Modélisation du matériau bois par la Méthode des Eléments Discrets
Les bases du modèle DEM
Le comportement cible du matériau, comportement homogène de type milieux continus, ayant été caractérisé dans le chapitre précédent, ce chapitre se concentre sur sa transposition au modèle Eléments Discrets. Un récapitulatif des grands principes de la méthode pour la représentation des milieux continus est présenté en première partie de chapitre. La seconde partie porte sur la modélisation de la partie élastique anisotrope du comportement. La capacité de la DEM à modéliser une forte anisotropie, comme celle du bois faisant l’objet de la présente thèse, est notamment abordée. La suite du chapitre consiste en la calibration du modèle DEM afin que le domaine discret présente des propriétés mécaniques égales aux propriétés cibles définies au cours du chapitre 3.
Principe général de la DEM appliquée à la modélisation de milieux continus
En DEM, un solide, ou une portion de milieu continu, est discrétisé en un nombre donné d’Eléments Discrets (ED) interagissant entre voisins au travers d’interactions bilatérales. Ces interactions bilatérales sont matérialisées par des « liens cohésifs » (encore appelées liaisons cohésives) et, lorsque ces derniers sont rompus, par des lois de contacts entre Eléments Discrets. L’ensemble des Eléments Discrets forme une structure appelée « domaine ». Les éléments sont les porteurs de la matière et de l’inertie du système, tandis que les liens et les contacts sont les vecteurs du comportement du matériau et des interfaces. La Figure 4.1 montre un échantillon de ciment représenté par un agrégat d’éléments discrets (sphériques) et la Figure 4.2 illustre plusieurs liaisons cohésives usuelles. Figure 4.1 : Un échantillon de ciment réel et sa représentation (en situation de test) numérique par la DEM (Brown, 2013).
Le code de calcul (GranOO)
De nombreux codes de calculs basés sur la DEM existent. Certains sont des solutions commerciales, comme EDEM, mais la plupart des codes sont soit internes à des laboratoires, soit développés en laboratoire de recherche mais diffusés en Open-Source. C’est le cas de trois codes majeurs : eSyS (Weatherley, 2009), Yade (Kozicki & Donzé, 2008) et GranOO (André et al., 2012). Tous trois répondent aux critères principaux attendus d’un code de calcul numérique à savoir : La fiabilité des calculs, des performances acceptables, l’ergonomie d’usage et la facilité d’intégration de nouvelles fonctionnalités ou de modifications. GranOO possède en sus l’avantage d’avoir été développé dans le but premier de modéliser des milieux continus. Les deux autres codes, même s’ils possèdent des caractéristiques le permettant, ont initialement été orientés vers la modélisation de milieux granulaires. Dans le but de limiter la quantité de développements à réaliser au cours de cette étude, le choix se porte donc naturellement vers la librairie GranOO. Ce dernier est de plus un code développé, à l’origine, au sein de l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts et Métiers.
Les Eléments Discrets (ou particules)
Le type d’élément est le premier choix présenté, indépendamment de la chronologie réelle du processus de développement du modèle. Dans la vaste majorité des cas, les particules sont de formes sphériques, et c’est également le choix qui a été fait lors de cette étude. Cette forme permet de minimiser les temps de calcul. En effet, la plupart des lois de contact en DEM, et de leur détection, sont basées sur le niveau d’interpénétration des éléments en contacts entre eux (Figure 4.3). Dans le cas d’éléments sphériques, cette interpénétration évolue de façon affine avec la distance entre les deux éléments, ce qui rend son calcul peu coûteux. Dans le cas d’éléments polyédriques, la détection et l’évaluation de cette interpénétration exige un algorithme bien plus complexe de détection du contact et de calcul de l’orientation du plan tangent au contact (nécessaire si présence de frottements). Modélisation du matériau bois par la Méthode des Eléments Discrets 102 Figure 4.3 : Interpénétration entre deux éléments discrets. L’étude, pour simuler la formation des plaquettes, fait intervenir beaucoup de fragmentations du copeau. Ainsi, les amas d’éléments fracturés doivent interagir avec le reste du modèle au travers de contacts. Il en est de même pour l’interaction entre le bois et l’outil venant l’usiner, donc, même dans le cas de la modélisation d’un milieu continu, cette notion de gestion des contacts demeure présente. Il en résulte donc que la géométrie des éléments n’est pas complètement anodine, car la résistance au cisaillement, entre autres, de deux surfaces en contact est influencée par cette forme (en plus des lois de contacts utilisées). Par analogie, deux surfaces des contacts aux géométries différentes dans des matériaux similaires ne possèdent pas la même résistance au cisaillement. Un Elément Discret sphérique est défini par deux grandeurs : Son rayon 𝑅𝑒 et sa masse volumique 𝜌𝑒 . Il possède 6 degrés de libertés dans l’espace (trois en translation et trois en rotation) comme tout solide dans une représentation tridimensionnelle (ou seulement 3 au total, dont deux translations et une rotation, dans une représentation bidimensionnelle).
Les Liens
Les liens cohésifs peuvent être de n’importe quelle nature, dans le cas présent, il sera toujours question de liens mécaniques (transmission d’efforts et de moments). Pour représenter une liaison élastique linéaire entre deux ED, plusieurs solutions usuelles existent (entrevues en Figure 4.2). La solution la plus simple est le ressort unidirectionnel. Le comportement est ainsi linéaire en fonction de l’évolution de la distance entre les deux éléments liés, et l’effort résultant colinéaire à cette direction. Dans le but d’obtenir un comportement multidirectionnel entre deux éléments, il est nécessaire de prendre en compte l’orientation des ED. Il est alors possible, lors du mouvement relatif entre deux ED, d’introduire une notion de cisaillement (absence de rotation des éléments mais déplacement relatif dans une direction transverse à l’axe de la liaison), de flexion (rotation relative dans une direction transverse à l’axe de la liaison) et de torsion (rotation relative dans l’axe de la liaison). Une raideur spécifique à chacun de ces mouvements relatifs peut alors être introduite. Chaque ED possède alors 6 DDL soit 6 paramètres définissant le mouvement relatif entre 2 éléments discrets. La raideur associée peut alors se définir par une matrice symétrique 6 × 6 ce qui fait 21 paramètres indépendants. Une solution pour réduire ce nombre de paramètres est de modéliser les liens à l’aide de poutres cylindriques (d’Euler-Bernoulli). (Schlangen & Garboczi, 1997) ont montré que pour modéliser un milieu continu, ce type de lien (parmi les trois sus-citées) était celui permettant de s’approcher au mieux du comportement du matériau. Ces poutres possèdent seulement trois paramètres : leur rayon 𝑅𝜇, leur module d’Young 𝐸 𝜇 et leur coefficient de Poisson 𝜈 𝜇 (au lieu du coefficient de Poisson, il est possible de définir directement son module de cisaillement en torsion 𝐺 𝜇 ). Un quatrième, non paramétrable s’ajoute forcément : sa longueur initiale 𝐿0, qui est égale à la distance initiale entre les deux centres des éléments liés.