RUPTURE PAR FATIGUE
Introduction La fatigue est un mode de rupture différé qui se produit lorsque le matériau est soumis à des chargements cycliques, et cela même pour des contraintes bien inférieures à sa limite d’élasticité et des températures faibles. Ce mode d’endommagement limite la durée de vie des composants de la plupart des machines et des installations industrielles. Il existe trois domaines principaux pour les mécanismes de rupture par fatigue, qu’on distingue sur une courbe de Wöhler (voir Figure 64), le domaine de la fatigue oligocyclique (à faible nombre de cycles), le domaine de la fatigue à grand nombre de cycles et le domaine de l’endurance. On verra qu’à chaque domaine est associée une méthode de calcul de la durée de vie.
Essais de fatigue conventionnels
Courbes de Wöhler, courbes S-N Les essais de fatigue conventionnels, pratiqués depuis la fin du 19ème siècle, consistent à soumettre une éprouvette de traction-compression ou de flexion à des cycles de contrainte. La sollicitation de fatigue est caractérisée par l’amplitude de contrainte du cycle de fatigue (∆σ) et par le rapport de charge (R=σmin/σmax). On mesure le nombre de cycles à rupture N pour chaque type de sollicitation (∆σ,R). On trace alors les courbes dites S-N qui donnent la demi-amplitude de contrainte σa=∆σ/2 en fonction du nombre de cycles à rupture N pour divers rapport de charge. Les courbes dites de Wöhler, donnent le nombre de cycles à rupture en fonction de la demiamplitude σa=∆σ/2 de contrainte, pour un rapport de charge R=-1. La première observation que l’on peut faire sur une courbe de Wöhler, est que les durées de vie en fatigue pour une amplitude de contrainte donnée sont distribuées statistiquement. L’origine principale de cette variabilité des durées de vie est l’existence de défauts dans le matériau qui conduisent à l’amorçage et la propagation de fissures. Leurs tailles, formes et positions étant variables, la durée de vie de la pièce est aussi variable. Aussi, un dimensionnement, à partir des courbes de Wöhler, prévoit-il une durée de vie N avec une probabilité de rupture associée P(N). La dispersion des durées de vie augmente lorsque la durée de vie moyenne augmente. Ceci limite l’applicabilité des courbes de Wöhler pour le dimensionnement des organes de sécurité des structures. Pour les autres composants, il est important de bien maîtriser l’origine de la variabilité des durées de vie pour prévoir le risque de rupture du composant, associé à la durée de vie calculée, à partir des données collectées sur éprouvettes. On distingue trois domaines sur une courbe de Wöhler, le domaine de la fatigue oligo-cyclique (ou fatigue plastique), le domaine de la fatigue à grand nombre de cycles et le domaine de l’endurance. La durée de vie la plus courte possible sur la courbe de Wöhler est égale à ¼ de cycle et est obtenue lorsque la contrainte appliquée est la contrainte maximale du matériau. Lorsque les contraintes appliquées diminuent, le matériau est sollicité en plasticité et peut endurer un nombre de cycles de fatigue qui dépend de l’amplitude de la déformation plastique qui lui est imposée à chaque cycle. Dans ce régime, dit de la fatigue oligocyclique, la durée de vie en fatigue est fortement dépendante du comportement plastique cyclique du matériau. LA3T2, Mécanique des Matériaux 116 (a) (b) (c) Figure 64 : (a) Paramètres caractérisant une sollicitation de fatigue, (b) Courbe de Wöhler, donnant la durée de vie d’un matériau métallique en fonction de l’amplitude de contrainte appliquée, pour R=-1.(c) illustration de l’importance des mécanismes, amorçage versus fissuration dans la durée de vie par fatigue. Lorsque le matériau est sollicité dans son domaine d’élasticité macroscopique, c’est-à-dire dans le régime de la fatigue à grand nombre de cycles, la rupture provient de l’amorçage de fissures et de leur propagation par fatigue jusqu’à la rupture. Plus le niveau de contrainte est faible, plus la part de la phase d’amorçage dans la durée de vie augmente. Comme cette phase d’amorçage présente une grande LA3T2, variabilité, elle n’est pas prise en compte pour le dimensionnement de la durée de vie des organes de sécurité des structures surtout si leur durée de vie doit être grande. Le dimensionnement est alors principalement fondé sur la prévision de la propagation des fissures de fatigue (mécanique de la rupture). On fait l’hypothèse qu’il existe un défaut dans le matériau, placé au point le plus critique de la pièce et dont la dimension est égale au seuil de résolution du moyen de contrôle employé. La durée de vie correspond alors au nombre de cycles nécessaires pour que ce défaut se propage jusqu’à la rupture. Dans le domaine de l’endurance, une asymptote apparaît sur la courbe S-N (mais ce n’est pas toujours vrai), ce qui signifie que la rupture ne se produit pas même au bout d’un nombre de cycles « infini », soit parce qu’aucun défaut ne s’est amorcé, soit parce que les fissures cessent de se propager. Les critères habituellement employés pour dimensionner les structures dans le domaine de l’endurance, sont des critères de non-amorçage de fissures. 7.2.2 Mécanismes d’endommagement. ◊ Stades d’endommagement. On distingue trois stades pour l’endommagement des matériaux par fatigue, la phase d’amorçage des fissures, la phase de propagation des fissures de fatigue et enfin la phase de rupture brutale. Cette dernière phase peut être fragile ou ductile. Elle ne sera pas abordée ici, mais dans le chapitre suivant portant sur les mécanismes de rupture ductile ou fragile. L’amorçage peut se produire, soit sur un défaut, pré-existant dans le matériau ou créé au cours de la vie du matériau (rayure, piqûre de corrosion etc…), soit par micro-plasticité en surface. La propagation des fissures par fatigue se distingue par l’existence de lignes sur la surface de rupture marquant des positions d’arrêt du front de la fissure. Ces lignes peuvent être observée à l’échelle macroscopique (on parle alors de lignes d’arrêt), comme à l’échelle microscopique (on parle alors de stries de fatigue).