La naissance de l’ostéopathie
En 1867, Thur Brandt, maître rebouteur, célèbre dans toute l’Europe pour ses traitements manuels des maladies des femmes, sera le précurseur de l’ostéopathie viscérale. Ses travaux seront repris par le français Henri Stapfer qui publiera un traité de kinésithérapie gynécologique.
A la même époque, le suédois Per Henrik Ling, à la fois médecin, enseignant et poète, créa sa méthode de gymnastique dite « suédoise » et manipulait en exagérant ses mouvements de gymnastique.
En Angleterre, depuis 1850, les « bone-setter » ou « manipulative surgeon » sont reconnus et nombreux dans ce pays.
Il semble que l’ensemble de ces pratiques visait, dans l’esprit de ces praticiens, à « réduire » la perturbation d’une structure anatomique constatée manuellement, réparant ainsi un handicap local. Cependant à partir du XIXème siècle, sont apparus les concepts de thérapies manuelles appliquées à la réparation d’un équilibre global perturbé.
C’est Andrew Taylor Still aux Etats-Unis qui fut le père de l’ostéopathie. Médecin et ingénieur, il fut initié par des rebouteux, en particulier un certain Robert Joy. En 1874, il fit ses premières constations «ostéopathiques» lors d’une épidémie de dysenterie. Ses guérisons «miraculeuses» lui apportèrent railleries et quolibets de la part de ses pairs, et plus sa popularité grandissait auprès des malades, plus l’hostilité des institutions devenait grande. Il finit par rompre avec les instances officielles et il fonda en 1892 l’American School of Osteopathy dans le Missouri. Il délivra alors des diplômes de docteur en ostéopathie. En 1910, le rapport Flexner permit de modifier les études médicales par des réformes vigoureuses de l’enseignement des docteurs en médecine comme des docteurs en ostéopathie.
L’enseignement de ces derniers s’est peu à peu étoffé pour être actuellement le même que celui des docteurs en médecine avec l’ostéopathie en plus. En 1963, la parité entre les diplômes délivrés par les écoles de médecine avec ceux qui sont délivrés par les écoles ostéopathiques a été promulguée par la commission des services publiques des USA. La plupart des docteurs en ostéopathie sont actuellement installés comme médecins de famille ou spécialistes.
Still décéda en 1917. Un de ses élèves anglais, John Martin Littlejohn fonda alors la British School of Osteopathy à Londres, où d’ailleurs un certain nombre de médecins et chirurgiens orthopédistes inspirés des « bone-setter » étudièrent et enseignèrent sur les techniques ostéopathiques. En 1930, l’ostéopathe William Gardner Surtherland publie son premier article sur l’ostéopathie crânienne et la première école fut créée en 1940 aux USA. Aujourd’hui, l’ostéopathie est considérée comme une science à part entière aux Etats-Unis.
L’ostéopathie globale
L’ostéopathie globale s’adresse à l’homéostasie de l’appareil locomoteur sur son axe crânio-sacré, ses extensions périphériques des membres, ses connexions viscérales, ses commandes et contrôles nerveux. Chaque individu constitue un système dynamique en équilibre, régi par un couple adaptation-compensation. Elle inclut l’ostéopathie structurelle (traitant les blocages articulaires), l’ostéopathie fonctionnelle (traitant les organes internes et les fascias) et l’ostéopathie crânio-sacrée.
Elle obéit toujours aux concepts définis par Still : La structure gouverne la fonction : La charpente commande les fonctions de l’organisme, qui représentent l’activité des différents systèmes (respiratoire, cardiaque, digestif, glandulaire, respiratoire) et qui constituent la machinerie d’entretien. Il y a interrelation entre la structure et les fonctions, inversement des fonctions déréglées modifient la structure. La maladie ne peut se développer si la structure est harmonieuse. L’unité du corps : Le corps humain à la faculté de retrouver son équilibre dans le sens de l’homéostasie (c’est-à-dire la faculté pour le corps de maintenir toutes ses composantes physiologiques à des valeurs stables) et les différentes parties sont interdépendantes les unes des autres.
L’autoguérison : Le corps a les moyens d’autoguérison. Il détient en lui-même tous les moyens nécessaires pour éliminer ou endiguer les maladies.
La loi de l’artère : La libre circulation du sang est nécessaire pour éviter les stases et l’accumulation des toxines.
