Matériaux échangeurs d’ions et procédés électromembranaires
Les textiles échangeurs d’ions
Lors de ces dernières années, nous notons l’apparition d’un nouveau matériau échangeur d’ions dit « textile échangeur d’ions (TEI) » (Berdous et Akretche, 2002). Les textiles échangeurs d’ions sont nés des recherches effectuées plus de 20 ans par l’Institut Textile de France et résultent de l’association par machines textiles de fibres à fonction échangeurs d’ions. Ils peuvent être constitués de fibres naturelles, artificielles ou synthétiques sur lesquels ont été fixés des sites fonctionnels échangeurs d’ions et se présentent sous la forme d’un média tissé, tricoté, sous forme de papier ou de poudre suivant le domaine d’application et les conditions d’utilisation envisagées (Berdous et Akretche, 2002). La fonction d’échange d’ions est conférée au matériau textile par une copolymérisation de monomères ioniques spécifiques initiés par voie radiochimique, soit sous un rayonnement Gamma, soit sous un faisceau d’électrons accélérés (Chatelin et al., 1987). Les TEI sont des matériaux macroporeux régénérables, non-réticulés, qui possèdent de part leur structure et la mobilité des greffons échangeurs d’ions, une haute cinétique d’échange, supérieure à celle des résines échangeuses d’ions. En traitement d’effluent, ces TEI permettent notamment de traiter d’importants volumes sans perte de charge notable. Ces matériaux sont utilisés en traitement d’effluents liquides et gazeux, en traitement des boues et en protection des sols, en catalyse, en production d’eau ultrapure et comme moyen de destruction de l’algue Caulerpa Taxifolia (Dejean, 1997) qui s’étend en Méditerranée. Ils ne sont pas utilisés en tant que séparateurs mais permettent d’optimiser certains procédés électromembranaires en augmentant la conductivité électrique des solutions diluées en conséquence celle de tout le monde. L’équipe de Berdous (Berdous et Akretche, 2002) a mis au point un procédé utilisant des membranes échangeuses d’ions pour la récupération de métaux tels que le cuivre et l’argent, par dialyse de Donnan. Toutefois, le phénomène d’osmose réduit l’efficacité de l’opération. Les auteurs ont alors combiné MEI et TEI, ce qui permit d’améliorer le rendement car les propriétés hydrophiles du textile permettent de diminuer le flux d’eau et donc favorisent le transfert d’ions.
Structure des textiles échangeurs d’ions (Boutemine, 2009 ; Kourda, 2000)
La structure du squelette des textiles échangeurs d’ions elle peut être de deux sortes : Chapitre II Matériaux échangeurs d’ions et procédés électromembranaires 49 Squelette cellulosique : le polymère tronc sur lequel sont greffées les fonctions d’échange, est constitué d’un matériau cellulosique pouvant être une fibre native (couton, lin, chanvre, ramie) ou une fibre de dérivé cellulosique (viscose, acétate, triacétate de cellulose). Squelette polypropylène : le polymère tronc est constitué par les fibres de polypropylène qui ont l’avantage d’être chimiquement inertes et de résister aux acides et aux bases fortement concentrés. II.1.6.2 Utilisations des textiles échangeurs d’ions Le principe de fonctionnement des textiles échangeurs d’ions, se révèle semblable à celui des résines synthétique, de plus la nature de substrat (cellulose) permet aux TEIs de combiner à la fonction d’échange, des fonctions de filtration jusqu’à quelque microns. Les textiles échangeurs d’ions ont potentiellement un vaste champ d’application, allant de la conception de vêtement de protection à l’épuration d’effluents de centrale nucléaire (Chatelin et al., 1987) : Vêtements de travail: fabrication de blouses de travail antiacides ou et antibases. Epuration de l’air : extraction des vapeurs à caractère acide ou basique, produits de fermentation aminés, ionisation des gaz dilués (Sugo et al., 1994). Epuration des eaux et des effluents : c’est le domaine ou les TEI ont été le plus amplement expérimentés. Parmi les principaux secteurs d’applications nous citerons l’hydrométallurgie et la galvanoplastie : détoxication, recyclage des effluents, récupération des métaux, confinement des boues d’hydroxydes (Combes, 1980). L’industrie chimique et pharmaceutique : déminéralisation, catalyse supportée, extraction de macro ions (Combes, 1980). Le nucléaire : décontamination des traces radioactives, retraitement des déchets (Kourda, 2000). Les textiles échangeurs d’ions peuvent, en outre, être associés avec d’autres procédés séparatifs (Boutemine, 2009 ; Kourda, 2000): Couplage TEI/résine : la disposition des TEI en amant des résines échangeuses d’ions permet l’élimination des macro- ions avant le passage de l’effluent sur résine. Couplage électrodialyse et ou électrolyse/TEI dans les deux cas, les TEI sont placés en aval, l’objectif est de capter la fuite ionique par les TEI dés que le fonctionnement de la technique électrochimique n’est plus économiquement valable (solutions diluées). Chapitre II Matériaux échangeurs d’ions et procédés électromembranaires 50 Couplage ultrafiltration/TEI et TEI/osmose inverse : dans ce dernier cas, l’insertion des TEI avant osmose inverse devrait permettre d’éviter un encrassement prématuré des membranes et de prolonger leur durée de vie. II.2 L’électrodialyse (ED) L’ED est une technologie membranaire qui utilise l’énergie électrique pour transférer des espèces chargées. Il s’agit à l’origine, dans les années 1930, d’utiliser un courant électrique pour accroître le transfert de matière des espèces chargées par rapport à celui obtenu par une simple dialyse. A l’heure actuelle, l’ED utilise des membranes spécifiques, disposées en alternance orthogonalement à un champ électrique. Le réacteur est constitué d’un empilement de membranes, souvent désigné par le terme « stack », lui-même composé d’une répétition de motifs élémentaires identiques, montés dans un arrangement type « filtre-presse ».
