Evaluation de la réponse immune à la piqûre d’Anopheles chez des enfants exposés au paludisme
Epidémiologie du paludisme
De nos jours, le paludisme est la maladie vectorielle la plus importante au monde. Il s’agit d’une érythrocytopathie due à un hématozoaire du genre Plasmodium, dont l’accomplissement du cycle nécessite le passage obligatoire chez deux hôtes successifs : l’homme et l’anophèle femelle. A l’échelon mondial, 3,2 milliards d’individus soit 40% de la population mondiale sont exposés et 350 à 500 millions de cas cliniques sont enregistrés chaque année (voir Fig.1). Le paludisme tue chaque année entre 1,5 et 2,7 millions de personnes à travers le monde. Neuf cas sur dix concernent la région africaine où un million de décès sont enregistrés. Les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes payent le plus lourd tribut à cette maladie 1 . En effet, chaque année, au moins 23 millions de grossesses sont menacées par le paludisme et plus de 200000 nouveaux-nés souffrent des conséquences de cette maladie sur la grossesse. Au Sénégal, il cause 8 000 décès par an et représente 35% des motifs de consultation médicales. Cette maladie sévit de manière endémique et se présente dans 20% des cas sous Fig 1 : répartition du paludisme dans le monde (OMS, 2000) Source: www.intercarto.com 1 des formes graves, pouvant entraîner la mort 2 . Dans ce pays, c’est l’espèce Plasmodum falciparum qui y prédomine. Le paludisme touche une centaine de pays dans le monde, particulièrement les zones tropicales défavorisées d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine (Fig. 1). Des épidémies peuvent survenir lors de mouvements de populations peu exposées au paludisme vers des zones hautement endémiques.
Cycle du parasite
Depuis les travaux d’Alphonse Laveran (découverte de l’hématozoaire du paludisme en 1880) et ceux de Ronald Ross (découverte du rôle du moustique dans la transmission du paludisme en 1897) nous savons désormais que la mortalité/morbidité de cette parasitose est liée à l’exposition de l’homme au moustique anophèle infecté. Le cycle du plasmodium est complexe et comporte deux étapes : un cycle asexué chez l’homme, et un cycle sexué chez le moustique (voir Fig 2). Source : http://www.ac-orleans-tours.fr/svt/theme3/plasmo.htm L’anophèle injecte dans la peau de l’homme le parasite sous forme de sporozoïtes. Ceux-ci circulent dans le sang pour pénétrer dans le foie une heure après l’injection 3 . Les sporozoites se divisent très activement dans les hépatocytes pour donner naissance, en quelque jours, à Fig 2 : Cycle de développement de P. falciparum 2 des dizaines de milliers de nouveaux parasites : les mérozoïtes. L’hépatocyte éclate alors en libérant les parasites dans le sang puis ils pénètrent à l’intérieur des globules rouges. Le cycle est ensuite intra-érythrocytaire avec une reproduction asexuée ou schizogonie : les mérozoïtes deviennent des trophozoïtes, puis des schizontes. Lorsque ces hématies infectées éclatent à leur tour, les mérozoïtes libérés dans la circulation sanguine infectent de nouveaux globules rouges. A chaque cycle de réplication des mérozoïtes, des parasites sexués mâles et femelles (gamétocytes) sont formés à l’intérieur des globules rouges. Lorsqu’un moustique pique une personne infectée, il ingère ces gamétocytes, qui se transforment en gamètes mâles et femelles. La conjugaison de gamètes mâle et femelle engendre un zygote, qui se différencie en oocyste dans le tube digestif du moustique. Les oocystes produisent des sporozoïtes, qui migrent vers les glandes salivaires du moustique. Le cycle dit sporogonique dure chez l’anophèle de 12 à 30 jours pour P. falciparum, suivant la température et ne se réalise plus audessous de 18°C. Les exigences du cycle gonochorique du moustique introduisent deux facteurs limitants à la transmission du paludisme : la présence d’anophèles réceptifs aux Plasmodium et le fait que ces anophèles vivent assez longtemps, après leur repas de sang infecté, pour que le cycle sporogonique puisse se réaliser 3 .
