Historique des pesticides
Les pesticides ont depuis longtemps prouvé leur efficacité et on retrouve des traces de leur utilisation dans la littérature dès 1000 ans avant J.-C. Les minéraux sont les premiers à avoir été utilisés, ainsi Homère évoquait le soufre comme agent de fumigation et Pline l’Ancien mentionnait l’arsenic en tant qu’insecticide au Ier siècle.
Par la suite, les propriétés des plantes sont également reconnues, notamment l’aconit contre les rongeurs au Moyen Âge, la roténone en tant qu’insecticide dès le début du XXème siècle (a été interdite en 2009), puis plus tardivement la nicotine également comme insecticide.
L’avancée de la chimie minérale au XIXème siècle apporte de nouvelles découvertes, dont de nombreux pesticides minéraux issus des sels de cuivre. Le sulfate de cuivre est utilisé dans certains fongicides mais aussi dans la bouillie bordelaise (mélange de sulfate de cuivre et de chaux) permettant de combattre certaines maladies fongiques de la vigne et de la pomme de terre, notamment le mildiou.
La véritable explosion des pesticides a lieu à partir des années 1930, avec l’essor de la chimie organique de synthèse et la découverte des propriétés insecticides du dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) en 1939. Il est ainsi commercialisé en tant qu’organochloré, la famille d’insecticides la plus utilisée jusqu’aux années 1970, afin de détruire le moustique vecteur du paludisme ou encore pour éliminer les doryphores (insectes parasites de la pomme de terre) en agriculture. Une autre famille très répandue est celle des organophosphorés dont le développement a été permis par les recherches sur les gaz de combat lors des Première et Seconde guerres mondiales. Le malathion en est un représentant qui a été utilisé comme insecticide jusque son interdiction en France en 2008.
Les pesticides se sont largement imposés dans le monde, leur consommation ayant doublé tous les dix ans entre 1945 et 1985, et dans beaucoup de domaines : industrie textile (anti-moisissure, antiacariens), industrie du bois (traitements contre les champignons), usage domestique (anti-moustiques, antipuces), médecine (antiseptiques, désinfectants) …
Les pesticides et produits phytopharmaceutiques
Le mot pesticide est composé du suffixe -cide venant du latin caedo, caedere¸ signifiant «tuer», et de pestis désignant un animal nuisible ou un fléau. Un pesticide est donc un tueur de parasites. Les pesticides comprennent deux catégories de produits : Les biocides, ou désinfectants, définis comme les «substances actives ou produits destinés à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre de toute autre manière, par une action chimique ou biologique» ;
Les produits phytopharmaceutiques, étymologiquement des produits destinés à garantir la bonne santé des plantes, définis comme les « produits composés de substances actives, phytoprotecteurs ou synergistes, ou en contenant, et destinés à l’un des usages suivants :
Protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou prévenir l’action de ceux-ci ;
Exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, telles les substances exerçant une action sur leur croissance, autres que les substances nutritives ; Assurer la conservation des produits végétaux ; Détruire les végétaux ou les parties de végétaux indésirables, à l’exception des algues ; Freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux, à l’exception des algues » (Ministère de l’Agriculture et de l’alimentation 2014).
Classification des produits phytopharmaceutiques
Il existe une telle variété de produits phytopharmaceutiques de nos jours que leur classification est complexe. Ils peuvent être classés de différentes manières, les principales étant : Classement par fonction; Classement par groupe chimique ;
Classement par fonction : Les trois principales classes de produits phytosanitaires utilisées sont : Les herbicides, ciblant les mauvaises herbes ; Les fongicides, afin de lutter contre les champignons et moisissures ; Les insecticides, destinés à lutter contre les insectes.
De nombreuses autres familles sont également répertoriées : acaricides, nématicides, rodenticides, raticides, germicides, taupicides, molluscicides, corvicides, etc…
Classement par groupe chimique : Les groupes chimiques de substances actives les plus connus sont les organochlorés, les organophosphorés, les carbamates, les néonicotinoïdes, les pyréthrinoïdes, les triazines et les urées substituées. Mais ces derniers ne sont qu’une infime partie de la multitude de classes chimiques existantes.
