Méthodologie de la prévision des crues en temps réel pour le modèle GR4
GÉNÉRALITÉS
Un modèle pluie-débit conceptuel dépend souvent de l’hypothèse principale que le système hydrologique est linéaire et invariant dans le temps. Par suite, des outils comme l’hydrogramme unitaire et le réservoir linéaire de stockage sont intégrés dans de nombreux modèles pluie-débit conceptuels actuels. Ces modèles ne sont pourtant que des approximations avec des hypothèses subjectives sur les réalités hydrologiques du monde réel. De ce fait, des méthodes de correction sont certainement nécessaires et indispensables pour une méthodologie de prévision des crues se basant sur un modèle hydrologique. Toutefois, le modèle hydrologique est une partie importante dans une méthodologie de prévision des crues. En ce qui concerne la prévision des crues à court terme, les conditions nécessaires minimales qu’un modèle de prévision des crues doit satisfaire sont indiquées par O’ConncIl (1980): 1) le modèle doit être adaptatif dans le sens que le modèle doit pouvoir être ajusté lorsque des données nouvelles deviennent disponibles; 2) des mesures de la précision des prévisions doivent être fournies et 3) les modèles doivent être efficaces en temps calcul. Pour un modèle hydrologique nécessitant des ajustements en temps réel pour la prévision, il est naturel de penser que plus souvent on effectue la correction, plus précise est la prévision. Mais ce point est mis en question Méthodologie de la prévision des crues en temps réel pour le modèle GR4 Deuxième partie Chapitre 6 _Bä£e_12& par Kachroo (1992) estimant qu’il est intuitivement difficile d’accepter que la conduite d’un système hydrologique puisse changer significativement sur un intervalle aussi court que celui des observations. Dans ces conditions, on pense qu’une méthode d’ajustement doit non seulement fonctionner pour faire évoluer le modèle, mais doit aussi permettre de décider s’il est nécessaire de corriger le modèle. Les deux sections suivantes (§6.2 et §6.3) vont introduire une méthodologie de prévision des crues incluant deux grands aspects: le modèle pluie-débit conceptuel et la méthode d’ajustement des paramètres. L’étude de ce chapitre a été réalisée sur un seul épisode de crue celui du 15 mars 1974 à l’Orgeval (nommé 7403151) du fait que c’est un épisode avec de multiples pics et une taille moyenne. Cet épisode a été utilisé pour l’étude de la surface de réponse des paramètres dans §4.1. Les processus de pluie et de débit sont remontrés dans la figure 6-1.
STRUCTURE DE LA PRÉVISION DES CRUES
Par épisode ou en continu? Quand on parle de modélisation, on vise souvent les événements de crues, ce qui est peut-être la raison pour laquelle les modèles par épisode sont jugés appropriés pour la prévision des crues. Par ailleurs, on a noté que l’initialisation d’un modèle est un problème associé au modèle lui-même (cf. §3.5.6). Dès qu’un modèle existe, ce problème apparaît. Bien que celui-ci coexiste dans tous les modèles hydrologiques, il lui a été porté peu d’attention. Aujourd’hui, le traitement des valeurs initiales, bien qu’ils soit lourd et important, demeure encore dans les études, du fait du fonctionnement par épisodes. L’analyse dans ce paragraphe a pour objectif de démontrer qu’une méthodologie de prévision des crues doit être établie en mode continu. Les modèles conceptuels pluie-débit peuvent être classés de diverses façons. Le tableau ci-dessous présente cinq façons possibles. Tableau 6-1 Base de classification des modèles de simulation hydrologique (Rousselle et al., 1990) Base de classification nature du bassin versant disponibilité des entrées description des processus et/ou des entrées complexité nature du modèle Classification urbain ou rural par événement ou en mode continu éléments en bloc ou répartis simple ou complexe boite noire, conceptuel ou base physique Les deux dernières classifications sont plutôt subjectives, mais elles conviennent pour introduire les modèles hydrologiques. Comme son nom l’indique, un modèle par événement opère dans le court terme, et ce modèle est destiné à simuler des événements individuels coupés de leur contexte. Il est indiqué, entre autres, par Linsley et al. (1982), Ponce (1989) et Singh (1989) que les efforts de conception d’un modèle hydrologique par épisode sont principalement mis sur l’infiltration et l’eau superficielle et qu’un tel modèle peut couvrir des périodes assez courtes. Par Deuxième partie Chapitre 6 page 130 contre, un modèle hydrologique fonctionnant en continu permet une simulation des débits aussi longtemps que les données d’entrée sont fournies. Ces modèles prennent en compte le stockage de l’eau dans le bassin versant concerné, et pour cela ils intègrent l’évaporation, l’infiltration, le stockage de l’eau dans le sol, etc. Différentes utilisations de ces deux sortes de modèles ont été bien résumées dans Singh (1989) et sont citées dans le tableau ciaprès. Tableau 6-2 Différentes utilisations des modèles en mode continu et par épisode (d’après Singh, 1989) Modèle en mode continu – atténuation des crues – prévision des crues – gestion des étiages – extension des réseaux de mesure – calcul pour barrage, drainage urbain, ponceau, pont, etc.(prédétermination des crues) – planification du développement urbain et des stations d’épurations – modélisation de la qualité de l’eau – prolongation des données enregistrées – expérimentation sur bassin – planification et gestion de l’irrigation – évaluation des effets de d’utilisation des sols Modèle par épisode – prédétermination des crues pour barrage, ponceau, pont, évacuateur de crue etc. – planification du drainage urbain et routier – planification d’ouvrages de contrôle des crues – planification et développement urbains – évaluation de la polluüon issue de sources nonponctuelles – décharge de matériaux et de déchets – évaluation des effets d’occupation des sols – prédétermination des crues pour des ouvrages de conservation des sols Dans ce tableau, on voit que les modèles pluie-débit par épisode sont généralement utilisés pour la prédétermination, la planification, l’évaluation et les domaines similaires. Dans ces cas, on s’intéresse à un seul processus ou à un seul point important et dans des conditions hydrologiques spéciales (soit excès, soit manque d’eau). Les modèles par épisode présentent alors des avantages: simplicité de structure du modèle et économie en calcul, et possibilité d’ignorer l’importance des conditions initiales en se plaçant dans une situation extrême. Par exemple, quand on estime le résultat d’une pluie forte, une hypothèse de condition initiale très humide peut être acceptée pour la prédétermination des crues à supporter par un ouvrage hydraulique .
