La protection directe des droits DU CONTRACTANT PROFESSIONNEL l’agent commercial
L’agence commerciale est un phénomène que tous les Etats membres connaissent
On estime à plus de 500 000 le nombre d’agents commerciaux exerçant dans l’Union européenne. Dans certains Etats membres, la valeur des produits écoulés par les agents commerciaux s’élèverait au quart de la production de biens industriels. En France, plus de 20 000 personnes physiques ou morales peuvent prétendre à la qualité d’agent commercial. C’est dire si la réalité économique de l’agence commerciale est importante. « Le monde des intermédiaires du commerce constitue pour les juristes un maquis exceptionnellement touffu et important » 948 : cette affirmation, encore valable aujourd’hui dans l’ordre interne, prend toute sa signification lorsque l’on évoque la sphère européenne 949. S’il est possible de trouver une définition de l’agent commercial qui soit valable dans tous les Etats membres en le qualifiant d’« intermédiaire commercial non-salarié qui entretient des relations durables avec un commettant pour le compte duquel il accomplit des démarches auprès d’une clientèle en vue de promouvoir la conclusion de transactions commerciales entre cette clientèle et son commettant » , cette définition n’en recouvre pas moins des réalités très variées. Le statut légal de l’agent commercial d’abord, diffère considérablement d’un Etat à l’autre. La première législation nationale consacrée aux agents commerciaux est allemande : ce sont, en effet, les paragraphes 84 à 92 du Code de commerce allemand du 10 mai 1897 qui donnent, pour la première fois, une définition de l’agent commercial 950. Il convient de noter que la législation allemande a servi de modèle à plusieurs législations nationales postérieures. La législation française, issue du Code Napoléon et fondée sur la notion de mandat d’intérêt commun, a été consacrée par le décret du 23 décembre 1958 951. L’agent commercial y est défini comme un mandataire qui, à titre de profession habituelle et indépendante, sans être lié par un contrat de louage de service, négocie et conclut éventuellement des achats, ventes, locations ou prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels ou de commerçants. La législation de la plupart des autres Etats membres reprend, à quelques détails près, cette définition française. La définition donnée par les pays de Common Law, bien que se situant dans cet esprit, est, quant à elle, nettement moins précise et recouvre des activités d’intermédiaires différentes, ce caractère général des définitions britannique et irlandaise s’explique en partie par le fait qu’elles résultent essentiellement de la jurisprudence et des usages professionnels. Seule la Belgique se singularise réellement en ne donnant pas de véritable définition de la notion d’agent commercial, mais uniquement des professions de représentant de commerce ou de commissionnaire.
UN PREMIER ÉLÉMENT DE PROTECTION : LA DÉFINITION EXTENSIVE DE LA QUALITÉ D’AGENT COMMERCIAL
L’objectif de protection de la directive se révèle bien avant l’analyse des dispositions matérielles qu’elle contient et même de son champ d’application. Il était légitime de s’attendre à ce qu’avant toute chose un tel texte définisse la notion de « contrat d’agence commerciale ». Or, jusqu’à une période très récente, il n’en était rien : pas plus que la communication de 1962, la directive de 1986 ne donne une véritable définition de ce contrat, se limitant à définir la notion d’agent commercial ce qui est parfaitement révélateur de la volonté du législateur communautaire. Même si la communication est dite « relative aux contrats de représentation exclusive conclus avec des représentants de commerce », la définition de ce contrat n’y figure pas. En fait le contrat n’est défini que par l’intermédiaire de la notion d’agent commercial. Le texte est ainsi rédigé : « la Commission estime que les contrats conclus avec des représentants de commerce, dans lesquels ceux-ci s’engagent… ». Seule la notion d’agent commercial fait donc l’objet d’une véritable définition par le droit communautaire. Cette constatation permet, d’ores et déjà, d’affirmer que la réglementation communautaire vise moins le contrat d’agence lui-même que le statut de l’agent commercial. L’intitulé même du texte laissait présager ce parti pris : la directive est intitulée « relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants ». A ces seules remarques formalistes, nous pouvons déjà entrevoir que le professeur Leloup a entièrement raison d’affirmer, lorsqu’il évoque la directive communautaire sur les agents commerciaux, que « le souci d’harmoniser les conditions de concurrence en imposant le rapprochement des législations des Etats membres, domine la directive […] mais la préoccupation […] est tout autant de protéger les agents commerciaux contre leur mandant » 957. Dans sa communication portant lignes directrices sur les restrictions verticales 958, la Commission européenne a pris soin de définir le contrat d’agence commerciale comme des « [contrats] dans lesquels une personne physique ou morale (l’agent) est investie du pouvoir de négocier et/ou de conclure des contrats pour le compte d’une autre personne (le commettant), soit en son nom propre soit au nom du commettant en vue de l’achat de biens ou de services par le commettant, ou de l’achat de biens ou de services fournis par le commettant ». Cette définition classique vient transformer l’ensemble des textes communautaires applicables aux contrats d’agence commerciale en un véritable droit du contrat d’agence… quatorze ans après l’adoption de la directive censée prétendre à cette appellation, et trente huit ans après le premier texte adopté. En tout état de cause, c’est la qualité d’agent commercial qui déclenche l’application du texte et la définition que celui-ci donne de la qualité d’agent commercial est particulièrement extensive. Si les conditions de fond requises pour l’attribution de cette qualité au regard du droit communautaire sont relativement classiques (§1), c’est l’absence de conditions de forme (§2) qui donne à la directive un champ d’application particulièrement extensif et protecteur.
LE classicisme des conditions de fond
Aux fins de la directive, un agent commercial est défini comme une personne qui, « en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargée de façon permanente, soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, […] soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant » .Cette définition textuelle fait apparaître plusieurs conditions de fond relatives à la qualité d’agent commercial. L’indépendance juridique de l’agent est la condition essentielle (I) en dépit d’une certaine dépendance économique. D’autres conditions sont requises (II) comme la qualité d’intermédiaire et la permanence de la mission de l’agent commercial.