La justification théorique de la réglementation bancaire
Capital réglementaire et capital économique : deux objectifs différents
La notion de capital réglementaire découle des normes prudentielles et vise à conforter le système bancaire en assurant une solvabilité minimale des institutions financières et de l’ensemble du secteur bancaire. Le capital économique répond à un objectif premier de gestion interne des établissements et de maximisation des profits afin de rémunérer les actionnaires de la banque. Ces deux notions répondent à des objectifs distincts mais la récente évolution de la réglementation bancaire des deux dernières décennies (ratio Cooke de 1988 et le nouvel accord de Bâle) a contribué à faire converger les méthodologies sous-jacentes à ces deux concepts. En effet, la mesure des risques de portefeuilles du nouvel accord de Bâle nécessite des méthodes d’évaluation proches de celles utilisées pour mesurer le capital économique au sein des banques. Cependant, même si le calcul du capital économique et du capital réglementaire peut comporter des similitudes, ces deux mesures ne sauraient être similaires et ce, afin d’éviter un risque systémique de défaillance qui serait lié à la poursuite d’objectifs antagonistes (stabilité financière et recherche de profits).
Le capital réglementaire
Le capital réglementaire a été instauré par le Comité de Bâle en 1988 dans le but de garantir la solvabilité du système bancaire, de protéger les déposants et d’éviter un risque systémique de défaillance. Il permet d’augmenter le niveau de capitalisation des établissements de crédit pour couvrir les éventuelles pertes. Son but est de limiter les défaillances bancaires et leurs coûts concomitants (privés ou publics) de restructuration et de sauvetage. L’objectif intermédiaire du ratio initial était d’inciter les banques à sélectionner les opérations rentables au regard du niveau d’exigence en fonds propres réglementaires. De plus, le ratio Cooke initialement défini pour les banques du G10 à vocation internationale, s’est appliqué à l’ensemble des acteurs bancaires, et a permis d’harmoniser la concurrence. Il est venu mettre un terme à la dégradation constante du ratio rapportant le capital du système bancaire à ses risques. Cette dégradation (surtout constatée au Japon) était liée au fort effet de levier généré par l’activité qui venait compenser une diminution de la rentabilité des 74 opérations mais exposait fortement les établissements financiers à des défaillances en cas de retournement de conjoncture ou de rentabilité négative des opérations. Le ratio Cooke a donc fixé une norme minimale d’exigences de fonds propres de 8% pour couvrir les risques. Au numérateur du ratio figuraient les fonds propres réglementaires définis et contrôlés par les régulateurs bancaires : – le capital social et les réserves appelés les fonds propres de base ou tiers one – les fonds propres complémentaires constitués principalement d’une quote-part des plus-values latentes, des emprunts subordonnés à durée indéterminée (upper tiers two) et à durée déterminée (lower tiers two ). – Les fonds propres sur-réglementaires (tiers three) composés principalement des emprunts subordonnés et destinés à couvrir exclusivement les risques de marché. Au dénominateur, les risques étaient repris pour leur montant nominal affecté de coefficients de pondération visant à prendre en compte de façon simplificatrice leur niveau de risque : – 0% pour les titres d’Etat appartenant à l’OCDE – 20% pour les engagements sur les banques appartenant à l’OCDE – 100% pour la quasi totalité des autres engagements Les engagements de hors bilan étaient repris via des coefficients d’équivalent de risque crédit. Le calcul du ratio de solvabilité et ses récentes évolutions seront abordés plus longuement dans la seconde partie.
Le capital économique
Le capital économique se définit comme le montant des fonds propres qu’une banque alloue à une opération ou un portefeuille pour compenser les effets probables de la réalisation de pertes. En cas de pertes, la probabilité que ces pertes restent inférieures aux fonds propres doit être compatible avec les objectifs internes au externes (notation) de la banque. Ainsi, le capital économique est un montant de fonds propres (ou buffer) permettant de compenser l’écart entre le revenu moyen attendu d’une activité donnée et un revenu exceptionnellement bas, qui engendre des pertes inattendues (Unexpected Losses, UL). 75 Ce montant de fonds propres est fonction, d’une part, du profil de risque, que traduit la distribution des revenus d’activité et, d’autre part, du degré d’aversion au risque de l’institution financière, qui se matérialise par un objectif de notation externe et un seuil de confiance correspondant. Ce seuil Y est généralement défini par l’établissement, pour chaque ligne de métier. Par exemple, si Y est fixé tel qu’il correspond au quantile ‘99 %’ de la fonction de répartition des revenus d’activité, cela signifie que l’établissement est prêt à accepter un revenu plus faible que Y dans 1 cas sur 100. Le capital économique requis par cette stratégie correspond ainsi à la différence entre le revenu moyen observé et le seuil de confiance Y. Concernant la gestion opérationnelle des établissements financiers, le suivi d’indicateurs d’activité est indexé sur le capital économique. L’indicateur RoE (Return on Equity), qui permet d’évaluer la performance globale de l’établissement en rapportant une mesure de la rentabilité financière (marge d’intérêt nette, marge d’intérêt nette et commissions, résultat net, avant ou après impôts) aux fonds propres comptables de la banque, est insuffisant pour la gestion opérationnelle du risque. Profits RoE = Fonds propres comptables [1] En effet, le RoE présente deux inconvénients majeurs. La mesure comptable des fonds propres est un indicateur insuffisant du risque. En outre, le RoE est défini à l’échelle de l’établissement, puisque les fonds propres ne sont pas alloués à des transactions ou lignes d’activité spécifiques. Pour améliorer la perception du risque, il est possible de remplacer les fonds propres par une mesure du capital économique affecté à une unité d’activité en particulier. Ainsi, l’utilisation de l’indicateur RoC (Return on Capital) apporte une première évaluation de l’arbitrage rendement/risque par unités d’activité.