Dans ce cadre, les ostéopathes intègrent les connaissances scientifiques et médicales actuelles en appliquant les principes ostéopathiques aux soins des patients. C’est une forme de thérapie centrée d’avantage sur le patient que sur la maladie.
Un des éléments essentiels des soins ostéopathiques est constitué par la thérapie manuelle ostéopathique, qu’on appelle généralement traitement manipulatif ostéopathique (« mobilizations » en anglais). Il se rapporte à l’ensemble des techniques manipulatives, qu’il est possible d’associer à d’autres traitements ou conseils. Il en existe un large éventail :
Les techniques consacrées «aux tissus mous» : musculaires, fascias, viscérales, massages, techniques myotensives… Les techniques de mobilisation articulaire générale .Les techniques crâniennes ou crânio-sacrées. Les techniques articulaires spécifiques : manipulations avec impulsion, techniques fonctionnelles. Les techniques particulières.
La manipulation est définie comme suit (par le Registre des Ostéopathes de France) : geste spécifique et contrôlé qui restaure la mobilité du ou des mouvements mineurs perturbés, dans les limites des amplitudes physiologiques et qui restaure les qualités fonctionnelles des tissus mous en relation ; c’est une réponse manuelle non forcée au diagnostic ostéopathique.
La médecine manuelle – ostéopathie
La médecine manuelle, de Robert Maigne, privilégie l’approche structurelle avec une réorganisation des dysfonctions de l’appareil locomoteur. Elle diagnostique et traite une dysfonction au sens large du terme, un dérangement bénin, mécanique et/ou réflexe d’une structure articulaire, vertébrale ou périphérique des tissus-mous, de même que les douleurs projetées qui en résultent. Elle utilise essentiellement les techniques ostéoarticulaires, musculaires, ligamentaires, fasciales, cutanées et tendineuses. Elle est réservée aux médecins et professionnels de santé diplômés. Cette thérapie utilise des techniques aux résultats éprouvés pour traiter la colonne vertébrale et les membres. Ainsi, le SMMOF préconise peu les techniques crâniennes et viscérales car « les bases scientifiques ne sont pas encore convaincantes ».
Elle se fonde sur des manipulations non-douloureuses et des mouvements basés sur un déplacement libre et indolore. Selon R. Maigne : «La manipulation est un mouvement forcé appliqué directement ou indirectement sur une articulation, ou un ensemble d’articulations, qui porte brusquement les éléments articulaires au-delà de leurs jeux physiologiques, sans dépasser la limite qu’impose à leurs mouvements l’anatomie. C’est une impulsion brève, rêche, unique, qui doit être exécutée à partir de la fin du jeu passif normal. Ce mouvement s’accompagne en général d’un bruit de craquement».
Les théories actuelles concernant l’étiopathogénie s’orientent vers des troubles de la régulation neuro-musculaire et donc d’un dysfonctionnement du système de régulation nerveuse. Les manipulations vertébrales traiteraient donc les troubles de proprioceptivité à plusieurs niveaux : Au niveau médullaire par le réflexe myotatique direct (d’étirement), myotatique inversé (d’allongement) et d’inhibition des antagonistes par innervation réciproque.
Au niveau métamérique : Le métamère est une unité anatomo-fonctionnelle de même niveau embryonnaire qui a conservé une certaine autonomie, c’est le segment résultant de la division primitive du mésoderme de l’embryon. Il est composé :
D’une portion de moelle épinière : segment spinal, D’une portion de peau : dermatome, D’une portion de muscle : myotome, D’une partie articulaire : sclérotome, D’une partie vasculaire : angiotome, D’une partie viscérale : viscérotome.
Les nerfs rachidiens mettent en relation à chaque niveau les segments métamériques de la moelle épinière avec les récepteurs sensitifs (dermatome) et moteurs (myotome). Le fonctionnement normal y est assuré par le jeu continuel des réflexes permettant l’adaptation des différentes fonctions segmentaires entre elles.
La manipulation vertébrale aurait donc une action essentiellement dans les douleurs d’origine métamérique situées dans un ou plusieurs territoires d’un ou plusieurs métamères. Ces territoires ont une topographie voisine mais non identique à celle de la topographie radiculaire. L’action spécifique des manipulations ostéoarticulaires constituerait donc en un ébranlement des propriocepteurs sans qu’il soit nécessaire d’invoquer une modification des rapports relatifs de certaines structures. C’est de cette théorie que découle la notion de dysfonction intervertébrale, qui résulterait donc d’un dysfonctionnement de ce système auto-régulé.
