Modification de la microstructure des cellules et utilisation de nouveaux matériaux
Amélioration de la tenue mécanique
Les matériaux utilisés pour élaborer les cellules présentent des propriétés mécaniques et des comportements différents vis à vis de l’évolution de la température. De plus, les microstructures souhaitées pour les trois couches sont elles aussi différentes ; à titre de rappel : dense pour l’électrolyte et poreux pour les électrodes. Par conséquent il n’est pas aisé de réaliser un co-frittage de l’ensemble de ces trois couches afin d’obtenir un objet monolithique après le traitement thermique. Jusqu’à présent, une modification de la morphologie a été apportée aux cellules pour réussir le co-frittage. Comme il a été précisé dans le chapitre V, la cellule présente une cathode plus épaisse que l’anode : 400 µm contre 150 µm. L’utilisation d’une telle cathode est pénalisante pour les propriétés électriques puisque l’importante surtension cathodique, directement liée à son épaisseur 1 , diminue les performances de la cellule. Afin d’améliorer la tenue mécanique au frittage des cellules, il est nécessaire de baisser les contraintes mécaniques appliquées par l’anode sur le couple électrolyte – cathode et d’augmenter la résistance mécanique de ce couple (figure VI.1). Fig. VI.1 – Fissuration transverse d’une cellule suite à de trop fortes contraintes appliquées Une étude systématique a été réalisée afin de déterminer les épaisseurs d’électrodes compatibles, qui permettent le co-frittage des trois couches. Une modification de la microstructure de l’anode a aussi été explorée. VI.1.1 Influence de l’épaisseur des électrodes Afin de déterminer les épaisseurs d’électrodes permettant d’obtenir une cellule intacte après traitement thermique, plusieurs lots ont été élaborés en faisant varier ce paramètre géométrique pour une électrode tout en gardant l’autre fixe. Ainsi, l’anode a été coulée avec une épaisseur comprise entre 100 µm et 500 µm par pas de 50 µm. La cathode, quant à elle, a été élaborée avec une épaisseur allant de 100 µm à 400 µm par pas de 50 µm. Les différentes configurations étudiées sont résumés dans le tableau VI.1. Chaque lot est constitué de dix cellules, le chiffre indiqué par les intersections de ce tableau représente le nombre de cellules ayant tenu mécaniquement lors du traitement thermique. ❳ Tab. VI.1 – Différents couples d’épaisseurs utilisés pour la réalisation de cellules Les résultats mettent en évidence la grande fragilité des cellules au cours de la fabrication. Le taux de réussite est nul pour la majorité des cas et notamment pour ceux représentant les épaisseurs attendues pour une cellule donnant de bonnes performances. Pour qu’une cellule résiste lors du traitement thermique il est nécessaire que l’épaisseur de la cathode soit plus élevée que celle de l’anode, ceci avec les compositions d’électrode présentées dans le tableau VI.2. 1 [Chan et al., 2001] VI.1. AMÉLIORATION DE LA TENUE MÉCANIQUE 89 Couche YSZ NiO LSM porogène liant dispersant Electrolyte 58,59 – – – 39,06 2,35 Anode 12,66 17,73 – 2,53 65,86 1,23 Cathode 14,30 – 14,30 4,29 65,79 1,32 Tab. VI.2 – Composition des barbotines utilisées pour réaliser les cellules (% massique) Plus l’épaisseur de la cathode est supérieure à celle de l’anode et plus le taux de réussite est élevé. Cette solution n’est donc pas bonne puisqu’elle produit des cellules aux performances amoindries. Il faudrait donc modifier la composition des barbotines pour augmenter la tenue mécanique.
