Modélisation du brouillard
Aspects physiques du brouillard de rayonnement
Classiquement, l’évolution du brouillard peut se présenter en trois étapes : la formation, la phase mature et la dissipation. Mais, considérant le rôle important des aérosols dans le cycle de vie du brouillard, on peut distinguer dans la phase de formation deux sous étapes : l’activation des gouttelettes et leur développement. i L’activation en gouttelettes : la condensation de la vapeur d’eau, en eau liquide, se produit initialement autour de certains types de microparticules de matière solide (aérosols), que l’on appelle noyaux de condensation (cloud condensation nuclei, CCN). Ces noyaux peuvent être constitués par des grains de poussière, de sable, de suie, par des gaz résiduels de l’industrie ou de la combustion des cendres, des cristaux de sel provenant de l’évaporation de l’eau de mer, etc. Le nombre de ces noyaux est généralement très élevé, et les particules de poussière sont particulièrement abondantes. La vapeur d’eau contenue dans une atmosphère soumise à une baisse de température, se condense autour des noyaux de condensation : les gouttelettes se forment. ii La phase de développement : pendant le processus de grossissement des gouttelettes, une couche de brouillard se forme puis s’étend horizontalement et verticalement. La production de l’eau liquide nuageuse est dominante dans cette phase. Il faut noter que tous les processus microphysiques intervenant dans le cycle de vie du brouillard vont s’activer dans cette phase : La nucléation, la condensation, l’évaporation, l’autocollection et la sédimentation. iii La phase d’équilibre : cette phase est caractérisée par un équilibre dynamique entre la production de l’eau liquide nuageuse (source) et la perte d’eau liquide nuageuse (puits). Cet équilibre résulte de l’interaction entre le refroidissement radiatif au sommet du brouillard, la turbulence et la microphysique notamment à travers le processus de sédimentation. iv La phase de dissipation : la dissipation a lieu lorsque cet équilibre est interrompu : sources < puits. Les mécanismes comme le refroidissement au sommet du brouillard, le réchauffement de la base du brouillard, la sédimentation, ou le changement de vitesse du vent peuvent provoquer cette interruption. Pour que le brouillard se forme, le taux d’humidité de l’air doit être suffisamment élevé pour permettre la condensation de la vapeur d’eau par un refroidissement ou par un apport supplémentaire en humidité. Les mouvements turbulents de l’air doivent être suffisants forts pour les gouttelettes d’eau soient maintenues en suspension. De plus, la présence d’une quantité suffisante de noyaux de condensation est nécessaire à la formation du brouillard. Toutefois, ces trois ingrédients ne suffisent pas toujours à former le brouillard.
Processus clé : Transfert radiatif
Le bilan énergétique à la surface Rnet = S ↓ +S ↑ +I ↓ +I ↑= H + LE − G, (1.1) où Rnet est le flux radiatif net, S ↓ est le flux solaire incident transmis à travers l’atmosphère jusqu’à la surface (flux solaire descendant), S ↑ est le flux solaire réfléchi vers l’espace (flux solaire montant), I ↓ est le flux infrarouge (IR) reçu par la surface (flux infrarouge descendant), I ↑ est le flux infrarouge émis par la surface (flux infrarouge montant), H est le flux turbulent de chaleur sensible échangée avec l’atmosphère, LE est le flux turbulent de chaleur latente (chaleur nécessaire pour évaporer l’eau du sol ou produire par la condensation de la vapeur d’eau près du sol) et G le flux de chaleur dans le sol. Lorsque le soleil se couche, les termes de flux solaire de l’équation 1.1 s’annulent. Si le ciel est clair, le bilan des flux infrarouges est négatif. Le bilan radiatif de la surface est donc déficitaire. La température de surface diminue. L’air situé près de la surface se refroidit par conduction et par refroidissement IR des couches atmosphériques pour atteindre la température du point de rosée : des gouttelettes d’eau se forment. L’air continue de se refroidir, le nombre de gouttelettes d’eau augmente épaississant le brouillard qui devient opaque au rayonnement infrarouge ce qui implique I ↓ +I ↑= 0 (Equilibre entre l’absorption et la réémission). Le sommet de la couche continue alors de se refroidir augmentant l’épaisseur du brouillard. Pendant cette phase le refroidissement radiatif au sommet du brouillard va amplifier la couche d’inversion située au dessus mais aussi déstabiliser la couche de brouillard, générant de la turbulence, qui peut encore aider son épaississement. En même temps, cette turbulence tend à détruire l’inversion et éroder le sommet du brouillard. En effet la vitesse verticale du vent au sommet peut entraîner de l’air sec facilitant l’évaporation des gouttes. La couche du brouillard s’épaississant, elle peut atteindre une hauteur où le vent est assez fort pour éroder le sommet du brouillard.
Réchauffement radiatif
Le réchauffement dû aux rayons du soleil est la source principale de la phase de dissipation du brouillard. Durant cette phase, l’épaisseur, la couverture et la densité du brouillard diminuent. Une grande partie du rayonnement solaire est réfléchie par la couche de brouillard, une partie est absorbée et provoque un réchauffement de la couche de brouillard (ou tout au moins limite le refroidissement IR). En fait, le réchauffement dans la couche du brouillard est tributaire des aérosols présents dans les gouttes d’eau, notamment à cause de leurs propriétés chimiques. Une forte présence de carbone suie peut par exemple faciliter le réchauffement (faible albédo) : cet 12 Ch.1 – Modélisation du brouillard aérosol absorbe le rayonnement solaire, ce qui a pour effet de réchauffer la couche de brouillard et faciliter sa dissipation. De plus, la partie du rayonnement solaire traversant la couche de brouillard est absorbée par le sol, réchauffe la base du brouillard par convection. C’est d’ailleurs souvent ce dernier mécanisme qui est prépondérant dans la dissipation du brouillard notamment à la fin de la période hivernale.
Facteur important : Échange sol-atmosphère
Le taux du refroidissement de la surface terrestre dépend des caractéristiques du sol (type de terrain, rugosité, émissivité, capacité calorifique, conductivité, . . . ) et de l’humidité du sol (un sol sec se refroidit plus vite qu’un sol humide). Une surface de forte conductivité (surface bâtie, sol béton et asphalte par exemple) se refroidit lentement puisque la conduction de la chaleur dans le matériau est compensée par le refroidissement radiatif de sa surface. Une surface, comme un sol herbeux par exemple, à plus faible conductivité par rapport au béton, se refroidit plus rapidement Cela peut modifier la variation locale de l’humidité relative et le taux de refroidissement et influencer, par conséquent, les heures de formation et dissipation du brouillard. Par ailleurs, il va de soi que l’état d’humidité du sol (par exemple saturé après un épisode de précipitation ou au contraire une surface bétonnée sèche) va jouer directement sur l’humidité de l’air dans les couches en contact avec le sol où se forme le brouillard.