Suivi de la dynamique de la croissance de l‟arachide
La croissance de l‟arachide est largement influencée par les conditions environnementales et saisonnières. Ceci étant, l‟accumulation de la matière organique dans l‟arachide suit généralement quatre phases, à savoir : (i) la phase de latence en début de croissance ; (ii) l‟augmentation exponentielle du poids, du stade végétatif au stade de floraison ; (iii) la croissance linéaire et maximale entre la fin du stade végétatif et le début du remplissage des gousses ; et (iv) le nivellement du poids pendant la phase de remplissage tardif des gousses (Singh, 2003). Les trois premières phases ont été observées dans les 9 premières semaines après le semis. Dans les trois dernières semaines avant la récolte, pendant le stade de remplissage des gousses, une chute d‟environ 52 % de la biomasse foliaire a été observée. En supposant que les feuilles d‟arachide deviennent moins efficaces avec l‟âge (Singh, 2003), on pourrait attribuer cette chute au fait que dans cette période la plante priorise et investit beaucoup plus dans la formation et le remplissage des gousses, retransloque les réserves depuis les feuilles vers les gousses, ce qui provoque une sénescence puis une chute des feuilles. Henning et al (1979) signalaient d‟ailleurs, une réduction de la capacité photosynthétique des feuilles dans cette période et ceci à cause de leurs contributions à la formation des gousses. Dans les systèmes agrosylvopastoraux du bassin arachidier, la fane de l‟arachide constitue l‟une des ressources fourragères utilisée pour nourrir le bétail pendant la saison sèche. Cette chute des feuilles pourrait donc contribuer à une réduction de la quantité de fane que les paysans auraient dû avoir après la récolte. Ceci étant, d‟un point de vu agronomique, cette chute des feuilles, feuilles qui ne seront dont pas exportées, pourrait contribuer au stockage du carbone dans le sol, et donc l‟enrichissement du sol à travers leurs dégradations si elles ne sont pas évacuées de la parcelle par le vent. Il existerait donc un compromis (trade-off en anglais), important agronomiquement parlant, entre récolter un peu plus tôt les fanes pour maximiser la ressource fourragère, mais ceci au détriment du remplissage des gousses, ou alternativement prioriser le remplissage des gousses et la restitution au sol via l‟apport des feuilles mortes et des autres résidus culturaux au sol après la récolte. Il existe bien entendu un autre compromis, entre exportation des fanes ou incorporation des fanes au sol pour favoriser la culture suivante ou encore pâturage libre des troupeaux dans le champ pour consommer les fanes et restituer au champ via leur fécès.
Performance de l‟arachide selon la distance aux arbres de F. albida
Le rendement gousse de l‟arachide n‟a pas été significativement affecté par la distance au F. albida (Fig. 6a). Une étude similaire aux Sénégal a rapporté un effet dépressif significatif sur le rendement gousses dans les 3 premiers mètres autour du tronc du F. albida (environ une perte de 24% de rendement gousse sous arbre, comparé au témoin hors influence du F. albida) (Louppe, 1989). Les auteurs de cette étude ont attribué ce résultat à un excès d’azote dans le sol ou à l’ombrage au moment de la floraison. Au nord du Cameroun, une autre étude a démontré une réduction des rendements gousse de l’arachide de 34 % lorsqu’elle est cultivée sous de jeunes plants de F. albida (Harmand & Njiti, 1992). Dans cette étude, cet effet négatif du F. albida a été attribué à la forte densité des arbres et la faible production de biomasse foliaire par les jeunes plantes de F. albida qui n’avait donc pas d’impact positif sur la fertilité du sol. Dans la littérature, l‟effet F. albida sur les cultures en agroforesterie est souvent attribué à un ensemble de processus biologiques (Kho et al., 2001; Hadgu et al., 2009), des changements des conditions physiques et chimiques du sol (Charreau & Vidal, 1965; Jung, 1970; Poschen, 1986; CTFT, 1988) et des changements des conditions