La diversité des trajectoires entrepreneuriales
Les déterminants individuels de la diversité statique de l’entrepreneuriat immigré
Une analyse qualitative du phénomène entrepreneurial immigré
En complément des premières approches statistiques présentées, une série de 18 entretiens semi-directifs qualitatifs à vocation exploratoire et confirmatoire a été réalisée auprès de porteurs de projet issus de l’immigration en fin d’accompagnement ou venant de créer. A ceux-ci doivent être ajoutés quatre entretiens réalisés par Fabien Savelli, chargé d’études à A.L.E.X.I.S. auprès du même public, trois entretiens effectués par Raphaël Nkakleu auprès du même public dans un contexte différent, mais sur la base du même questionnaire125. Nous avons également complété ces entretiens en alimentant notre base de données à partir des 14 observations participantes que nous avons réalisées et de trois « cas référents ». Les observations participantes rapportées ont trait aux séances d’accompagnement auxquelles nous avons pris part sur A.L.E.X.I.S. et aux accompagnements que nous avons assurés sur St-Etienne dans le cadre du dispositif CREAGIR (quatre cas). Les trois « cas référents » renvoient à des porteurs de projet que nous n’avons pas directement interviewés mais dont nous avons suivi les évolutions ou les projets entrepreneuriaux et qui parfois nous ont interpellé pour nous demander conseil. Cela porte nos observations sur des porteurs de projet et entrepreneurs issus de l’immigration à 42 cas, ce qui semble très satisfaisant si l’on en croit BLANCHET et GOTMAN (1992) pour qui « l’échantillon nécessaire à la réalisation d’une enquête par entretien est, de manière générale, de taille plus réduite que celui d’une enquête par questionnaire, dans la mesure où les informations issues des entretiens sont validées par le contexte, et n’ont pas besoin de l’être par leur probabilité d’occurrence».
Le protocole méthodologique de réalisation des entretiens
Les entretiens ont été réalisés en face à face de manière semi-directive avec systématiquement à l’issue de l’interview, lorsqu’il s’agissait de porteurs de projet accompagnés par A.L.E.X.I.S., un échange informel avec le chargé de mission qui avait accompagné le porteur de projet et lorsque cela était possible, un rapprochement avec le plan d’affaires. Cette double confrontation avait pour but de valider le discours du porteur de projet et ainsi d’effectuer une « triangulation » des données. Dans la mesure du possible, cette pluralité des sources de données « qui peut provenir soit de personnes différentes, soit de supports différents (entretiens, documents, etc) ou bien évidemment des deux » (VERSTRAETE, 1997, p. 197) est un impératif pour la recherche qualitative (EISENHARDT , 1989 ; YIN, 1989). Toutefois, en entrepreneuriat, lorsque l’on travaille sur l’émergence d’organisations et que l’on s’intéresse à des porteurs qui n’ont pas été accompagnés et/ou qui n’ont pas établi de plan d’affaires formalisé, cela n’est pas toujours possible. Comme le note B. SAPORTA (2003, p. XV), le risque de biais cognitif est grand avec la méthode des cas et la pratique des entretiens en entrepreneuriat puisqu’il est en général difficile de confronter les propos de l’entrepreneur avec d’autres répondants du fait de la solitude de ce dernier. La plupart des interviewés ayant été accompagnés par A.L.E.X.I.S., nous avions la chance de pouvoir pratiquer une triangulation systématique. La durée moyenne des entretiens avec les porteurs de projet a été de 2h00. 195 Dans l’ensemble, l’accueil fut très bon. Mais certains entretiens se déroulant sur le lieu de l’entreprise (dans un bar, sur le comptoir d’un commerce de textile, etc.) furent parfois perturbés et interrompus par le service à la clientèle. Suivant les prescriptions de J.M. PLANE (2000, p.126-128), le déroulement de l’entretien comportait trois phases : la phase de mise en condition mentale de l’interviewé, la phase d’hygiène mentale, et la phase de l’entretien proprement dite.127 La première phase, très rapide mais cruciale, « vise à informer de vive voix l’acteur interviewé sur le dessein de la recherche », sur les objectifs et le déroulement de l’entretien et sur le statut du chercheur et à lui communiquer les règles du jeu de l’entretien (respect de l’anonymat ; enregistrement). La phase d’hygiène mentale, « d’une durée d’environ cinq minutes, consiste à demander à l’acteur-interviewé d’exposer brièvement les grandes lignes de sa carrière ». D’après PLANE, « l’objectif d’une telle phase vise à accélérer le nécessaire apprentissage dans le dialogue qui s’instaure entre deux personnes ». Pour nous, c’est aussi un moyen de continuer à asseoir la confiance entre le chercheur et l’interviewé. Lorsqu’il s’agissait de porteurs de projet accompagnés par A.L.E.X.I.S., nous nous efforcions d’établir le lien en évoquant les chargés de mission qu’ils avaient pu rencontrer. Cette phase post-introductive permet de vraiment démarrer l’entretien et de passer à la phase de l’entretien proprement dite dans laquelle le chercheur « laisse les acteurs s’exprimer librement, à partir des thèmes et des sous-thèmes qui composent le guide d’entretien » (PLANE, op. cit., p. 127). L’entretien suivait une grille d’entretien (présentée en Annexe A5) qui était calée, pour partie, sur le questionnaire SINE de l’INSEE, notre ambition au sein d’A.L.E.X.I.S. étant à terme de systématiser ce type d’entretiens en fin d’accompagnement et à six mois. Lorsque le volume d’entretiens sera significatif, le but est de pouvoir établir des comparaisons directement avec le fichier SINE.