La fidélité de la clientèle dans la littérature
L’étude des différences entre les produits tangibles et services a montré que les services se distinguent par quatre caractéristiques, à savoir ; l’intangibilité, l’indivisibilité, la variabilité et la périssabilité. Ces différences impliquent des stratégies différentes au niveau de la satisfaction des consommateurs ou de leur fidélisation. Cependant, le principe de Reichheld1 (1990) qui indique que conquérir un nouveau client coûterait jusqu’à cinq fois plus cher que de fidéliser ses propres clients et où les clients fidèles sont les plus rentables vaut encore plus dans le secteur des services. La fidélité du consommateur constitue pour le secteur des services un atout considérable puisqu’il est plus facile de servir un client fidèle et familier avec l’environnement et le personnel du service d’autant plus que ce type de client permet une plus grande profitabilité pour l’entreprise. La fidélisation des clients est donc indispensable et passe tout d’abord par la compréhension des déterminants de la fidélité. La question qui se pose alors est la suivante : qu’est-ce qui rend un consommateur fidèle ou infidèle aux produits et services qu’il achète ? L’objectif de ce chapitre sera donc de passer en revue les principales approches théoriques de la fidélité.
LA FIDELITE A LA MARQUE : L’APPROCHE COMPORTEMENTALE ET ATTITUDINALE
La fidélité à la marque est un concept complexe qui a fait l’objet d’innombrables définitions et mesures. Des termes comme « marketing relationnel » et « marketing de fidélisation » sont sur le devant de la scène dans les recherches en marketing. La fidélité à la marque représente dans ce contexte un thème majeur dans la compréhension du lien qui unit le consommateur et la marque. 1 Reichheld F, Sasser W.E, « Zero defections: quality comes to services », Harvard Business Review, Vol.68, September/October, 1990. Pp: 105-111. La fidélité de la clientèle dans la littérature Chapitre III : La fidélité de la clientèle dans la littérature 84 La recherche sur la fidélité à la marque est en effet particulièrement riche et florissante. Depuis trois décennies déjà deux problématiques distinctes se partagent les faveurs de la recherche en marketing. La première qualifiée d’approche béhavioriste ne veut voir dans la fidélité du client que des comportements d’achat qui se répètent [Tucker W. T2 (1964)]. La seconde d’inspiration cognitiviste soutient au contraire que l’essence attitudinale de la fidélité précède ses manifestations. Autrement dit que la « fidélité vraie » à une marque (true loyalty) est présente chez le client avant même qu’il ne l’exprime dans ses actes [Day G. S3 (1969)]. A cet effet, Il est primordial dans un premier temps de clarifier la notion de fidélité, distinguant la fidélité comportementale de la fidélité attitudinale.
L’approche comportementale
Les premières définitions de la fidélité à la marque tirent leurs fondements dans l’observation du comportement, c’est l’observation d’un comportement répétitif d’achat dans une période donnée qui constitue une indication de la fidélité du consommateur estime Brown4 (1952) qui définit la fidélité comme « une tendance à acheter une marque donnée le plus souvent à partir d’expériences positives passées ». Dans le domaine des produits de grande consommation par exemple, le témoignage le plus net de la fidélité d’un client à un produit ou à une marque est le fait qu’il achète et rachète exclusivement ce produit ou cette marque durant toute la période de temps considérée. L’approche est alors clairement béhavioriste et le consommateur fidèle est celui qui de façon répétée voire systématique (c’est-à-dire exclusive), fait le choix d’un même produit ou d’une même marque de préférence à celui d’une ou plusieurs des offres considérées comme substituables et provenant d’entreprises concurrentes. Parmi les mesures comportementales de la fidélité les plus connues, il convient de citer celle de Brown5 (1952) qui distingue quatre types de comportements relatés par les séquences d’achat suivantes : Soit A, B, C, D, les marques identifiées : La non-fidélité : ABBACD ; La fidélité instable : AAABBB ; La fidélité partagée : ABABAB ; La fidélité parfaite : AAAAAA. Bien que trop rigide, cette classification a eu le mérite de mettre en évidence qu’il n’y avait pas une mais des fidélités Certains auteurs identifient la fidélité à la marque comme trois achats successifs de la même marque [Tucker6 (1964), Stafford7 (1966), Lawrence8 (1969)], tandis que d’autres préfèrent observer la proportion des achats plutôt que les séquences d’achats, c’est-à-dire raisonner à partir du plus fort pourcentage d’achat d’une marque relativement à la proportion totale des achats dans une catégorie de produits. Ainsi, Cunningham9 (1956) a proposé de mesurer et de définir la fidélité à la marque par la proportion d’achat qui devrait atteindre le seuil minimum de 65% des achats dans la catégorie. Jacoby et Chesnut10 (1978) quant à eux, dans une exhaustive revue de la littérature, répertorient 33 indices comportementaux de la fidélité, tous fondés sur la fréquence d’achat, la séquence d’achat ou les proportions d’achat. Cependant, l’ensemble de ses définitions convergent à dire que la fidélité n’est alors que la constatation d’une suite d’achats répétés en faveur d’une même marque. Dans ces conditions, l’ensemble des indices développés à partir de ce principe, apprécie uniquement une fidélité observée, sans pour autant s’interroger sur le caractère intentionnel ou non du comportement.Il est pourtant capital, pour le manager, de savoir si le ré-achat de la marque est durable, donc intentionnel, ou s’il n’est que circonstanciel, le consommateur pouvant s’en détourner à la première occasion. S’il est admis que la fidélité traduit un comportement d’achat répétitif, l’approche comportementale, par sa vision purement mécanique, ne fournit aucun élément d’explication quant aux raisons de l’adoption d’un tel comportement. En effet, selon Lacoeuilhe11 (1997), un tel comportement d’achat peut avoir de nombreuses et différentes causes telles : c’est la moins chère des marques (forte sensibilité au prix) ; la place qu’occupe la marque dans le linéaire : c’est la seule qui est présente (visible) sur le point de vente habituel. La fidélité est ainsi liée à une situation d’achat passive ; c’est dans ses habitudes (inertie12, loi du moindre effort) ; le faible nombre de marques référencées par le distributeur ; la fidélité au point de vente. Dans ces différents cas de figure, le consommateur achète une marque de façon répétitive pour des raisons qui ne sont pas inhérentes à celle-ci. Cette fidélité, où la marque joue un rôle négligeable, est très fragile car vulnérable aux actions de la concurrence (promotion, variation de prix ….etc.) ou aux modifications de l’environnement (rupture de stock, déréférencement du produit dans le point de vente habituel…). Enfin, l’approche comportementale de la fidélité à la marque ne fournit qu’un cadre opérationnel permettant de mesurer un tel phénomène sans pour autant le définir. Cette approche définit dans l’ensemble, la fidélité à la marque comme un comportement d’achat répétitif sans pour autant en indiquer les raisons ou le caractère intentionnel [Temessek Azza & Touzani Mourad13 (2004)].