Modélisation du comportement thermomécanique des alliages à mémoire de forme

Modélisation du comportement thermomécanique des alliages à mémoire de forme

La modélisation du comportement thermomécanique des alliages à mémoire de forme constitue un champ de recherche actif. Les modèles existants peuvent ˆetre classés dans la catégorie des modèles phénoménologiques, pour lesquels on postule des équations reproduisant le plus fidèlement possible les courbes expérimentales, ou bien dans la catégorie des modèles micromécaniques, qui prennent appui sur la microstructure des AMF pour obtenir les équations de comportement macroscopique. La première catégorie regroupe des modèles unidimensionnels (Auricchio et al. (2009), Brinson (1993), Chang et al. (2006), Falk (1980), Frost et al. (2010), Liang and Rogers (1990), Marfia and Rizzoni (2013)) ainsi que des modèles tridimensionnels (Auricchio et al. (1997), Boyd and Lagoudas (1996), Chemisky et al. (2011), Frémond et al. (1996), Souza et al. (1998), Tanaka et al. (1986)). Enfin, certains modèles sont plus délicats à classer et constituent un intermédiaire entre l’approche phénoménologique et l’approche micromécanique, comme le modèle de Sadjadpour and Bhattacharya (2007). Les différents modèles développés au cours de cette recherche appartiennent à la catégorie des modèles micromécaniques, nous pouvons y distinguer les modèles monocristallins et les modèles polycristallins. Ces deux types de modèles seront traités ici. Dans le cas monocristallin, un seul cristal AMF est modélisé. Il peut contenir une seule ou plusieurs (Peigney et al. (2011), Sagar and Stein (2010)) variantes de martensite et le modèle peut ˆetre unidimensionnel (Bernardini and Pence (2002)) ou bien tridimensionnel (Govindjee and Miehe (2001), Stupkiewicz and Petryk (2002)). Dans le cas polycristallin, le matériau est décrit par une liste de grains accompagnée de certains paramètres tels que l’orientation cristalline du grain. Les grains peuvent présenter une ou plusieurs variantes de martensite et le modèle peut ˆetre unidimensionnel (Nae et al. (2003)) ou bien tridimensionnel (Hackl and Heinen (2008), Kelly et al. (2016), Sagar and Stein (2010), Thamburaja and Anand (2001)). La plupart de ces modèles introduisent une ou plusieurs variables internes permettant de décrire le comportement complexe de l’AMF. Le choix de ces variables ainsi que leur domaine de définition permettent aussi de distinguer les différents modèles. Dans ce travail, un modèle micromécanique monocristallin est proposé en section 2.3, et un modèle micromécanique polycristallin est proposé en section 2.4. Leur spécificité réside dans leur implémentation numérique robuste, qui sera présentée dans le chapitre 3, ainsi que dans la possibilité de déterminer des solutions analytiques pour des cas de chargement simples, ce qui sera exposé en section 2.5. Ces solutions analytiques permettent d’identifier rapidement les paramètres du modèle à partir d’observations expérimentales. Le modèle monocristallin permet de décrire de fa¸con simplifiée le com23 portement de l’AMF, alors que le modèle polycristallin, plus riche, permet de reproduire relativement fidèlement les courbes expérimentales. 

Un modèle unidimensionnel d’alliage à mémoire de forme monocristallin

Hypothèses

Le modèle micromécanique développé au cours de cette recherche décrit la réponse thermomécanique d’un alliage à mémoire de forme unidimensionnel sous la forme d’un fil en traction. Il permet de décrire les phénomènes remarquables que peut présenter un AMF : la superélasticité, la réorientation des variantes de martensite ainsi que l’effet mémoire de forme. La mˆeme méthodologie pourrait ˆetre appliquée à un modèle tridimensionnel. Plusieurs hypothèses ont été faites pour construire le modèle. Tout d’abord, nous modélisons un matériau homogène, c’est-à-dire que le comportement est uniforme tout le long du fil. Nous nous pla¸cons dans le cadre des matériaux standards généralisés introduits dans Halphen (1975), c’est-à-dire que les équations constitutives découlent de l’expression d’une énergie libre et d’un potentiel de dissipation. Ensuite, de nombreux phénomènes physiques ne seront pas pris en compte dans ce modèle. Ainsi, la dilatation thermique, considérée comme petite par rapport aux déformations de transformation de phase, n’est pas considérée ici. De mˆeme, la plasticité, le fluage et la relaxation des contraintes ne seront pas modélisés ici. De plus, nous considérerons que les chargements mécaniques et les variations de température sont quasistatiques : la température est toujours imposée et les échanges thermiques ne seront pas modélisés. Cette hypothèse est valable pour un fil, dont le diamètre est petit devant la longueur et qui se trouve donc toujours en équilibre thermique avec l’extérieur. Dans cette partie nous supposons que le matériau étudié est un monocristal, ce que l’on rencontre rarement dans les applications industrielles. Le comportement particulier de l’AMF est obtenu grˆace à l’introduction de deux variables internes décrivant la fraction volumique dans l’AMF des phases solides décrites en section 2.1 : — La fraction volumique de martensite autoaccomodée θ0 — La fraction volumique de martensite orientée θ1 Par conséquent, la fraction volumique d’austénite est donnée par 1−θ0−θ1. La configuration de référence sera supposée ˆetre celle o`u le matériau n’est soumis à aucune contrainte et se trouve en phase austénite, avec θ0 = θ1 = 0. Nous noterons Θ le vecteur des fractions volumiques de martensite, avec Θ = θ0 θ1 ! . Les paramètres matériau suivants sont adoptés : — ε tr la déformation maximale de transformation de phase, généralement de l’ordre de 5 à 8 %. Elle représente la quantité maximale de déformation non élastique réversible que peut subir le matériau lors du changement de phase. — E le module d’Young, que nous considérerons égal pour l’austénite et la martensite — T0 une température de référence — λ la chaleur latente — G0 un paramètre de dissipation correspondant à la transformation de phase austénite – martensite autoaccomodée — G1 un paramètre de dissipation correspondant à la transformation de phase austénite – martensite orientée (avec G0 < G1) Nous noterons par la suite λ(T) = λ T − T0 T0 , o`u T est la température actuelle du matériau, pour alléger les notations.

