LA SUPPRESSION DES OBSTACLES PROCEDURAUX
Depuis longtemps, la corrélation entre la complexité de la procédure et la limitation du nombre de divorces est établie, au même titre que celle concernant le fond et la forme du divorce. « Cas et procédures de divorce ont toujours été étroitement liés ; depuis le Code Napoléon, une part plus ou moins importante de la procédure est d’ailleurs inscrite dans le Code civil. En 1804, le législateur avait joué sur la procédure pour enfermer le divorce dans un cadre suffisamment strict pour en détourner les époux. »73 La loi du 26 mai 2004 a posé des directives de pacification, d’allégement et de responsabilisation. Le respect de ces directives conduit au prononcé du divorce et assure son efficience par l’absence de résurgence de conflit après le divorce. Ces différents objectifs transcendent toutes les procédures sans distinctions. Le but essentiel commun est la conduite des époux aux portes du divorce en leur permettant de gérer leur conflit. La réforme conformément aux objectifs a supprimé certaines règles procédurales qui étaient des obstacles au prononcé du divorce. Elle entend moderniser le droit du divorce en simplifiant les procédures lorsque les époux s’entendent sur le principe de la séparation et dans le cas contraire en apaisant autant que possible leurs relations. La pacification est poussée à son extrême entraînant ainsi une privatisation de la rupture. Le pluralisme des cas et des procédures est maintenu dans son principe, mais avec des remaniements profonds. En effet, les deux catégories de procédures de divorce, les procédures gracieuse et contentieuse, ont subi des aménagements afin d’améliorer la « traversée » du divorce par les époux et d’en faciliter l’issue. Cette facilitation de l’accès au divorce conduira à s’interroger sur l’existence d’un droit au divorce. Les aménagements ont conduit à la facilitation de l’accès au divorce par l’allègement de la procédure gracieuse (Section 1) et par l’uniformisation et la pacification de la procédure contentieuse (Section 2).
LA SUPPRESSION DES OBSTACLES PROCEDURAUX
: L’ALLEGEMENT DE LA PROCEDURE GRACIEUSE
La loi de 1975 imposait dans le cadre du divorce par consentement mutuel, la réitération à deux reprises du consentement au divorce. Le consentement dans le divorce par consentement mutuel était d’un point de vue procédural très encadré. La première comparution permettait de s’assurer de l’intention des époux de divorcer. L’autre qui ne pouvait intervenir avant trois mois, consistait à vérifier la persistance du consentement et confirmait, ainsi, la volonté des époux de divorcer. Cet encadrement du consentement permettait « (…) à la volonté des époux de s’éprouver, aux accords de mûrir et au juge d’accompagner les conjoints dans leur démarche tout en contrôlant l’équilibre de leur convention. La volonté des époux était donc au cours de la procédure soumise à une double épreuve : épreuve de temps, épreuve du juge. »75 Cependant ce système de double comparution accompagné de deux conventions séparées par un délai de réflexion apparaissait comme un véritable carcan non justifié dans la mesure où le juge se contentait d’entériner la convention dans la plupart des cas. Le législateur de la loi du 26 mai 2004 a corrigé les lacunes du divorce sur demande conjointe. Il a allégé la procédure c’est-à-dire, qu’il a extirpé de la procédure une partie du poids des obligations (procédurales) et a ainsi facilité la voie du divorce, dans le sens où le divorce s’obtient sans peine, sans effort. Les époux jouent d’ailleurs le premier rôle dans le traitement de leur échec conjugal. Le juge apparaît dans un second temps pour valider le règlement du divorce. En effet, la procédure du divorce par consentement mutuel se dessine en deux temps : premièrement par l’élaboration de l’accord global en amont de la procédure (§1) et deuxièmement par l’office du juge en aval de la procédure lors du prononcé du divorce (§2). 75 FULCHIRON (H.), MALAURIE (P.), Droit civil La famille, Paris, Defrénois, 2ème, 2006, p252. 