Les produits phytopharmaceutiques d’une même famille ont souvent en commun des effets, modes d’action et propriétés toxicologiques et environnementales.
Phytopharmacovigilance
La phytopharmacovigilance (PPV) est un système de veille sanitaire mis en place en 2014 par l’Anses en France dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (Gouvernement français 2021).
Elle intervient après la mise sur le marché des produits phytosanitaires et a pour objectif de surveiller et détecter au plus tôt les effets indésirables de ces produits sur la santé humaine, la santé animale et l’environnement, afin de pouvoir prendre, sans délai, des mesures de prévention ou de limitation des risques si nécessaire.La PPV couvre notamment la contamination des milieux, l’exposition et les impacts sur les organismes vivants et les écosystèmes, mais également les phénomènes d’apparition de résistances.
Afin de répondre aux objectifs fixés, la PPV repose sur trois modalités complémentaires de recueil de données : Un réseau de dispositifs de surveillance ou de vigilance ; Des études ad hoc ; Le recueil et l’analyse de signalements spontanés.
Les résidus de produits phytopharmaceutiques dans les denrées alimentaires
Les résidus de produits phytosanitaires sont les quantités mesurables de substances actives, de mélanges de substances, de métabolites, de produits de dégradation/conversion/réaction ou encore d’impuretés, avec une importance toxicologique, pouvant se retrouver sur les cultures récoltées ou dans des aliments d’origine végétale ou animale (European Food Safety Authority 2021a).
Certains possèdent une longue persistance dans l’environnement, ce qui explique l’exposition des populations parfois même à des molécules interdites depuis de nombreuses années (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail 2021b).
Limite maximale de résidus de pesticides dans les aliments : Afin de protéger la santé des consommateurs, notamment les plus vulnérables tels que les femmes enceintes, nourrissons et enfants, le règlement européen (CE) 396/2005, entré en vigueur le 1er septembre 2008, fixe des limites maximales de résidus (LMR) des pesticides autorisées dans les denrées alimentaires humaines ou animales. Le respect de ces limites légales est obligatoire pour l’entrée et/ou la commercialisation de tout aliment au sein de l’UE.
Rapport annuel sur les résidus de pesticides : A ce jour, plus de 500 pesticides dans plus de 370 produits alimentaires sont concernés par des LMR au sein de l’UE. Afin de veiller au respect de ces limites légales, chaque année les Etats membres, ainsi que l’Islande et la Norvège (deux pays de l’Espace Economique Européen), effectuent des contrôles sur plus de 75 000 échantillons issus de divers produits alimentaires, afin d’y détecter la présence éventuelle de plus de 600 résidus de pesticides différents.
Les analyses sont effectuées en vertu de deux programmes : le programme coordonné par l’UE (EUCP) et les programmes de contrôles nationaux (European Food Safety Authority 2021a).
