Coagulation du caoutchouc naturel en présence de cations divalents
Diagramme de stabilité du latex de NR en présence de Mg2+
Nous avons réalisé un diagramme de stabilité du latex de NR en présence de cations Mg2+ afin de déterminer dans quelles conditions de concentration en Mg2+ le latex de NR est stable. Le terme diagramme de stabilité est préféré au terme diagramme de phase car nous ne cherchons pas à déterminer la composition finale de chaque phase en présence mais nous calculons la composition finale globale du mélange afin de déterminer les conditions de stabilité et de caractériser l’aspect macro et microscopique du phénomène de déstabilisation.
Protocole expérimental
Ce diagramme est réalisé à température ambiante et sous agitation, suivant un mode opératoire différent de celui décrit dans le chapitre 2. Des latex de NR HA, dont la fraction massique en NR est comprise entre 5 et 40%, sont préparés par dilution dans de l’eau ultra-pure. Le pH de ces latex est compris entre 10,1 et 10,2. Une solution mère de sulfate de magnésium est préparée par dissolution, dans une fiole jaugée, de MgSO4 dans l’eau ultra-pure. Les solutions filles de MgSO4 sont préparées par dilution de la solution mère dans l’eau ultrapure. Les solutions filles sont elles-mêmes rediluées dans de l’eau ultra-pure pour obtenir des solutions moins concentrées. Différents mélanges de latex de NR et de solution de MgSO4 sont préparés de la façon suivante dans un vial de 1,5mL : La tare du vial contenant un barreau aimanté est mesurée Le latex est pesé dans le vial A l’aide d’une micropipette, la solution de MgSO4 est ajoutée dans le latex qui a été placé sur un agitateur magnétique La masse de solution de MgSO4 ajoutée est pesée Le vial est bouché et placé une nuit sous agitation magnétique (130rpm) Les variables du diagramme sont la fraction massique finale en NR ainsi que la concentration finale en Mg2+. Des mesures de pH sur quelques mélanges indiquent que le pH reste largement basique. Les observations sont réalisées juste après le mélange et après une nuit sous agitation. Les observations réalisées le lendemain sont utilisées pour réaliser le diagramme. Pour les échantillons dont la fraction massique finale en NR est au maximum de 10%, l’état du mélange est évalué à l’œil et au microscope (Olympus IX-71, objectif 100). Au-delà de 10% en masse en NR dans le mélange, les mélanges sont observés seulement macroscopiquement. Les mélanges ont été agités de deux façons. Ceux dont la concentration finale en ions Mg2+ est supérieure ou égale à 15mM sont mélangés à l’aide d’un barreau aimanté sous agitation magnétique. La taille du barreau aimanté est choisie de façon à ce que l’agitation se fasse dans tout le volume du tube. Le barreau est donc disposé en diagonale dans le vial. Ceux dont la concentration finale en Mg2+ est inférieure à 15mM sont réalisés en deux exemplaires. Le premier est placé sous agitation magnétique. Le second est placé dans un support monté sur un vortex. Cela a pour but de s’assurer que le cisaillement du barreau sur la paroi du tube n’affecte pas le latex. En comparant les deux modes d’agitation pour des mélanges dont la fraction massique en NR finale est au maximum de 10%, nous constatons que le mode d’agitation ne semble pas influencer de manière significative l’état final. Pour les mélanges agités au vortex, la solution de Mg2+ est ajoutée directement sur le latex et le tube est placé sous agitation. 1.2. Résultats et observations Le diagramme présenté figure 3-1 a été réalisé suivant le protocole détaillé précédemment. Il décrit l’aspect final d’un latex de NR en fonction de sa fraction massique en NR (NR) et de la concentration en Mg2+ dans le mélange. Les calculs sont détaillés dans l’annexe C. Figure 3-1 a) Diagramme de stabilité du latex de NR en présence de Mg 2+ , b) photo des différents aspects observés pour le mélange latex de NR/Mg 2+ selon sa composition . Limites de stabilité Ce diagramme se décompose en trois zones. La première est caractérisée par le maintien de la stabilité du latex de NR, le mélange est un liquide blanc pour une concentration finale en Mg2+ comprise au maximum entre 1mM et 4mM