La synthèse des microgels polyélectrolytes

La synthèse des microgels polyélectrolytes

Les microgels sont des copolymères d’acrylate d’éthyle (AE) et d’acide méthacrylique (AMA) réticulés par un monomère, le dicyclopentènyloxyéthyle méthacrylate (DCPOEMA). La synthèse est effectuée en émulsion directe en solvant aqueux. Chaque gouttelette va servir de réacteur à la croissance des chaines de polymère; l’ajout de DCPOEMA va former des points de réticulation au sein de ce réseau sans stopper la croissance des chaines. Nous obtenons un copolymère AE-co-AMA statistique. Un travail important de mise au point a été nécessaire pour trouver les conditions optimales de synthèse, notamment dans le rapport des quantités d’AMA et AE. C’est ainsi que l’on a montré que le rapport AMA/AE doit être inférieur à 1. L’ensemble du travail de synthèse de ces matériaux a été réalisée par les techniciens et ingénieurs du Centre de Recherche et de Développement d’Arkeman (CERDATO) à Serquigny. Notre étude comportera deux types de microgels en fonction du taux d’agent réticulant ajouté. – 5 – La synthèse des microgels polyélectrolytes. Introduction et objectifs – Soit 64% d’AE, 35% d’AMA, et 1% de DCPOEMA – Soit 62% d’AE, 33% d’AMA et 5% de DCPOEMA Les produits obtenus sont lavés des surfactants de synthèse par ultrafiltration jusqu’à ce que la solution présente la même résistivité que l’eau ultrapure (18.2 M.cm). Le résultat de la synthèse donne une solution mère de microgels sous forme de petites sphères en suspension dans l’eau, présentant un extrait sec de l’ordre de 10% et un pH acide (~3-4). Régis Borrega, au cours de sa thèse [1], s’est intéressé à la taille de ces microgels dans les solutions mères en fonction des différentes conditions de synthèse. Il a montré que le rayon hydrodynamique mesuré par diffusion simple de la lumière était quasiment constant quelque soit la quantité de DCPOEMA et vaut environ 50 nm. 

Préparation des échantillons

Les microgels en suspension dans l’eau sont effondrés sur eux-mêmes (structure en pelote) et l’une des façons la plus simple de se les représenter est d’imaginer que chaque particule est un filet de pêcheur roulé en boule où les cordes représentent les chaines de monomères et les nœuds sont les points de réticulation chimique. Le réseau est maintenu dans cet état effondré par la présence des fonctions d’acide méthacrylique. La neutralisation des fonctions acides, par de la soude, va entrainer la création de charges -COO- , le réseau s’ouvre. Sous l’effet de la pression osmotique, l’eau va pénétrer dans le réseau: les particules gonflent. Les mécanismes de neutralisation ont été étudiés théoriquement et expérimentalement par I.Borukhov et al [2]. La taille des particules de microgel gonflées est intimement liée au degré de réticulation, plus le réseau comporte de points de réticulation, plus il sera difficile pour le solvant d’y pénétrer et de s’y piéger. Le rayon hydrodynamique des microgels réticulés à 5% de DPCOMA et gonflés est de 125 nm, avec seulement un taux de 1% de réticulant les microgels gonflent jusqu’à 250 nm de rayon. – 6 – Introduction et objectifs La préparation des échantillons se fait en mélangeant deux volumes égaux contenant d’une part une solution diluée de microgel dans l’eau et d’autre part la quantité de soude nécessaire pour neutraliser les fonctions acides diluées dans l’eau. Nous avons remarqué qu’il est préférable de préparer les échantillons par cette technique au lieu d’ajouter de la soude fortement concentrée directement dans la solution de microgel diluée. Une goutte de soude fortement concentrée va faire gonfler les microgels et la viscosité locale va augmenter rapidement. Il sera long et difficile de rendre homogène une solution très concentrée. La quantité de soude ajoutée sera calculée pour neutraliser 90% des fonctions acides. Figure I–1: A gauche, schéma d’une particule de microgel en suspension dans l’eau. A droite la même particule dont les fonctions AMA sont neutralisées par un ajout de soude, la particule est gonflée par le solvant. 