Indications et contre-indications de l’ostéopathie
Selon la réglementation française, l’ostéopathie est destinée aux troubles fonctionnels du corps humain, excluant les pathologies organiques.
Les indications générales sont : Articulations et muscles : rachialgies, certaines entorses, certaines tendinopathies, traumatologie du sport… Système nerveux : céphalées, migraines, névralgies, état d’hypernervosité, Système digestif et viscéral : troubles de la digestion (constipation, diarrhée chronique, ballonnements…), troubles génito-urinaires (dysménorrhée, dyspareunie, incontinences…), Séquelles de traumatisme, Systèmes ORL et pulmonaire : sinusite, rhinite, acouphènes, vertiges, asthme, bronchite, Ostéopathie crânienne : plagiocéphalie.
Ces indications incluent majoritairement le traitement de la douleur. Le spectre de celles-ci est plus ou moins large selon les écoles de pensées.
Les indications plus spécifiques des manipulations rachidiennes sont : Au niveau lombaire : lombalgies, fessalgies, radiculalgies, coccygodonies, pubalgies, douleurs du genou et les fausses douleurs de hanche d’origine vertébrale, affections d’allure viscérale (correspondant à une projection douloureuse antérieure d’une dysfonction vertébrale ou costo-vertébrale), … Au niveau thoracique : dorsalgies, douleurs thoraciques antérieures, pseudo-douleurs du sein …
Au niveau cervical : cervicalgies, douleurs cranio-faciales (migraines, céphalées), vertiges, symptômes pseudo-ORL (otalgies, dysphonies, paresthésies laryngées, atteinte des articulations temporo-mandibulaires), douleurs postérieures de l’épaule, névralgies cervico-brachiales, douleurs thoraciques moyennes …
Mais selon le SMMOF, les indications sont plus restreintes aux « indications habituelles pratiquées par les médecins ostéopathes concernant la colonne vertébrale et les membres où les techniques sont très éprouvées et des études scientifiques ont été menées ».
Les contre-indications concernent : Toutes les fragilités osseuses ostéoarticulaires : traumatiques (fracture, entorse, luxation), infectieuse, inflammatoire, tumorale, ostéoporose sévère… Les pathologies vasculaires : insuffisance vertébro-basilaire notamment, Les pathologies neurologiques, Les pathologies psychiatriques.
Il n’est pas recommandé qu’un bilan radiologique soit réalisé avant toute manipulation, il parait cependant indispensable dans certains cas (surtout en post-traumatique). Un certificat médical de non contre-indication est obligatoire pour les manipulations du rachis cervical et pour les manipulation du crâne, de la face et du rachis chez le nourrisson de moins de six mois.
Les lombalgies aiguës communes
Couramment appelée «lumbago», «tour de rein» ou encore «mal de dos», la lombalgie commune est une douleur liée à un problème musculaire ou ligamentaire bénin se situant en bas de la colonne vertébrale, au niveau des vertèbres lombaires.
La HAS définit la lombalgie comme étant une douleur de la région lombaire n’irradiant pas au-delà du pli fessier. Elle définit le caractère «aiguë» comme étant inférieur à 3 mois, mais inclut aussi la notion d’intensité douloureuse. Elle définit le terme de « commune » de façon négative, c’est-à-dire une lombalgie qui n’est pas le témoin d’une lésion secondaire à une affection infectieuse, inflammatoire, tumorale ou traumatique. Il s’agit donc d’un diagnostic d’élimination.
La CPAM et le COST B13 (recommandations européennes) apportent une nuance quant à la durée: ils différencient les lombalgies aiguës de moins de 6 semaines des subaiguës entre 6 et 12 semaines.
Les lombalgies aiguës communes provoquent des douleurs souvent intenses, altérant le quotidien des personnes qui en souffrent, mais dans 90% des cas elles guérissent spontanément en moins de 4 à 6 semaines. La cause des lombalgies communes est le plus souvent inconnue, multifactorielle, et l’étiopathogénie en est encore mal connue. Le risque à terme est le passage à la chronicité.