Combiner le mode de simulation avec le mode adaptatif
Un modèle conceptuel pluie-débit est caractérisé par un jeu de paramètres, les valeurs duquel sont souvent établies par une procédure quelconque de calage pour maximiser la ressemblance entre les sorties du modèle et les valeurs observées. Dans le contexte de l’utilisation d’un modèle pour la prévision des crues en temps réel, on peut distinguer deux modes dans lesquels un modèle fonctionne: le mode de simulation et le mode adaptatif. Wood et O’Connell (1985) ont défini ces deux modes par rapport à l’entrée et à la sortie d’un système hydrologique. Dans le mode de simulation, la sortie du modèle ne dépend que des entrées antérieures du système (e.g. précipitation, evaporation, etc.) et éventuellement des sorties antérieures du modèle, selon le modèle utilisé. Rarement, une sortie observée à un instant passé est prise en compte pour calculer la sortie actuelle du modèle. Dans le mode adaptatif ou mode de prévision, la sortie du modèle peut dépendre des entrées antérieures du modèle, mais aussi des sorties antérieures du modèle, et en premier lieu, de la sortie observée à l’instant précédent. Nemec (1986) a parlé de ces deux modes de fonctionnement d’un système de prévision des crues. Le mode de simulation a pour but de développer un système de prévision où l’on cale, critique, vérifie le modèle pour que dans le mode adaptatif ce modèle puisse être appliqué à la prévision des crues en temps réel. Kachroo (1992) a parlé de ces deux modes de façon succincte. N’importe quel modèle dans lequel les entrées ne comportent pas les valeurs observées antérieures est censé fonctionner dans le mode de simulation, et lorsque l’observation précédente est prise en compte pour ajuster le modèle on obtient le mode adaptatif. Deuxième partie Chapitre 6 page 134 En dehors du fait que l’observation actuelle est utilisée pour l’estimation du prochain pas de temps, il y a d’autres différences entre le mode de simulation et le mode adaptatif. Le premier mode consiste à simuler le phénomène naturel pour pouvoir y trouver des lois principales, et le second a pour but d’appliquer ces lois en pratique en complétant les insuffisances de ces lois si nécessaire. Donc, le premier mode met l’accent sur l’accord global entre les processus mesuré et calculé et demande une longue série de données pour éviter des conclusions partielles, à l’opposé, le dernier mode ne voit que l’accord entre les mesures et les calculs sur la période la plus récente et ne demande donc pas de données aussi nombreuses que le premier. On peut dire que la différence la plus importante entre ces deux modes est le but d’utilisation de modèle. Il n’est pas inutile de souligner que la prévision est différente de la simulation, simplement parce qu’elle met plus l’accent sur la variation temporelle des variables hydrologiques. En même temps, il ne faut pas déduire cette fausse conception que l’on peut utiliser le mode par événements pour la prévision du fait de son utilisation en simulation. De toute façon, ces deux modes ont aussi des points communs à savoir qu’ils se basent sur le même modèle et la même série de données. Une relation dialectique existe entre ces deux modes. Du côté du mode de simulation, le mode adaptatif est un complément pour satisfaire une application pratique, et du côté du mode adaptatif, le mode de simulation est une base de départ indispensable. Ces deux modes coexistent donc l’un avec l’autre. En matière de calage des paramètres, une complémentarité existe entre ces deux modes. Le calage provenant du mode de simulation possède une précision globale et une haute stabilité de calcul, mais la précision à chaque instant n’est peut-être pas suffisante pour la prévision. Dans le mode de prévision, le calage doit avoir une précision momentanée, et la stabilité de calcul est facilement perturbée du fait de l’utilisation d’une courte période de données. C’est la raison pour laquelle on espère exploiter les avantages de chacun des deux modes pour la prévision des crues en vue d’obtenir une forte stabilité des calculs. Il est suggéré donc de combiner le mode de simulation avec le mode adaptatif pour la prévision des crues. L’essentiel de cette combinaison consiste à profiter des informations de longue durée issues du mode de simulation et des informations de courte durée issues du mode adaptatif.