Vecteurs et transmission
Les vecteurs du paludisme humain appartiennent tous au genre Anopheles qui fait partie de la famille des Culicidae de l’ordre des diptères. Les Culicidae regroupent l’ensemble des insectes connus sous le nom de moustiques. Comme tous les diptères, les anophèles sont des holométaboles, c’est-à-dire qu’ils présentent des métamorphoses complètes et passent, au cours de leur vie, par quatre stades successifs : œuf, larve, nymphe et adulte ou imago. Les trois premiers stades sont aquatiques, les adultes mènent une vie aérienne. Les mâles se nourrissent uniquement de jus sucrés ; ils ne piquent pas. Les femelles ont besoin de protéines pour assurer le développement de leurs ovaires ; elles les puisent dans le sang qu’elles prélèvent sur les vertébrés dont l’homme. Au cours du repas de sang, elles ingèrent et transmettent des pathogènes. Sur les 400 espèces d’anophèles répandus dans le monde, seulement une soixantaine sont des vecteurs du paludisme. 4 . Au Sénégal, la faune anophélienne est composée de 20 espèces 5 dont 2 seulement assurent l’essentiel de la transmission du paludisme: i) le complexe An. gambiae sensu lato (s.l) composé d’An. gambiae sensu stricto (s.s.), d’An. arabiensis et d’An. melas. 3 ii) le groupe An. funestus. Les gîtes larvaires d’An. funestus sont constitués par des collections d’eau permanentes ou semi permanentes en savane comme en forêt, souvent avec une végétation émergente qui ombrage la surface de l’eau : ruisseaux, bords de rivières, rizières, etc. ,Quant à An. gambiae s.l, il colonise les eaux temporaires ensoleillées, sans végétation. An. gambiae trouve des conditions favorables dans les eaux qui s’accumulent dans les dépressions de terrain, en saison des pluies, mais également dans des empreintes de pas ou de pneumatiques, dans des fosses d’emprunt de terre au bord des routes et des villages 6 . En zone de savane d’Afrique de l’ouest, An. gambiae s.l est surtout abondant pendant la saison des pluies, alors que les densités d’An. funestus augmente à la fin de la saison des pluies et au début de la saison sèche 5 . Il pourrait ainsi prendre le relais de la transmission du paludisme . Avant 1970, An. funestus et An. gambiae sl étaient les deux principaux vecteurs du paludisme dans tout le Sénégal. Après la sécheresse des années 1970, An. funestus a disparu dans toute la région Nord de ce pays et tout au long du fleuve Sénégal, mais aussi dans toute la région des Niayes (zone qui borde toute la partie nord des côtes maritimes du Sénégal : allant de Dakar à Saint-Louis). L’absence de ce vecteur a été suivie d’une frappante décroissance (>80%) de la prévalence du paludisme et de son incidence 10,11. Cependant en novembre 1999, la présence d’An. funestus a été signalée lors d’une étude faite à Keur-Mbaye (dans le département de Richard-Toll) ; An.funestus représentait alors 14,3% des espèces anophéliennes collectées 9 . Par comparaison, An.gambiae sl ne représentait que 10% des collectes. Le retour d’An. funestus dans cette région serait une conséquence de la construction des barrages de Diama et de Manantali sur le fleuve Sénégal. En effet, ces aménagements ont permis l’extension des périmètres rizicoles irrigués dans toute la vallée du fleuve Sénégal ainsi que l’inondation naturelle de certaines vallées fossiles dont celle du Ferlo, et par conséquent la constitution de gîtes larvaires propices au développement d’An. funestus 9 . En revanche, dans la région des Niayes, An. funestus est toujours absent 11, 9 . Malgré l’importance qu’il joue dans la transmission du paludisme, peu d’études récentes ont porté sur An. funestus en Afrique. Néanmoins, des travaux étudiant la transmission du paludisme par An.funestus ont été réalisés entre 1994 et 1997 dans différentes localités du Sénégal (de l’Ouest à l’Est) le long du fleuve Gambie. Les résultats de ces études ont montré une hétérogénéité d’An. funestus (avec un gradient ouest-est) ayant trait à des différences d’anthropophilie, d’infection et de structure génétique. A Dielmo 79% d’An. funestus capturés s’étaient gorgés sur homme12. Des études faites au Nigéria, portant sur le rôle d’An. funestus dans la transmission du paludisme dans deux zones écologiques différentes : une zone de savane et une zone de 4 forêt, ont montré que, quelque soit la zone d’étude (savane ou forêt), plus de la moitié des repas sanguins sont prélevés sur des humains 13. Ceci montre une tendance particulièrement anthropophile de ce moustique.