selon la fraction massique en NR dans le mélange (limite verte). Dans les mélanges proches de la limite verte nous avons pu observer quelques agrégats au microscope mais les particules restaient majoritairement dispersées. La seconde zone correspond à la coexistence d’un liquide blanc et d’un solide ou de gros agrégats. Cette coagulation partielle du latex de NR a lieu jusqu’à une concentration en Mg2+ comprise entre 20 et 60mM selon la fraction massique finale en NR (limite rouge). L’origine de cette zone intermédiaire n’apparait pas clairement. Il peut peut-être s’agir d’un blocage cinétique du processus de coagulation. Cette coexistence est observée par d’autres auteurs dans le cas d’un latex de NR prévulcanisé (Singh, et al., 2014). La troisième zone correspond à la coagulation totale du latex sous la forme d’un solide blanc cohésif et élastique entouré d’un liquide transparent. Cette zone débute lorsque C(Mg2+)mélange devient supérieure à 20mM si la fraction massique en NR est inférieure à 20%. La détermination de la limite entre la stabilité et la déstabilisation partielle du latex (limite verte) est difficile pour deux raisons. Tout d’abord, l’observation microscopique n’est pas facile à réaliser à ces concentrations en particules et ensuite, il faut un nombre significatif d’agrégats pour évaluer si le latex est déstabilisé. Cependant, c’est l’ordre de grandeur qui est important car nous cherchons à évaluer dans quelles conditions le latex de NR est stable ou non. De plus, ce diagramme a été réalisé pour un lot de latex de NR, c’est pourquoi les valeurs exactes sont susceptibles de varier avec le lot de latex car il s’agit d’une substance naturelle.
Aspect du mélange dans les différents domaines du diagramme
Dans la zone rouge le latex de NR est totalement coagulé. Le solide formé par agrégation des particules se présente sous la forme d’un objet cohésif et étirable. Ce solide ne peut être redispersé dans l’eau ou dans une solution d’EDTA concentrée. Dans la zone bleue, il y a coexistence de solide et de latex. Les agrégats présents ne peuvent être redispersés par dilution dans l’eau. Ces observations indiquent que le phénomène de coagulation est irréversible. Ainsi, le latex de NR coagule de manière irréversible après ajout de Mg2+ à une concentration supérieure à 1mM pour NR inférieure à 20% en masse. La coagulation est instantanée lorsque la concentration en Mg2+ est supérieure à la concentration de coagulation totale (20mM pour NR ≤ 20% en masse). Dans la suite du chapitre, nous allons nous intéresser plus spécifiquement à la limite verte qui marque le début de la déstabilisation afin d’essayer de comprendre l’origine de ce phénomène. Nous avons présenté dans le chapitre 1 l’impact de l’augmentation de la force ionique (𝐼 = 1 2 ∑ 𝑧𝑖 2 𝑖 𝑐𝑖 ) sur la déstabilisation des systèmes colloïdaux. Dans le cas de notre diagramme, lorsque la concentration en Mg2+ augmente la force ionique augmente quatre fois plus rapidement. Comme la longueur de Debye diminue lorsque la force ionique augmente, l’augmentation de la concentration en Mg2+ va entrainer une diminution de la longueur de Debye et par conséquent de la portée des répulsions électrostatiques. Nous pouvons suggérer que la portée des répulsions électrostatiques va diminuer jusqu’à ce que les interactions attractives deviennent prédominantes et que le système coagule au-delà de la limite verte. Ainsi, la déstabilisation du latex de NR par les cations Mg2+ serait due à un écrantage des répulsions électrostatiques. Cependant, nous avons évoqué plus haut que la valeur des concentrations limites varie avec la fraction massique en NR du mélange. Cette observation suggère que les cations sont consommés par le processus de coagulation et donc qu’ils ont une action spécifique sur la stabilité du latex de NR. Afin de déterminer si la déstabilisation du latex de NR par les cations divalents peut être décrite selon la théorie DLVO, nous allons maintenant regarder l’impact de la valence du cation sur la stabilité du latex de NR et notamment celui d’un cation monovalent. En effet, les cations monovalents permettent d’étudier simplement l’effet de la force ionique.