36 §1 : L’élaboration de l’accord global en amont de la procédure L’unicité de comparution impose un strict respect des conditions de recevabilité de la requête et s’impose comme une véritable étape préparatoire (A.) dont certaines exigences comme la déclaration sur l’honneur sont simplement relatives (B). A. La recevabilité de la requête : une véritable étape préparatoire Le nouveau schéma procédural est plus simple et plus expéditif puisqu’une seule comparution suffit. La procédure s’enclenche par une requête unique, avant de présenter la requête conduisant au jugement du divorce, les époux doivent se soumettre à la préparation de cette dernière. Les conditions de recevabilité de la requête sont denses et font de la demande en divorce par consentement mutuel, une étape préparatoire, indispensable et préalable à l’office du juge. La phase préliminaire doit regrouper d’une part l’affirmation et la constatation que les époux souhaitent divorcer et d’autre part l’élaboration des accords de règlement. Les époux doivent être d’accord tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences (article 230 du Code civil). L’obligation d’un accord global à la première audition permet certes un divorce en une étape, cependant en amont l’élaboration de l’accord global nécessite la réunion de diverses exigences légales. Les articles 1090 et suivants du C.P.C énumèrent les différents éléments indispensables à la recevabilité de la requête. Tout d’abord le ministère d’avocat demeure obligatoire, soit la requête est présentée par les avocats respectifs ou soit elle est présentée par un avocat choisi d’un commun accord comme par le passé (article 250 du Code civil). Au regard des enjeux de cette phase préalable, l’avocat permet d’encadrer les époux dans la réalisation de leur accord. La requête ne doit pas indiquer les faits à l’origine de la demande ou les motifs. L’ancien article 230 du Code civil précisait que les époux n’avaient pas à faire connaître la cause du divorce, cette information n’est plus mentionnée par le texte issu de la réforme de 2004. L’absence de cette précision est éloquente à deux égards. Tout d’abord, elle pose le divorce par consentement mutuel comme un divorce objectif. On ne retrouve ni dans la requête ni lors de l’audience la mention des faits à l’origine de la demande, le juge n’ayant pas à 37 connaître de tels motifs. Puis, l’évocation de tels griefs n’a aucune influence sur le déroulement de la procédure du divorce. La procédure de divorce par consentement mutuel est hermétique aux raisons du divorce. Le juge se cantonne au contrôle du consentement et de la convention des époux, les motifs de la demande n’entrant pas dans son champ d’intervention. La requête doit contenir un certain nombre de mentions comme l’identité des époux, l’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée, le nom ou les noms des avocats … sous peine d’irrecevabilité (article 1090 du C.P.C.). Elle doit également être impérativement datée et signée par les époux. La requête n’est pas un simple acte introductif d’instance, elle est également l’expression écrite du consentement des époux au divorce. Toujours sous la même sanction doit être annexée une convention portant règlement complet des effets du divorce et incluant notamment un état liquidatif du régime matrimonial ou la déclaration non- liquidation datée et signée par les époux et les avocats. La convention prévue à l’article 1091 du C.P.C. est une convention unique. Elle remplace la convention définitive de l’ancien divorce sur requête conjointe qui était autrefois annexée à la requête réitérée. La procédure se trouve considérablement allégée par la suppression de la convention temporaire, du projet de convention définitif et du compte rendu de l’exécution de la convention. Par conséquent, le règlement des conséquences du divorce ainsi que l’état liquidatif sont prévus en amont de la procédure, tout est résolu avant l’entrée en jeu du juge aux affaires familiales. La convention est une pièce maîtresse du divorce par consentement mutuel, car, il ne s’agit plus d’un projet à parfaire mais d’une convention définitive. La convention est obligatoire, elle doit être comprise dans la requête sous peine également d’irrecevabilité. Une fois présentée au greffe, elle est soumise à l’homologation du juge. Les époux ont donc la charge d’élaborer une convention qui permettra au juge de statuer directement. En effet, ce document doit être en état d’être jugé pour pouvoir être homologué. « Cette exigence est la contrepartie et la condition d’accès direct au prononcé du divorce »76. Le divorce d’accord est acquis lorsque les obligations procédurales sont remplies.