Table des matières
Introduction
1. Généralités sur les pesticides
1.1. Historique des pesticides
1.2. Les pesticides et produits phytopharmaceutiques
1.3. Les produits phytopharmaceutiques en chiffres
2. Les produits phytopharmaceutiques et leurs résidus
2.1. Définitions
2.1.1. Le règlement (CE) n°1107/2009
2.1.2. Substance active
2.1.3. La Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants
2.2. Classification des produits phytopharmaceutiques
2.2.1. Classement par fonction
2.2.1.1. Les herbicides
2.2.1.2. Les fongicides
2.2.1.3. Les insecticides
2.2.2. Classement par groupe chimique
2.2.2.1. Les organochlorés
2.2.2.2. Les organophosphorés
2.2.2.3. Les carbamates
2.2.2.4. Les néonicotinoïdes
2.3. Procédure de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques
2.3.1. Evaluation et approbation des substances actives au niveau européen
2.3.1.1. Evaluation des dangers et risques pour la santé humaine et l’environnement
2.3.1.2. Les différentes étapes de l’approbation des substances actives
2.3.1.3. Renouvellement de l’approbation d’une substance active
2.3.1.4. L’évaluation des substances actives en pratique
2.3.2. Le règlement Européen (CE) n°1272/2008 relatif à la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances et des mélanges
2.3.2.1. La classification harmonisée des substances
2.3.2.2. L’étiquetage des substances
2.3.2.3. L’emballage des substances
2.3.3. Autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique
2.3.3.1. Evaluation des produits phytopharmaceutiques
2.3.3.2. Avis de l’Anses
2.3.3.3. Cas particuliers
2.3.3.4. Audits
2.3.3.5. Les autorisations de mise sur le marché en chiffres
2.4. Phytopharmacovigilance
2.4.1. Le réseau de dispositifs partenaires
2.4.2. Les études ad hoc
2.4.3. La déclaration spontanée d’effets indésirables
2.5. Les résidus de produits phytopharmaceutiques dans les denrées alimentaires
2.5.1. Limite maximale de résidus de pesticides dans les aliments
2.5.1.1. Principe de la LMR
2.5.1.2. Calcul de la LMR
2.5.2. Rapport annuel sur les résidus de pesticides
2.5.2.1. Le programme coordonné par l’UE (EUCP)
2.5.2.2. Les programmes de contrôles nationaux
2.5.2.3. Rapport annuel de l’EFSA
2.5.3. Réduction des résidus de produits phytosanitaires par les processus de préparation et transformation des aliments
2.5.3.1. Lavage des aliments
2.5.3.2. Pelage des aliments
2.5.3.3. Cuisson des aliments
2.5.4. Exposition de la population générale aux résidus de pesticides
2.5.5. Estimation de l’exposition de la population française aux résidus de pesticides par les études françaises de l’alimentation totale (EAT)
2.5.5.1. Les différentes EAT françaises
2.5.5.2. La seconde étude française de l’alimentation totale (EAT 2)
3. Impact sanitaire des résidus de produits phytopharmaceutiques dans les aliments
3.1. Les pesticides étudiés et leurs métabolites
3.1.1. Les pesticides organochlorés
3.1.1.1. Le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT)
3.1.1.2. L’hexachlorobenzène (HCB)
3.1.1.3. L’hexachlorocyclohexane (HCH)
3.1.1.4. Le chlordécone
3.1.1.5. Le chlordane
3.1.1.6. La dieldrine
3.1.2. Les pesticides organophosphorés
3.2. Les mélanges de pesticides ou l’« effet cocktail »
3.3. Le cancer du sein
3.3.1. Présentation du cancer du sein
3.3.2. Les chiffres en France
3.3.3. Implication des pesticides organochlorés dans le cancer du sein
3.3.4. Relation entre les concentrations sanguines de pesticides organochlorés et le cancer du sein
3.3.4.1. Le DDT et le DDE
3.3.4.2. L’HCH et l’HCB
3.3.4.3. Agressivité du cancer du sein
3.3.5. Relation entre les concentrations adipeuses de pesticides organochlorés et le cancer du sein
3.3.6. Mécanismes d’action suspectés
3.3.7. Conclusions des études précédentes sur l’implication des organochlorés dans le développement du cancer du sein
