L’EFFICIENCE DES MARCHES FINANCIERS, DES MARCHES DE CHANGES ET DES MARCHES DU PETROLE
Fondements Théoriques De L’hypothèse D’Efficience
La théorie des marchés financiers a vu le jour au début des années soixante par les travaux des fondateurs de la finance moderne Tobin (1958) 83, Markowitz (1959)84 et Alexander (1961). Cependant, la paternité de la théorie d’efficience des marchés financiers revient à Eugene Fama en raison de ses travaux publiés en (1965). L’auteur avait pris comme genèse les travaux de Bachelier (1900) et de Graham & Dodd (1934) afin de donner forme à une intuition qui reposait en partie sur la théorie économique classique (le marché représentait le meilleur endroit afin de se procurer une allocation optimale des ressources disponibles). Cette théorie fut importée pour être appliquée un peu partout dans le monde par les chercheurs. Notamment, par Hamon (1976) qui décida de l’employer sur le marché français, Cobbaut et principalement Gillet qui l’ont adapté aux particularités des marchés Belges, etc. Les travaux les plus anciens semblaient la valider dans tous ses cas de figures et au sein de tous les marchés. Beaucoup de travaux empiriques réalisés sur plusieurs places financière ont amené à sa vérification. De ce fait, l’ensemble des chercheurs l’avait prise pour acquise. Or, des travaux plus récents remettent graduellement en cause le mythe de l’efficience. De ce fait, qu’est-ce vraiment la théorie d’efficience et sur quelle base les chercheurs l’ont confirmé ou infirmé ? Pour répondre à la question, on va présenter dans ce qui suit les différentes définitions de ce concept, ses conditions ainsi que les tests qui l’ont mis en évidence. I-
Définition De L’Efficience Des Marchés Financiers
Au premier abord, la théorie d’efficience des marchés semble assez simple mais ses développements l’ont rendu très complexe. D’où la multiplicité de ses définitions. En effet, ces dernières ont évolué au fil du temps à travers les travaux empiriques des chercheurs qui ont détecté quelques contradictions entre une première définition théorique relativement rigide, proposée par Fama (1965)85 et les réactions des marchés financiers. Ces contradictions ont conduit un certain nombre d’auteurs, tel Jensen (1978)86 à revenir sur le postulat primaire et a le rectifier. Cependant, c’est à Fama (1965) que revient la première définition de l’efficience. Une définition qui ressemble à ce qui suit :« Un marché financier est dit efficient si et seulement si l’ensemble des informations concernant chaque actif financier coté sur ce marché est immédiatement intégré dans le prix de cet actif. » 87 La formulation mathématique de la théorie a été détaillée par Fama (1970)88 comme suit : E(Pj,t+1 / Φt )= Pj,t [ 1 + E (R j,t+1 / Φt )]Pt Ou : Φt : l’information disponible en t afin de prévoir le prix de l’actif j en t+1 (Pj,t+1) ; E (X) : l’espérance mathématique de la variable X ; Rj : la rentabilité du titre J. A partir de cette définition, on remarque que l’auteur met l’accent sur l’information disponible (E (R j,t+1 / Φt ) et le rendement espéré de l’actif j a l’instant t+1 en fonction de l’information t (disponible)). Si les prix comptent toutes les informations apparues jusqu’à la date t. alors seules les nouvelles informations peuvent changer les prix des actifs. Selon Fama (1970), plusieurs clauses peuvent favoriser à l’existence d’un marché efficient. Ces dernières sont suffisantes mais pas indispensables à l’efficience des marchés89 : -La Rationalité Des Investisseurs : On ne peut affirmer une efficience des marchés que si les agents économiques agissent rationnellement. Effectivement, les investisseurs doivent agir rapidement et de manière cohérente vis-à-vis de l’information reçue. C’est-à-dire que si les investisseurs anticipent un évènement qui fera monter les cours, ces derniers doivent soit acheter soit conserver les titres financiers. Et si au contraire ils anticipent une baisse des cours alors les investisseurs doivent vendre. Et en second lieu, les investisseurs doivent soit maximiser les profits qu’ils peuvent avoir pour un niveau de risque donné, soit minimiser les risques à prendre pour un niveau de rente donné. -La Libre Circulation Des Informations Et La Réaction Instantanée Des Investisseurs : Pour que l’information soit instantanément intégrée dans les cours, elle doit être propagée simultanément auprès de tous les investisseurs, il ne doit y avoir aucun décalage temporel entre les agents lors de la réception d’informations. Une fois reçue, son traitement doit être immédiat. La Gratuité De L’Information : l’information doit être obtenue gratuitement sans aucun coût supplémentaire de gestion, car si l’information est payante, les investisseurs peuvent parier que son coût est supérieur à la perte probable causée par l’ignorance de cette information. -L’Absence Des Coûts De Transaction : cette absence permet la libre circulation des agents au sein des marchés. Réellement, la présence des coûts va baisser les profits des investisseurs, et ces derniers agiront que si les rentes espérées sont supérieures aux coûts de transactions. Donc, l’absence de ces coûts permet de prendre en considération toute information susceptible d’influencer les cours. -L’Atomicité Des Investisseurs Et La Liquidité Des Marchés : le concept d’efficience des marchés implique la présence d’une totale liquidité et d’une atomicité complète des agents. La liquidité est importante dans le sens ou l’investisseur peut acheter ou vendre une quantité importante des titres sans changer leurs cours. L’atomicité suppose qu’aucun investisseur ne peut influencer le marché par la simple attention d’achat ou de vente de masse importante des titres. Suite aux différentes définitions avancées par Fama (1965 ; 1970 ; 1976). Jensen (1978)90 propose la définition suivante : « A market is efficient with respect to information set θt if it is impossible to make economic profits by trading on the basis of information set θt ». Voulant dire qu’un marché est efficient sur la base d’un ensemble d’information θt si et seulement s’il est impossible de réaliser des profits économiques sur la base de cet ensemble d’information91. Cette définition explique clairement que sur un marché efficient, aucun investisseur ne peut dégager des gains substantiels en spéculant sur la base d’informations disponibles sur le marché. Donc, on dit qu’un marché est efficient, si les cours de ce marché intègrent toutes les informations disponibles le concernant, de façon à ce qu’aucun investisseur ne puisse, en achetant ou en vendant ces titres traire des profits supérieurs aux coûts de transactions causés par cette action. Cette nouvelle définition ne fait que référence à celle qu’a présentée Fama, cependant, son intégration aux frais de transactions la rend plus pragmatique.