Les infections ostéo-articulaires
Les IOA sont définies par la présence d’un agent infectieux, le plus souvent une bactérie, dans l’os, une articulation ou une prothèse articulaire. Leur fréquence est rare mais il s’agit de pathologies graves dont l’éradication est compliquée et qui sont susceptibles de mettre en jeu le pronostic fonctionnel du patient. La prévalence des IOA en France était en 2008 de 70 cas pour 100 000 habitants par an avec une prédominance chez les personnes âgées avec une prévalence à 209 pour 100 000 habitants par an chez les patients de plus de 70 ans. Une étude de Kurtz et al. montre une incidence de 50 pour 100 000 habitants par an avec une prévision d’augmentation de plus de 150% d’ici 2030. Les patients possèdent une ou plusieurs comorbidités dans 70% des cas. Les comorbidités retrouvées chez les patients sont : Le diabète, L’éthylisme chronique, le tabagisme et la toxicomanie, L’immunodépression pathologique : Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH), Polyarthrite Rhumatoïde (PR), L’immunodépression réactionnelle : Corticothérapie, traitement antirejet de greffe, chimiothérapie anticancéreuse.
Il est possible de classifier les IOA selon plusieurs critères : Selon le mode de contamination, Selon la localisation, Selon la présence ou non de matériel. Il existe trois modes de contamination principaux dans les IOA. Premièrement, la majorité des IOA se fait par la voie hématogène au décours d’une bactériémie. Dernièrement, les IOA surviennent à la suite d’une inoculation ou contamination directe à la suite d’un geste chirurgical ou en post-traumatique. Enfin, le dernier mode de contamination est la contamination par contiguïté. Une infection des parties molles, par exemple lors d’un mal perforant plantaire sur pied diabétique, va être suivi par le passage de bactéries dans la circulation lymphatique. Ces bactéries vont ensuite aller coloniser une articulation ou un os sur le territoire du drainage lymphatique.
Les Infections Ostéo-Articulaires Complexes (IOAC)
Les IOAC recouvrent majoritairement les infections sur prothèse ou matériel d’ostéosynthèse (clou, plaque, vis, fixateur), les infections post-traumatiques (fractures ouvertes) et les infections osseuses chroniques. Dans d’autres cas, une IOA classique peut basculer en IOAC. Ceci est fonction du terrain du patient. Il peut s’agir de patients en échec d’une première prise en charge médico-chirurgicale, ou de patients présentant une infection nécessitant un programme chirurgical particulier (nécessité de retirer les tissus abimés notamment de l’os, nécessité de reconstruction osseuse et/ou techniques particulières pour refermer la plaie appelé lambeaux). Les comorbidités du patient ou les germes impliqués peuvent aussi complexifier la prise en charge. Un patient nécessitant un traitement antibiotique rendu difficile par la présence de bactéries particulières ou d’allergie aux antibiotiques ou de contre-indication à un antibiotique d’intérêt, ou un patient présentant une défaillance d’organes (insuffisance rénale, hépatique…) ou à risque de décompensation de maladies chroniques préexistantes (insuffisance cardiaque, diabète, immunodépression…) pouvant modifier la prise en charge.
La prise en charge de ces IAOC est complexe et repose sur la collaboration de nombreux spécialistes en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) : chirurgiens orthopédistes, anesthésistes, infectiologues, microbiologistes, hygiénistes, radiologues, rhumatologues, pharmaciens hospitaliers et rééducateurs fonctionnels. Depuis 2012, les Centre de Référence des Infections ostéo-articulaires complexes (CRIOACS) coordonnent la lutte contre les IOAC. Les CRIOAC bénéficient d’un système d’information en ligne leur permettant de coordonner régionalement et nationalement la prise en charge des IAOC.
Ce système d’information a permis la création d’une base de données qui est renseignée pour chaque patient présenté en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) .