Structure des échantillons dans différents régimes de concentration

Durant son travail de thèse, Régis Borrega a largement décrit les différentes structures que présentent des solutions de microgel à différentes concentrations. Il a notamment mis en évidence une concentration critique, notée C* , où chaque particule est juste en contact avec ses voisines. Cette concentration dépend de la teneur en AE, en AMA, du degré de réticulation et des conditions physico-chimiques (pH, présence de sel). La concentration C* est souvent comparée au régime d’empilement compact observé dans le cas des sphères dures. – 7 – Introduction et objectifs c < c* c = c* c >> c* c Figure I–2: Schéma représentant la structure des suspensions de microgels en fonction de la concentration. La concentration C* est la concentration d’empilement compact, c’est la frontière entre les régimes dilué et concentré. Au-delà de cette concentration, la surface de contact entre deux particules forme une facette (représentées en traits noir sur la Figure I–2). Le nombre de facettes et leurs surfaces dépendent de la concentration en polymère et sont à l’origine des propriétés d’écoulement à seuil et de la dynamique particulière des échantillons. Figure I–3: Photo représentant deux suspensions de microgels présentant des concentrations en dessous (tube de gauche) et au dessus (tube de droite) de la concentration C* . La fraction volumique de l’empilement compact pour des sphères dures monodisperses est voisine de 0.64. Régis Borrega a déterminé que la fraction volumique dans le cas des microgels que nous étudions est très proche de cette valeur une fois la taille des particules corrigée pour tenir compte du dégonflement osmotique [3]. La concentration en polymère permettant d’atteindre cette concentration critique dépend des paramètres physico-chimiques comme le taux de réticulation, le taux de neutralisation….  Une solution de microgel à une concentration inférieure à C* est une suspension de particules colloïdales soumises au mouvement Brownien. La viscosité de ce type de solution est une dizaine ou une centaine de fois supérieure à celle de l’eau. Les particules de microgel sont des particules molles et déformables de telle sorte qu’il est possible de dépasser largement la concentration C* . Pour des concentrations C >C* , et en absence de contrainte, les échantillons se comportent comme des solides. Dans ce régime, chaque particule est confinée dans un volume restreint formé par leurs voisines. Les particules sont agitées thermiquement, elles explorent un petit volume en s’appuyant sur leurs voisines qui, de part leur propre élasticité, les repoussent. Les particules ne peuvent pas s’extraire de la cage formée par leurs voisines. Malgré l’existence d’un mouvement à l’échelle locale, le système est piégé à l’échelle macroscopique. Nous utiliserons dans ce manuscrit des suspensions de microgels dans des concentrations au-delà de C* dont nous allons maintenant présenter les propriétés rhéologiques en détail.

Caractérisation rhéologique des pâtes de microgels 

Principe des mesures de rhéologie

La technique souvent utilisée pour caractériser les propriétés telles que la viscosité, les modules élastique et visqueux, est regroupée sous le nom de rhéologie. Le principe de la rhéologie est d’appliquer une contrainte ou une déformation et de mesurer se réponse mécanique. Les principales grandeurs que nous allons utiliser sont: la contrainte notée τ, la déformation notée γ, le module élastique noté G’ et le module visqueux noté G » En pratique, cette technique consiste à l’aide d’un rhéomètre à appliquer, de façon oscillante ou continue une contrainte ou une déformation à un échantillon. Il existe plusieurs – 9 – Introduction et objectifs types de géométrie de travail. Une géométrie est constituée en pratique d’une partie mobile, le rotor, qui va transmettre la contrainte demandée mais également mesurer la réponse du matériau via des capteurs situés sur l’axe de rotation et d’une partie fixe, le stator. C’est souvent autour du stator que se trouve l’ensemble de contrôle en température. 4.2 Détails expérimentaux Nous utiliserons un rhéomètre à contrainte imposée (Thermon electron; RS600) équipé d’une géométrie cône-plan de 60 mm de diamètre et de 2° d’angle. Les surfaces du rotor et du stator présentent une rugosité d’une dizaine de microns afin de supprimer les effets du glissement. S.Meeker [4] a largement détaillé ces phénomènes de glissement et il a montré notamment que cette rugosité suffisait à supprimer le glissement. Les échantillons sont isolés de l’atmosphère ambiante grâce à un piège à solvant permettant de limiter les phénomènes d’évaporation. Les microgels très concentrés présentent des temps de relaxation très longs, aussi pour assurer une bonne reproductibilité des mesures, toutes les mesures sont précédées d’un échelon élevé et continu de contrainte pendant quelques secondes. Cette étape permet de supprimer les contraintes résiduelles accumulées lors de la mise en place dans la géométrie de mesure. Les variations de température ne jouent pas un rôle majeur dans ces systèmes, néanmoins, le contrôle en température est effectué par un plan Peltier qui permet une régulation à 0,1°C près. La température de travail est fixée à 23°C. Nous décrivons par la suite les mesures et les résultats typiques obtenus sur des pâtes dont la concentration se trouve au dessus de C*  .

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