Définition de la dialyse
Le terme de dialyse désigne la diffusion d’un soluté à travers une membrane qui lui est sélectivement perméable tout en étant imperméable au solvant. La dialyse est donc une méthode de séparation membranaire dont le moteur est la différence de concentration des constituants dissous de part et d’autre de la membrane. Les solutés migrent pour égaliser les potentiels chimiques de part et d’autre de la membrane (figure II.8). Figure II.8: Principe de la dialyse de Donnan. La dialyse sert à extraire les matières indésirables d’un fluide, la séparation s’effectuant en fonction de la masse moléculaire dans le sens concentration élevée vers concentration faible. Membrane cationique A + B + X − Y −
Principe de l’électrodialyse
On sait que lorsqu’on soumet un liquide contenant des espèces ioniques à un champ électrique grâce à deux électrodes plongées dans le milieu entre lesquelles on applique une DDP, les cations et les anions migrent respectivement vers les électrodes positives et négatives où ils se déchargent : il y a électrolyse. Si l’on place sur le trajet des ions une série de membranes permsélectives, les unes aux anions, les autres aux cations, alternativement, la migration est limitée dans les compartiments formés par cette série de barrières. Certains s’appauvrissant tandis que d’autres, dans le même temps, s’enrichissent en espèces ioniques. Ce procédé est appelé électrodialyse (par analogie à la dialyse qui se fait, ici, sous l’impulsion du champ électrique). Fondée sur les propriétés des membranes échangeuses d’ions homopolaires à ne transférer qu’un seul type d’ions, l’application d’un champ électrique perpendiculairement au plan des membranes permet donc d’extraire en partie ou en totalité les ions contenus dans un fluide et d’opérer ainsi une séparation espèces chargées/espèces neutres. Un schéma explicatif permet de mieux comprendre le phénomène et les flux de transfert qui agissent pendant l’électrodialyse (figure II.9). Figure II.9 : Principe de l’électrodialyse. Solution à dessaler i Concentrât + Solution d’électrode MEC MEA MEC MEA Diluât t + − + − + Solution d’électrode − + − − + + (2) (1) (2) Les membranes sélectives aux anions (MEA) et aux cations (MEC) sont disposées alternativement entre deux électrodes situées aux extrémités du module. Une cellule élémentaire est constituée de deux types de compartiments (1) et (2). Lors du passage du courant électrique i, les cations sont attirés par le pôle négatif : ils peuvent quitter (1) en migrant à travers la MEC mais sont piégés dans (2) à cause de la MEA. Les anions migrent en sens inverse. Donc, le compartiment (1) dans lequel arrive l’effluent brut s’appauvrit progressivement en espèces ioniques (la solution qui en résulte est appelée «dilué») tandis que le compartiment (2) s’enrichit en ces mêmes ions (concentré). Les espèces neutres présentes dans l’alimentation ne sont pas modifiées et se retrouvent dans le dilué. Les électrodes sont maintenues au contact de circuits indépendants seulement destinés à assurer la conduction électrique. Dans les installations industrielles, les empilements peuvent atteindre plusieurs centaines de cellules élémentaires dans des assemblages de type filtre-presse. II.2.3 Phénomènes liés à l’électrodialyse et limitations de la technique La capacité de séparation de certains ions d’un mélange ions/molécules neutres est non seulement déterminée par les propriétés des membranes échangeuses d’ions mais aussi par des paramètres opératoires directement liés au module membranaire : ce sont la densité de courant et la densité de courant limite. Une définition de ces paramètres permet d’expliquer les phénomènes auquel tout procédé membranaire est confronté : la polarisation de concentration et le colmatage. Dans le cas de l’ED, la polarisation de concentration est déterminée essentiellement par la densité de courant et les vitesses d’écoulement des flux du dilué et du concentré. Le colmatage, difficile à contrôler et aux conséquences quasi irréversibles est souvent dû à l’adsorption de polyélectrolytes ioniques souvent contenus dans les solutions à traiter : ces composés pénètrent partiellement ou totalement dans la membrane entraînant une baisse définitive de la perméabilité sélective par occupation des sites échangeurs d’ions.