Table des matières
GÉNÉRALITÉS
I. L’ostéopathie
1. Histoire
a. Les débuts des thérapies manuelles
b. La naissance de l’ostéopathie
c. L’arrivée en France de l’ostéopathie
2. Législation française
a. Concernant leur exercice
b. Concernant leur formation
3. Définitions et concepts
a. Généralités
b. L’ostéopathie globale
c. La médecine manuelle – ostéopathie
4. Indications et contre-indications de l’ostéopathie
5. Démographie et place dans le système de soins en France
6. L’ostéopathie dans le monde
a. Généralités
b. En Europe
c. Aux Etats-Unis
II. Les lombalgies aiguës communes
1. Définitions
2. Epidémiologie
3. Recommandations
a. HAS
b. Européennes
c. Collège de Médecine Générale
d. CPAM
4. Parcours de soins en pratique
INTRODUCTION
MATÉRIEL ET MÉTHODE
I. Recherche bibliographique
II. Type d’étude
1. Enquête qualitative
2. Entretiens semi-structurés
III. Echantillonnage
1. Caractéristiques de l’échantillon
2. Recrutement
IV. Recueil des données
1. Déroulement du recueil
2. Guide d’entretien
V. Méthode d’analyse
1. Retranscription
2. Analyse des entretiens
VI. Démarches réglementaires
RÉSULTATS
I. Résultats descriptifs
1. Entretiens
2. Echantillon
a. Etat civil
b. Caractéristiques de leur exercice
c. Tableaux d’échantillonnage
II. Connaissances et formations concernant l’ostéopathie dans les lombalgies aiguës
1. Diplômes
2. Ressenti général concernant leurs connaissances
a. Ressenti majoritairement négatif
b. Quelques ressentis positifs
3. Sources d’information
a. Lors de formations
b. Dans la littérature
c. Lors de discussions
d. Par leur expérience
4. Domaines de connaissances
III. Place de l’ostéopathie dans leur pratique pour la prise en charge des lombalgies aiguës
1. Fondements de leur adressage
a. Un adressage avant tout empirique
b. Un adressage marginalement basé sur des connaissances théoriques
2. Adressage en fonction de la pathologie
a. Facteurs d’indication
b. Facteurs de contre-indication
3. Adressage en fonction du patient
a. Selon son âge
b. Selon ses antécédents
c. Selon son profil
d. Selon ses moyens financiers
4. Moment d’intégration dans leur prise en charge
a. Un recours spontané non négligeable
b. Jamais opposés à la demande du patient
c. En deuxième intention principalement
d. En première intention plus minoritairement
e. En dernier recours
5. Choix du professionnel
a. Origine du professionnel
b. Caractéristiques du professionnel
6. Moyens d’adressage
a. Oral
b. Courrier
c. Ordonnances
d. Téléphone
IV. Opinions et ressentis
1. Concernant l’ostéopathie dans la prise en charge des lombalgies aiguës
a. Opinion générale
b. Concernant les mécanismes d’action de l’ostéopathie
c. Avantages et apports de l’ostéopathie
d. Inconvénients de l’ostéopathie
e. Concernant les résultats et la satisfaction des patients
2. Concernant les différents professionnels ostéopathes
a. Une confiance envers les professionnels du réseau
b. Mais une méfiance importante pour les professionnels inconnus
c. Opinions spécifiques à chaque type d’ostéopathes
3. Concernant l’intégration de l’ostéopathie dans le parcours de soins sans avis médical préalable
a. Un avis plutôt favorable ou neutre
b. Quelques opposants
V. Perspectives
1. Améliorer leurs connaissances
2. Améliorer les échanges avec les professionnels
3. La question du remboursement
4. La question du nombre de professionnel
DISCUSSION
I. Synthèse des résultats
II. Comparaison des principaux résultats à la littérature
1. L’ostéopathie en vogue
2. Un adressage empirique, corollaire au manque de connaissances des MG ?
3. Un adressage en accord avec les recommandations malgré tout
4. Un adressage informel, reflet d’un manque de communication et de compréhension
5. Une confiance praticien-dépendante
6. Une prise en charge globale centrée sur le patient
7. La question du remboursement
8. Leurs perspectives
a. Améliorer les connaissances des médecins généralistes
b. Améliorer la communication entre les professionnels
c. L’augmentation des ostéopathes
III. Forces et faiblesses de l’étude
1. Intérêts et forces de l’étude
2. Biais et faiblesses de l’étude
a. Concernant l’échantillon : biais de sélection
b. Concernant les données
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE