 1.2.2 p.25). Elle permet plutôt d’apprécier une gamme de concentration inhibant la croissance d’un organisme, ce qui s’apparente fortement à une estimation qualitative. Les outils mesurant la CMI n’ont pas progressé depuis leur essor. Tout ceci motive le travail de thèse visant à développer un nouvel outil de mesure contribuant à la mesure de la CMI et à étudier de l’effet de l’inoculum sur cette CMI. Lors des deux dernières décennies les concepts de miniaturisation ont été appliquées aux domaines d’analyses biologique et chimique. Le coût des réactifs et le temps requis par les tests peut être considérablement réduit par la miniaturisation [56]. Ces caractéristiques ont permis le développement d’applications via des technologies micro-fluidiques de laboratoire sur puces. La micro-fluidique est décrite comme le domaine d’étude et de développement de systèmes qui manipulent, traitent et contrôlent des petits volumes de fluides [6, 50]
Concordance des échelles de tailles
Les micro-fabrications ont un fort potentiel en tant que technologie à employer dans le développement de nouveaux outils permettant des mesures quantitatives en microbiologie. Un outil, ainsi défini, est envisagé comme un réseau de canaux. Les techniques de micro-fabrication sont employées pour construire la structure des canaux dans un matériau. La taille de ces structures varient typiquement du micromètre à plusieurs centaine de micromètres. Selon leurs tailles, ces canaux servent d’enceinte ou de voies de liaisons vers ou entre différentes enceintes. En se référant aux dimensions caractéristiques de la plupart des composés microbiologiques (table 2.1 p.52), on note que l’échelle de taille des structures s’applique particulièrement bien aux études microbiologiques. En effet ces considérations permettent d’envisager la manipulation individuelle des cellules et surtout leur environnement extracellulaire direct. Les systèmes robotisés, utilisés dans l’industrie pharmaceutique pour le criblage de composés chimiques en microplaques, ont permis une réduction de la taille des échantillons analysés jusqu’à des volumes de l’ordre du microlitre et à des cadences d’environ Eléments Taille Diamètre de l’hélice d’ADN 2 nm Epaisseur de la membrane cellulaire 10 nm Virus de grande taille 100 nm Cellules procaryotes 1-10 µm Mitochondrie 3 µm Cellules eucaryotes 10-30 µm Table 2.1 – Tailles de cellules et constituants cellulaires [92]. un test par seconde en plaques à microtitration. Mais cette technologie est sur le point d’atteindre ses limites. Les changements d’échelle liés à la diminution des volumes font apparaître des barrières : le fait que les systèmes mécaniques tels que les robots ne sont pas facilement miniaturisables, et d’autre part, que la manipulation des liquides à des échelles sub-millimétriques est limitée par l’évaporation rapide des liquides. Il est donc clair que seul un changement technologique permettra de franchir le pas de la miniaturisation [6]. De cette façon, les micro-fabrications permettent de se focaliser encore plus sur l’objet à étudier en s’affranchissant de ces contraintes. Les résultats de mesures biologiques à l’échelle macroscopique sont le produit d’un groupe d’individus. De ce fait les mesures effectuées à ces échelles sont globales : elles intègrent une multitude d’effets individuels. L’harmonie des tailles caractéristiques entre les enceintes et les composés biologiques permettra de mesurer l’effet d’un individu seul, ou un petit groupe. Les micro-fabrications offriront donc l’opportunité de savoir comment s’intègre la part individuelle à un signal global [70]. Les micro-technologies sont caractérisées par l’assemblage d’une multitude de canaux. Ce qui permet de construire un outil dans lequel des milliers d’expériences en parallèles (ou en séries) peuvent être effectuées sous des conditions contrôlées, à l’échelle d’un petit groupe d’organismes.
La micro-fabrication
Un grand nombre de questions en microbiologie pourront bénéficier du développement de ce type d’outils (section 2.1.3 p.55), mais de multiples innovations technologiques sont nécessaires pour atteindre ces buts. Technique Dans le domaine de la micro-fabrication, les techniques de lithographie douce sont les plus répandues. Elles permettent de concevoir des structures de manière simple et peu coûteuse. Ces méthodes ont pour principe la réalisation d’une puce à partir d’un masque (figure 2.1 p. 53). Les structures sont moulées par une couche de résine photosensible sur une surface (les wafers en silicium sont les plus utilisés). Puis une couche de polymère liquide (le plus utilisé est le PolyDiMéthylSiloxane : PDMS) est coulée sur le moule. Après réticulation, le PDMS est démoulé, des canaux y sont imprimés en surface. Ces puces en PDMS sont ensuite fixées sur un Figure 2.1 – Principales étapes de la conception d’une puce microfluidique [109]. substrat solide (le plus couramment employé est le verre) concevant ainsi une puce – 53 – Chapitre 2. Milli-fluidique et microbiologie qui peut être employée comme outil appliqué aux mesures biologiques. Limites Le PDMS est un matériau attractif en ce qui concerne les application des microfabrications en microbiologie. En effet, le silicone est non toxique et perméables aux gaz [74]. Les experts expliquent que malgré ses nombreuses qualités, le PDMS possède, comme n’importe quel matériau, quelques inconvénients liés à son utilisation. Les plus contraignants pour les cultures d’organismes sur puce sont : – L’absorption de molécules par le PDMS. – L’évaporation des phases aqueuses à travers le PDMS. Les molécules biologiques et certains biocides sont le type de molécules victimes de l’absorption [98]. Dans le cadre des études envisagées, ce genre de comportement est un inconvénient majeur aux contrôle des conditions extracellulaires. D’autant plus que les micro-canaux offrent un important rapport surface sur volume, ce qui implique qu’il y a une grande source d’absorption. Même si le PDMS permet la diffusion de gaz à travers lui, le rendant parfait pour la culture cellulaire (pour la diffusion du dioxygène et du dioxyde de carbonne principalement), l’évaporation de l’eau s’avère être aussi un inconvénient majeur. En effet, un bon nombre de micro-organismes sont sensible aux variations de la pression osmotique du milieu environnant, pression qui fluctue lorsque l’eau s’évapore. Ce phénomène incontrôlable est donc un autre frein au contrôle du milieu extracellulaire. Pour faire un choix parmi les matériaux à disposition, il faut trouver le plus adapté aux conditions expérimentales voulues. Il existe de nombreuses alternatives au PDMS, comme l’utilisation d’autres polymères [74] : – Les perfluoropolyethers (PFPE). – Le cyclicolefin copolymer (COC). – Le thermoset polyester (TEP).