Mécanismes de persistance bactériens : Biofilm et Small Colony Variant (SCV)
Un biofilm est une communauté de micro-organismes «sessiles» attachés irréversiblement sur une surface vivante ou inanimée et englués dans une substance visqueuse : le biofilm. Le biofilm est composé d’exopolysaccharides bactériens et de substances exogènes de l’environnement local. La matrice du biofilm est hautement hydratée et peut contenir jusqu’à 97 % d’eau. Elle peut être constituée de polysaccharides, de protéines, d’acides nucléiques, d’agents tensioactifs, de lipides, de glycolipides et de cations. La composition de la matrice varie selon l’espèce bactérienne et les conditions de croissance. Un des exopolysaccharides le plus souvent retrouvés est un polymère de β-1,6-N-acétyl-D-glucosamine (polyglucosamine, PGA ou PNAG). On retrouve ce polymère chez plusieurs espèces bactériennes, dont S .aureus, Escherichia coli, et S. epidermidis . Après les phases d’adhérence réversible puis irréversible, la bactérie forme une microcolonie qui produit une matrice extracellulaire (en beige) pouvant accueillir d’autres espèces microbiennes par agglomération. Le biofilm mature est le site de gradients inverses en nutriments (flèche bleue) et en déchets (flèche rouge) définissant des niches physiques et chimiques. Il peut se disperser et libérer des bactéries mobiles (dispersion active) ou des agrégats bactériens entourés de matrice (dispersion passive) .
Le biofilm permet aux bactéries de résister aux agressions extérieure. En effet, les bactéries présentes au sein d’un biofilm sont 1000 fois plus résistantes aux antibiotiques par rapport à des bactéries cultivées en milieu liquide. Plusieurs phénomènes expliquent cela. Tout d’abord, la matrice extracellulaire constitue une barrière de diffusion pour les antibiotiques et permettrait une adaptation progressive des bactéries au stress antibiotique. De nombreux antibiotiques, telles que les béta-lactamines sont plus efficaces sur les bactéries se multipliant rapidement. Or, au sein d’un biofilm, la croissance bactérienne est ralentie du fait d’un accès limité aux nutriments, au pH élevé et une plus faible concentration en oxygène. Les bactéries passent d’un mode de vie planctonique à un mode de vie biofilm. Ce ralentissement est lié au «quorum sensing». La proximité et les contacts rapprochés entre les bactéries du biofilm facilitent la communication et les échanges inter-bactériens mais induisent aussi une plus grande compétition entre bactéries.
Traitement des IOAP
La prise en charge des IOAP est complexe et va nécessiter le travail conjoint des orthopédistes, des infectiologues et des microbiologistes. Elles peuvent, parfois, nécessiter le recours aux CRIOAC.
Le traitement des IOAP va associer antibiothérapie et chirurgie. Le traitement chirurgical doit précéder ou intervenir en même temps que le traitement antibiotique et être fait en urgence devant des signes cliniques de gravité : abcès, choc septique. La prise en charge chirurgicale dépend de la durée entre la pose de la prothèse et les signes cliniques.
Dans le cas d’une infection aigüe, c’est à dire survenant dans les 4 semaines après la pose de la prothèse, d’origine post-opératoire ou hématogène, vont être réalisés une arthrotomie pour synovectomie et lavage ; Uniquement les pièces mobiles seront changées .
Dans le cas d’une infection chronique, deux méthodes sont possibles. Le changement en 1 ou 2 temps. Le changement en 1 temps consiste à l’ablation de la prothèse avec repose immédiate. Le changement en 2 temps comprend une ablation de prothèse et la repose d’une nouvelle après quelques semaines. Lors de ces interventions pourront être utilisées des ciments imprégnés d’antibiotiques .
Quel que soit le délai entre la pose de la prothèse et les premiers signes cliniques, dans le cas d’un descellement de prothèse, elle doit systématiquement être changée. Concernant les traitements antibiotiques, ils doivent être adaptés à la fois à l’agent infectieux incriminé et à la fois au site infecté. Il faut donc utiliser des antibiotiques actifs contre les germes identifiés et possédant une bonne diffusion osseuse. Les antibiotiques possédant la meilleure pénétration osseuse sont les Fluoroquinolones et la Rifampicine, de plus, ces molécules ont une demi-vie osseuse supérieure à leur demi-vie plasmatique. Quelle que soit la molécule, sa diffusion est meilleure dans un os spongieux du fait de sa meilleure vascularisation et dans l’os infecté. L’antibiothérapie ne doit débuter qu’après réalisation des prélèvements microbiologiques.
