RUPTURE FRAGILE, RUPTURE DUCTILE

RUPTURE FRAGILE, RUPTURE DUCTILE

En dehors des sollicitations thermomécaniques « normales », que peut subir une structure ou un composant, il peut aussi survenir des sollicitations exceptionnelles pouvant conduire à la rupture brutale de la pièce. L’étude de la rupture et l’optimisation des matériaux pour ces sollicitations exceptionnelles permet de limiter les conséquences d’un accident. Parmi les dimensionnements « classiques » à la rupture que pratiquent les bureaux d’étude, on peut citer par exemple, le crash automobile ou la résistance de structures du génie civil aux tremblements de terre ou à l’impact. Ces dimensionnements peuvent avoir plusieurs objectifs. Dans le cas du crash automobile, par exemple, on cherche à absorber la plus grande part possible de l’énergie du choc par la déformation et la rupture du véhicule afin de protéger les passagers. On peut aussi vouloir contrôler la taille des fragments éjectés lors de la rupture d’une pièce tournante (ex. pneumatiques du Concorde), enfin on peut chercher à garantir qu’un bâtiment ne s’écroule pas lors d’un tremblement de terre, même si l’on accepte qu’il soit fortement endommagé. (a) (b) Figure 43 : Rupture fragile d’un liberty-ship (seconde guerre mondiale) au cours d’un hiver rigoureux, (b) rupture d’un autopont lors d’un tremblement de terre. Pour cela, il faut d’une part comprendre l’origine physique de l’endommagement des matériaux, afin de pouvoir les optimiser pour une application donnée, et d’autre part savoir modéliser la rupture afin de dimensionner les structures. Les modèles de rupture pourront être assez différents selon le type de matériau et selon les vitesses de sollicitation. Les ruptures brutales peuvent en effet être soit de type ductile, soit de type fragile. On parlera de rupture fragile lorsque l’énergie requise par les mécanismes d’endommagement des matériaux est faible, on parlera de rupture ductile lorsque cette énergie est élevée. Lorsque l’endommagement du matériau est très localisé (propagation d’une fissure unique dans la matière, par exemple) la rupture présente généralement un caractère fragile. En revanche lorsque l’endommagement est diffus (rupture par naissance et coalescence de multiples défauts) la rupture présente alors plutôt un caractère ductile. Les céramiques et les verres sont fragiles, mais certaines céramiques peuvent néanmoins absorber une énergie significative lors de leur rupture lorsque de nombreuses fissures se développent simultanément. On parle alors de comportement quasi-fragile. Les métaux sont généralement ductiles mais les aciers présentent pourtant une transition ductile-fragile lorsqu’on abaisse la température et deviennent fragiles à froid. C’est par cette transition que l’on explique la rupture de plusieurs liberty-ship LA3T2, Mécanique des Matériaux 88 au cours de la seconde guerre mondiale lors des mois rigoureux d’hiver ou les conséquences dramatiques de l’impact d’un iceberg sur la coque du Titanic. Ainsi pour un même matériau plusieurs types de comportement à la rupture peuvent être rencontrés, selon la température, la teneur en défauts, la taille des défauts etc… 

Mécanismes d’endommagement des matériaux

Endommagement localisé

◊ Cas des métaux Lorsque la rupture d’un métal est fragile, elle s’initie généralement sur un unique défaut à partir duquel se propage une fissure principale par clivage (transgranulaire) jusqu’à la rupture de la pièce. Le clivage consiste à séparer les plans atomiques du cristal. Il se produit systématiquement selon les plans denses du cristal qui sont aussi ses plans de plus grande équidistance c’est-à-dire entre lesquels la cohésion de la matière est la plus faible. On observe alors des facettes transgranulaires sur la surface de rupture. (a) (b) Figure 44 : (a) surface de rupture d’un acier par clivage.(b) surface de rupture intergranulaire fragile d’un acier. Parfois la fissuration peut aussi être intergranulaire si le matériau a été fragilisé au niveau des joints de grains (corrosion, fragilisation par la diffusion de métaux liquides…). LA3T2, Mécanique des Matériaux 89 En général le plan moyen de la rupture est normal à la direction de la plus grande contrainte principale de traction et lors d’une rupture fragile, le comportement macroscopique du métal reste élastique. ◊ Cas des verres Dans le cas des verres, qui sont amorphes, la rupture fragile se produit le plus souvent depuis un défaut superficiel (ex. rayure, petit impact) et se propage perpendiculairement à la direction de la plus grande contrainte principale positive. La surface de rupture fait apparaître trois zones, une zone miroir autour du site d’amorçage de la fissure, puis une zone de transition dans laquelle peuvent exister des fissures secondaires et enfin une zone finale dont la surface est moins plane. Ces transitions proviennent du fait que la vitesse de la fissure augmente au cours de la rupture brutale, lorsque la vitesse de propagation commence à s’approcher de la vitesse de propagation des ondes mécaniques (vitesse du son dans le verre) des phénomènes dynamiques se produisent qui modifient la propagation de la fissure. Mais pour l’essentiel, la rupture fragile des verres consiste en un amorçage sur un défaut superficiel suivi de la propagation d’une fissure principale jusqu’à la rupture. Figure 45 : surface de rupture d’un barreau de verre. ◊ Cas des céramiques Le cas des céramiques et assez différent des métaux fragiles et des verres. La plupart du temps les céramiques sont très hétérogènes et contiennent de nombreuses microfissures entre les divers constituants avant même leur mise en service. Aussi, lorsque le matériau est sollicité en traction, de nombreuses fissures sont sollicitées simultanément, l’endommagement est alors plus diffus. La céramique (porcelaine, béton etc…) se fragmente plutôt que de présenter des ruptures franches. En outre les fissures peuvent se développer dans des plans d’orientations diverses lorsque la sollicitation est multiaxiale et pas seulement dans le plan normal à la direction de contrainte principale positive maximale. Ainsi une céramique qui contient de nombreuses micro-fissures a priori pourra présenter un comportement moins fragile qu’une céramique très dense qui contient extrêmement peu de défauts initiaux. On constante alors une tendance (paradoxale à première vue, mais qui s’explique aisément) qui fait qu’un matériau contenant un grand nombre de défaut initiaux peu résister bien mieux à la rupture qu’un matériau quasi-parfait. Ceci s’explique aisément par le fait que créer de nouvelles surfaces libres requiert une certaine énergie par unité de surface. Et rompre la pièce requiert de créer une surface fissurée minimale (l’aire fissurée). Mais les défauts initiaux, eux, sont distribués en volume ! La quantité de surface créée dans le volume de la pièce lorsque de nombreux défauts sont activés simultanément peut être bien plus grande que la surface minimale requise pour traverser la pièce de part en part.  

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