Formulation d’un modèle pour décrire le comportement thermomécanique de l’AMF monocristallin

L’énergie libre suivante est utilisée pour décrire le comportement thermomécanique de l’AMF : w(ε, Θ, T) = 1 2 E(ε − θ1ε tr) 2 + λ(T)(θ0 + θ1) (2.3.1) O`u ε est la déformation du fil AMF dans la direction axiale. Le premier terme de cette énergie libre correspond à l’énergie de déformation élastique, et le second terme correspond à la contribution de la chaleur latente. Les contraintes suivantes s’appliquent aux variables internes :    θ0 ≥ 0 θ1 ≥ 0 θ0 + θ1 ≤ 1 (2.3.2) Nommons T ce domaine d’existence des (θ0, θ1) et IT sa fonction indicatrice. Nous postulons le potentiel de dissipation suivant pour décrire le supplément d’énergie à fournir pour l’initiation du changement de phase : Φ(Θ˙ ) = Φ( ˙θ0, ˙θ1) = G0| ˙θ0| + G1| ˙θ1| (2.3.3) Ce choix est classique, il est par exemple similaire à la fonction adoptée dans Anand and Gurtin (2003), dans Peigney et al. (2011) ou encore dans Bernardini and Pence (2002). Soit A la force d’entraˆınement thermodynamique : A = − ∂w ∂Θ (2.3.4 Nous nous pla¸cons dans le cadre de la mécanique ”non-lisse” (Frémond (2001)) qui permet de prendre en compte les contraintes sur les variables internes. La résolution du problème physique se fait alors grˆace à l’équation constitutive suivante, correspondant à la seconde loi de la thermodynamique : A ∈ ∂Φ(Θ˙ ) + ∂IT (Θ) (2.3.5) o`u ∂ est le sous-différentiel. C’est un outil mathématique très utilisé dans le domaine de l’optimisation convexe (Rockafellar (1970)), permettant de prolonger la notion de dérivée à des fonctions continues non dérivables en un point. Il est défini ci-dessous : Soit f une fonction continue de R 2 dans R mais non dérivable en x0. Soit B ∈ R 2 . On note ∂f(x0) le sous-différentiel de f en x0. Par définition, B ∈ ∂f(x0) est équivalent à : Pour tout dx ∈ R 2 , B.dx ≤ f(x0 + dx) − f(x0) (2.3.6) En particulier, pour f convexe, si 0 ∈ ∂f(x0) alors x0 est un minimum global de f. Toutefois dans les calculs nous adopterons une autre définition du sous-différentiel : Un vecteur B de l’espace R 2 appartient à ∂IT (θ0, θ1) si et seulement s’il existe z ∈ R+ et a = a0 a1 ! ∈ R 2 + tels que :    B = z z ! − a z(1 − θ0 − θ1) = 0 a. θ0 θ1 ! = 0 (2.3.7) Ici, les fonctions Φ et IT sont convexes et continues sur le domaine étudié, mais non dérivables en certains points. Par exemple, le potentiel de dissipation (2.3.3) n’est pas dérivable en 0. Toutefois, les sous-différentiels de Φ et IT existent. En Figure 2.3.1 est représenté le sous-différentiel de la fonction indicatrice IT du domaine T = {(θ0, θ1) ∈ R 2 + : θ0 + θ1 ≤ 1}. On vérifie facilement qu’à l’intérieur du domaine T (θ0, θ1) le sous-différentiel de la fonction indicatrice est le vecteur nul. De plus, sur les arˆetes du triangle représenté en Figure 2.3.1 les vecteurs appartenant au sous-différentiel sont normaux aux frontières du domaine. Enfin, sur les sommets du domaine T (θ0, θ1) le sous-différentiel regroupe une infinité de directions matérialisées par le secteur angulaire vert.

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