Diagnostic des IOAP
Clinique : Toute personne ayant une prothèse articulaire doit être mise au courant des signes d’alerte faisant suspecter une IOAP. Tout d’abord, la cicatrice de la chirurgie doit rester propre. Tout incident cicatriciel tel que la persistance ou l’apparition d’une inflammation locale et/ou l’absence et retard de cicatrisation ainsi qu’une désunion voire une nécrose et/ou tout écoulement même non purulent doit alerter. La réapparition ou aggravation de la douleur locale postopératoire ainsi que la dégradation de la récupération fonctionnelle sont aussi deux signes d’alerte. Enfin, la présence de signes généraux tels que la fièvre et/ou des frissons sont à prendre en compte. Pour les PTG, un épanchement douloureux doit faire évoquer une IOAP. Tous ces signes sont importants à connaître car la prise en charge d’une IOAP dans le mois suivant la pose est une urgence médico-chirurgicale .
Les signes cliniques affirmant une IOAP précoce sont les suivants : Un écoulement purulent ; Un abcès ; Une fistule.
Les signes étant évocateurs d’une IOAP précoce sont les suivants, ils recoupent les signes d’alerte à connaître pour les patients :
Un incident cicatriciel : Persistance ou apparition d’une inflammation locale ; Absence et retard de cicatrisation, désunion, nécrose ; Tout écoulement non purulent .
La réapparition ou aggravation de la douleur locale postopératoire ; La dégradation de la récupération fonctionnelle ; Un épanchement douloureux.
Dans les IOAP tardives, la clinique est celle d’une articulation ayant toujours été douloureuse avec localement une articulation chaude et un épanchement chronique. Il n’y a pas de signes systémiques de sepsis et le syndrome inflammatoire biologique peut être inconstant.
Imagerie : Le choix du type d’examen d’imagerie varie en fonction du type d’IOAP. Dans le cadre des infections post-opératoires précoces, aucun examen d’imagerie ne trouve sa place dans le diagnostic hormis l’échographie afin de guider une éventuelle ponction articulaire.
Pour les infections post-opératoires retardées, les signes que l’on doit retrouver à la radiographie conventionnelle sont des zones d’ostéolyse ou la présence d’un liseré périprothétique évolutif. L’échographie articulaire va permettre de guider la ponction articulaire et de rechercher un éventuel épanchement. Le TDM (Tomodensitomètre) et l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) vont permettre d’étudier les parties molles à la recherche d’un abcès. Des artéfacts produits par la prothèse peuvent également être retrouvés Dans les IOAP tardives (origine hématogène), seule la radiographie est utile au diagnostic. Elle va permettre de rechercher des signes de descellement de la prothèse. L’échographie articulaire permettra, comme pour les IOAP précoces et retardées, de guider la ponction articulaire.
Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE SUR LES IOAP
I. LES INFECTIONS OSTÉO-ARTICULAIRES
1. Définition
2. Ostéites natives
a. Arthrite septique
b. Ostéomyélite
c. Infection de pied diabétique
d. Spondylodiscite
3. Les Infections Ostéo-Articulaires Complexes (IOAC)
II. LES IOAP
1. Incidence et épidémiologie des IOAP
2. Facteurs de risque
3. Classification et Physiopathologie
4. Particularités des IOAP
a. Agents pathogènes incriminées
b. Mécanismes de persistance bactériens : Biofilm et Small Colony Variant (SCV)
5. Traitement des IOAP
III. DIAGNOSTIC DES IOAP
1. Clinique
2. Imagerie
3. Histologique
4. Biologique
5. Microbiologique
a. Pré-analytique
b. Analytique
Examen microscopique
Prétraitement du prélèvement avant culture
Culture microbiologique
c. Interprétation des résultats microbiologiques
6. Autres méthodes de diagnostic microbiologique
a. PCR spécifiques
b. PCR multiplex
c. Séquençage Nouvelle Génération
PARTIE 2 : ÉTUDE EXPÉRIMENTALE
I. OBJECTIF DE L’ÉTUDE
II. MATÉRIEL ET MÉTHODES
1. Caractéristiques des prélèvements sélectionnés pour l’étude
2. Cultures microbiologiques
a. Avant le changement de méthode
b. Après le changement de méthode
III. RÉSULTATS
1. Avant le changement de méthode
a. Statistiques générales
b. IOAP de Hanche : Écologie bactérienne et concordance du critère microbiologique au diagnostic
c. IOAP de Genou : Écologie bactérienne et concordance du critère microbiologique au diagnostic
2. Après le changement de méthode
a. Statistiques générales
b. IOAP de Hanche : Écologie bactérienne et concordance du critère microbiologique au diagnostic
c. IOAP de Genou : Écologie bactérienne et concordance du critère microbiologique au diagnostic
3. Coût du changement de protocole d’ensemencement
CONCLUSION – DISCUSSION
BIBLIOGRAPHIE