3.4. Le cancer de la prostate
3.4.1. Présentation du cancer de la prostate
3.4.2. Les chiffres en France
3.4.3. Le rôle soupçonné du chlordécone sur l’incidence du cancer de la prostate
3.4.4. Rôle des autres pesticides organochlorés
3.4.4.1. Le DDT et ses métabolites
3.4.4.2. Autres pesticides organochlorés
3.4.5. Mécanismes d’action mis en jeu
3.4.5.1. Le chlordécone
3.4.5.2. Le DDT et le DDE
3.4.5.3. Les autres pesticides organochlorés étudiés
3.4.6. Conclusion
3.5. La fertilité
3.5.1. Définition de la fertilité
3.5.2. La fertilité masculine
3.5.2.1. Examen quantitatif et qualitatif du sperme
3.5.2.2. Rôle de l’exposition aux pesticides organochlorés dans la fertilité masculine
3.5.2.3. Rôle de l’exposition aux pesticides organophosphorés sur la fertilité masculine
3.5.2.4. Mécanismes d’action mis en jeu
3.5.2.5. Conclusion
3.5.3. La fertilité féminine
3.6. Conséquences de l’exposition prénatale aux résidus de pesticides
3.6.1. Les paramètres anthropométriques du nouveau-né
3.6.1.1. Exposition prénatale aux pesticides organochlorés
3.6.1.2. Poids de naissance
3.6.1.3. Taille à la naissance
3.6.1.4. Circonférence de la tête
3.6.1.5. Mécanismes d’action mis en jeu
3.6.1.6. Conclusion
3.6.2. Le neurodéveloppement du nourrisson et de l’enfant en bas âge
3.6.2.1. Exposition prénatale aux pesticides organophosphorés
3.6.2.2. Exposition prénatale au chlordécone
3.6.2.3. Mécanismes d’action mis en jeu
3.6.2.4. Conclusion
3.7. Le diabète de type 2
3.7.1. Définition du diabète
3.7.2. Le diabète en chiffres
3.7.3. Impact des résidus de pesticides sur le risque de diabète de type 2
3.7.4. Les mécanismes biologiques mis en jeu
3.7.5. Conclusion
4. Les alternatives à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et objectifs de réduction en France
4.1. L’agriculture biologique
4.1.1. Définition de l’agriculture biologique
4.1.2. Les réglementations en vigueur concernant l’agriculture biologique
4.1.2.1. Le règlement européen
4.1.2.2. La certification agriculture biologique
4.1.2.3. L’étiquetage des produits biologiques
4.1.2.4. Les contrôles
4.1.3. L’agriculture biologique en pratique
4.1.3.1. Cultiver sans produits chimiques de synthèse ni OGM
4.1.3.2. Le respect du bien-être animal
4.1.3.3. Produits concernés
4.1.3.4. La transformation des produits biologiques
4.1.4. La période de conversion d’une agriculture conventionnelle vers une agriculture biologique
4.2. Le biocontrôle
4.2.1. Définition
4.2.2. Les différents produits de biocontrôle
4.2.2.1. Les macroorganismes
4.2.2.2. Les microorganismes
4.2.2.3. Les médiateurs chimiques
4.2.2.4. Les substances naturelles
4.2.3. Les réglementations européennes et nationales
4.2.3.1. Le règlement (CE) n°1107/2009
4.2.3.2. Autorisation de mise sur le marché des produits de biocontrôle (hors macroorganismes)
4.2.3.3. Cas particulier des macroorganismes
4.2.3.4. Les avantages des produits de biocontrôle
4.2.4. Le biocontrôle en agriculture biologique
4.2.4.1. Les macroorganismes
4.2.4.2. Les microorganismes
4.2.4.3. Les médiateurs chimiques
4.2.4.4. Les substances naturelles
4.2.5. Le biocontrôle est-il une solution alternative pérenne aux produits phytopharmaceutiques ?
4.3. Les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP)
4.3.1. Modes d’action des PNPP
4.3.2. Les substances naturelles à usage biostimulant
4.3.3. Obtention des PNPP
4.3.4. Réglementations des PNPP
4.4. Les objectifs de réduction des pesticides en France
4.4.1. Le plan Ecophyto
4.4.2. Le certificat individuel de produits phytopharmaceutiques (Certiphyto)
4.4.3. Le dispositif de certificats d’économie des produits phytopharmaceutiques (CEPP)
4.4.4. La loi Labbé
Conclusion
Références bibliographiques