environnementales (Dancette, 1960; Schoch, 1966; Barnes & Fagg, 2003) provoqués par les F. albida dans le système. Plusieurs auteurs ont ainsi rapporté à travers des études en Afrique centrale comme en Afrique de l‟ouest l‟effet positif du F. albida sur les cultures comme le maïs (Poschen, 1986; Saka et al., 1994; FAO, 2016; Dilla et al., 2018a), le mil (Louppe et al., 1996; Kho et al., 2001) et plusieurs autres céréales (CTFT, 1988; Hadgu et al., 2009; Sida et al., 2018). Mais pour l‟arachide un effet négatif du F. albida sur le rendement gousse a souvent été rapporté par la plupart des auteurs (Tab. 1). Tout ceci montre que contrairement aux céréales, l‟arachide ne répond pas mieux en termes de rendement quand elle est en association avec le F. albida. Par ailleurs, tout effet du F. albida qui pourrait favoriser une rapide floraison de l‟arachide pendant la saison (Singh, 2003) et augmenter la durée de remplissage des gousses (Duncan et al., 1978), pourrait contribuer à l‟obtention de meilleur rendement sous arbre. Le rendement fane de l’arachide obtenu à la récolte était presque (p = 0.08) significativement affecté par la distance au F. albida (Fig. 6d et Tab 3). Mais celui estimé avant la chute des feuilles était très nettement (multiplié par 1.5) et significativement supérieur proche du F. albida (Fig. 7f et Tab 3). Louppe (1989) a aussi rapporté, une amélioration significative du rendement fane de l’arachide par les arbres de F. albida dans le bassin arachidier du Sénégal (environ un gain de 23% de rendement fane sous arbre, comparé au témoin hors influence du F. albida). On pourrait attribuer ces résultats à un mécanisme d‟adaptation morphologique 44 chez les cultures sous arbre pour absorber plus de lumière. En effet, les arbres de F. albida étaient défeuillés pendant la période des cultures. Toutefois, sous les canopées, la lumière pourrait bien être atténuée par les branches du F. albida (Sida et al., 2018). Les cultures sous F. albida recevraient donc une intensité lumineuse plus faible, caractérisée par de faibles rayonnements photosynthétique actif (Fiorucci & Fankhauser, 2017). Cela pourrait entrainer chez les cultures sous arbre une réponse phénotypique, caractérisée par une série d’adaptation morphologique censée aider à améliorer l‟accès à la lumière. Ces changements morphologiques et développementaux tels que l‟allongement des tiges et l‟augmentation des feuilles sont associés à la meilleure forme physique des cultures sous arbre (Schmitt et al., 1995; Ugarte et al., 2010; Fiorucci & Fankhauser, 2017) Cette amélioration du rendement fane sous F. albida, pourrait être également expliquée par une bonne disponibilité de l‟eau et de l‟azote sous houppier pendant la phase végétative de la culture (celle où se met en place la biomasse végétative). En revanche, nous n‟avons pas vu d‟effet sur le SLA, qui pourtant est souvent reporté dans la littérature pour diminuer en conditions d‟ombrage (Huxley, 1967; Chaves et al., 2008; Matos et al., 2009). Nous avons traité les images du dernier vol de drone (29/10/2019). De façon générale, F. albida a significativement affecté les différents indices NDVI, GNDVI et MSAVI2 « arachide + adventices » testés. Les grandes valeurs des indices obtenues proche des arbres pourraient être attribuées surtout à l‟influence des adventices en fin de cycle d‟arachide, sachant que l‟arachide avait déjà beaucoup perdu de feuilles. Les indices NDVI, GNDVI et MSAVI2 de l‟arachide seule (estimé à partir du rapport biomasse fane sur biomasse de la litière (biomasse fane + biomasse aérienne adventice)) n‟étaient pas affectés par la distance au F. albida (Fig. 8b, 8d et 8f). Ceci pourrait être notamment dû à la chute des feuilles de l‟arachide observée avant le dernier vol de drone. Les signaux NDVI, GNDVI et MSAVI2 de l‟arachide seule avant la chute des feuilles auraient été probablement différents en fonction de la distance au F. albida si on avait pu bien caler le deuxième vol de drone à un moment plus propice (juste avant la chute des feuilles).