Réalisation d’une anode bi-couches
L’introduction d’une macroporosité dans l’anode a été précédemment évoquée dans le but de limiter les contraintes mécaniques appliquées par l’anode lors du traitemenet thermique. Ce choix a été réalisé en s’appuyant sur le modèle des barres de Timoshenko 2 3 . Il permet de prédire le rayon de courbure d’un objet constitué de deux couches présentant des propriétés mécaniques différentes. Pour minimiser les contraintes il faut augmenter au maximum le rayon de courbure. Pour cela étant donné les limitations du procédé, seul le module d’Young apparent de l’anode peut être modifié de façon favorable en augmentant la porosité. Comme le montrent les expériences réalisées, une anode présentant une porosité bi-modale dans son ensemble ne permet pas l’élaboration de cellules supportée par l’anode. Par conséquent il a été décidé de réaliser des anodes constituées de deux couches de composition et de morphologie différentes. La première constituée d’un mélange YSZ – oxyde de nickel assurant une percolation des deux sous-réseaux se trouve en contact avec l’électrolyte. Et la seconde, contenant plus de porosité et par conséquent plus d’oxyde de nickel pour assurer la percolation du nickel, constitue la partie extérieure de l’anode (figure VI.2). Fig. VI.2 – Cellule constituée de trois couches (à gauche) et cellule constituée d’une anode bi-couche (droite) Cette configuration présente plusieurs avantages : – les contraintes appliquées par cet assemblage d’anodes devraient être plus faibles puisque la couche extérieure est très poreuse, – ce type d’anode est préconisé pour améliorer le reformage du gaz dans sa couche supérieure et assurer la réaction électrochimique à proximité de l’électrolyte, – une couche riche en nickel permet une meilleure collection du courant vers les interconnecteurs ou dans notre cas les grilles collectrices de courant. 2 [Timoshenko et Gere, 1991] 3 [Sanséau, 2002] 90
MODIFICATION DE LA MICROSTRUCTURE DES CELLULES ET UTILISATION DE NOUVEAUX MATÉRIAUX
Deux familles de cellules, présentant des différences au niveau de la composition des deux anodes, ont été réalisées. Dans la première, l’anode 1 (en contact avec l’électrolyte) ne contient pas de porosité bimodale, seule l’anode 2 est fabriquée en utilisant la résine acrylique comme porogène. Les compositions des barbotines sont exposées dans le tableau VI.3 (anode 1 et anode 2). Couche YSZ NiO porogène liant dispersant Anode 1 12,66 17,73 2,53 65,86 1,23 Anode 1 bis 13,00 18,19 – 67,56 1,25 Anode 2 7,62 22,90 7,62 60,98 0,88 Tab. VI.3 – Composition des barbotines d’anode Là encore, comme précédemment, plusieurs épaisseurs ont été couplées ; les différentes combinaisons sont représentées dans le tableau VI.4. ❳ Anode 2 ❳❳❳❳❳❳❳❳❳❳ Anode 1 50 100 150 200 (2) (1) 0 300 (1) (1) 0 400 0 0 0 Tab. VI.4 – Epaisseur des deux couches d’anode, l’une présentant une macroporosité (anode 2) et l’autre non (anode 1) D’un point de vue de l’élaboration, l’anode 1 est co-coulée avec l’électrolyte alors que l’anode 2 est coulée seule. Le chiffre indique encore une fois le nombre de cellules qui ont résisté au traitement thermique sur un total de 6. Les cellules obtenues comportent une cathode de 200 µm. Il n’a pas été possible d’obtenir des cellules intactes après frittage. En effet, lorsque l’épaisseur de l’anode 1 est trop élevée (> à 100 µm), les cellules ne résistent pas mécaniquement. Dans le cas des cellules constituée d’une anode 1 plus fine, un autre problème est apparu : il n’y a pas eu d’adhésion entre l’anode 1 et l’anode 2, ceci conduisant après frittage à des cellules pourvues uniquement de l’anode 1. Une modification de la microstructure a été apportée à l’anode 1 pour les cellules constituant la deuxième famille : une porosité bi-modale y est aussi présente. L’épaisseur de coulage de l’anode 1 a été fixée à 150 µm pour éviter de perturber l’interface électrolyte – anode. C’est la présence de la résine acrylique dans la barbotine qui empêche de couler avec une épaisseur plus faible : la granulométrie de cette poudre étant de l’ordre de 30 µm, une pénétration de ces grains dans la couche d’électrolyte pourrait survenir. Il faut éviter ce phénomène afin de conserver l’étanchéité entre les deux compartiments d’électrodes. Les épaisseurs utilisées pour l’élaboration des différentes cellules sont rassemblées dans le tableau VI.5. Le même résultat a été obtenu avec cette seconde famille : le délaminage entre l’anode 1 et l’anode 2. L’origine de cette difficulté à assurer une bonne adhésion entre les deux anodes a été imputée à la densité de zones de contact entre les deux couches. En effet, les deux couches étant poreuses, la fraction surfacique permettant le co-frittage est égale au produit des fractions surfaciques de matière des deux couches. Celle de l’anode 1 est égale à 0,6 et celle de l’anode 2 à 0,5 ; donc la fraction surfacique qui permet l’adhésion est de 0,3. Les deux couches ne présentent pas les mêmes propriétés mécaniques et les mêmes coefficients de dilatation ; par conséquent la surface de jonction entre les deux anodes n’est Tab. VI.5 – Epaisseur des deux couches d’anode : les deux présentent une macroporosité pas suffisante pour assurer une bonne tenue pendant le cycle thermique de frittage, la force de cohésion entre les deux couches obtenue par un co-frittage n’est pas suffisante pour compenser les contraintes liées à la dilatation différencielle. Afin de renforcer l’interface entre les deux couches constituant l’anode, l’électrolyte, l’anode 1 et l’anode 2 sont co-coulées. Les mêmes cellules que décrites précédemment ont été à nouveau réalisées. Une amélioration de l’interface entre les deux anodes est à noter ; cependant une fissuration transverse est survenue lors du traitement thermique. Là encore, les fissurations transverses sont dues à des tensions locales résultant des contraintes de traction. Plusieurs observations en microscopie électronique à balayage ont mis en évidence la pénétration de l’anode dans l’électrolyte (figure VI.3).