L’EMISSION D’UN MANDAT D’ARRET EUROPEEN A L’ENCONTRE D’UN MINEUR

L’EMISSION D’UN MANDAT D’ARRET EUROPEEN A L’ENCONTRE D’UN MINEUR

Penchons-nous maintenant sur la remise active d‟un mineur d‟âge de plus de seize ans. On entend ici l‟émission, par les autorités judiciaires belges, d‟un mandat d‟arrêt européen à l‟encontre d‟un tel mineur, aux autorités d‟un autre Etat membre de l‟Union européenne, afin de faire procéder à sa remise aux autorités belges. Il était admis, jusqu‟en 2018, qu‟un MAE ne pouvait être émis à l‟encontre d‟un mineur que si ce dernier remplissait les conditions prévues pour le dessaisissement (A). Cependant, le législateur est intervenu le 11 juillet 2018 afin de modifier cela et permettre l‟émission d‟un MAE à l‟encontre de tout mineur âgé de seize ans et plus (B). A. LE SYSTEME BELGE AVANT 2018 Avant que le législateur n‟intervienne le 11 juillet 2018, la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d‟arrêt européen restait muette quant à l‟émission d‟un MAE à l‟encontre d‟un mineur d‟âge. Selon D. Vandermeersch, « un mandat d‟arrêt européen ne pourra être émis si la personne concernée ne peut, en raison de son âge, être tenue pénalement responsable selon le droit de l‟Etat d‟émission » 107 . Comme nous l‟avons vu précédemment, les mineurs relèvent du droit protectionnel et du tribunal de la jeunesse108. Ils ne peuvent donc faire l‟objet d‟un mandat d‟arrêt national puisqu‟ils ne relèvent pas du droit pénal. Les actes qu‟ils commettent ne sont pas des infractions pénales, mais des faits qualifiés infractions109 . L‟article 606 du Code d‟instruction criminelle prévoit de manière implicite que seuls les mineurs ayant fait l‟objet d‟un dessaisissement sur base de l’article 57bis de la loi 8 avril 1965 peuvent se voir décerner un mandat d’arrêt. Ainsi, il va de soi que si un mandat d‟arrêt national ne peut être émis qu‟à l‟encontre de mineurs de plus de seize ans dessaisis, un mandat d‟arrêt européen ne peut, mutadis mutandis, être émis qu‟à l‟encontre de ces mêmes mineurs. En outre, la circulaire du 8 août 2005 évoquée précédemment énonce clairement en son point 4.1.1 que « la Belgique peut demander la remise d‟un mineur de plus de 16 ans dans l‟hypothèse où le juge de la jeunesse se dessaisirait au profit d‟une juridiction de droit commun susceptible de prononcer une peine ou une mesure de sûreté ».

LA LOI DU 11 JUILLET 2018 ET LE REGIME PROTECTIONNEL DES MINEURS

Les différentes étapes législatives et les travaux parlementaires

Le gouvernement belge a soumis au Conseil d‟Etat, le 18 décembre 2017, un avant-projet de loi „portant des dispositions diverses en matière pénale‟111. Cet avant-projet a pour but de modifier des dispositions entre autres du Code d‟instruction criminelle, du Code pénal, du Titre préliminaire du Code de procédure pénale, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive ainsi que la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d‟arrêt européen. Nous allons nous intéresser à la modification de cette dernière, et notamment de son article 32 afin d‟insérer la possibilité, pour le Procureur du Roi, d‟émettre un mandat d‟arrêt européen à l‟encontre d‟un mineur de plus de 16 ans112 . La section législation du Conseil d‟Etat a rendu son avis le 26 janvier 2018113, dans lequel elle se demande s‟il est possible d‟émettre un mandat d‟arrêt à charge d‟un mineur suspecté d‟avoir commis un fait qualifié infraction114. En effet, selon la décision-cadre 2002/584, le mandat d‟arrêt européen est délivré dans le cadre de poursuites pénales ou pour l‟exécution d‟une peine ou d‟une mesure privative de liberté. Or, selon le régime protectionnel des mineurs instauré par la loi du 8 avril 1965, les mineurs d‟âge ne peuvent faire l‟objet de poursuites pénales ou d‟une condamnation à une peine. La question repose donc sur le sens de l‟expression « mesure privative de liberté ». Peut-on considérer qu‟il s‟agit d‟une mesure de garde, de prévention ou d‟éducation au sens de l‟article 37 de la loi du 8 avril 1965 ou bien uniquement des mesures pénales de substitution d‟une peine ? Telle est la question posée par le Conseil d‟Etat, qui demande un réexamen du projet de loi115 . Suite à cela, la Chambre des Représentants examine l‟avant-projet, à la lumière de l‟avis du Conseil d‟Etat. Elle rend, le 12 mars 2018, un projet de loi „portant des dispositions diverses en matière pénale‟. Cependant, elle n‟apporte aucune réponse à la proposition de modification de l‟article 32 de la loi du 19 décembre 2003. Elle justifie ce choix dans l‟exposé des motifs que nous verrons plus tard. Des amendements sont alors proposés par plusieurs parlementaires le 8 mai 2018. Une première lecture du projet a lieu le 1 juin 2018 et, finalement, les dispositions sont adoptées telles quelles en première lecture. La totalité de la loi passe le 11 juillet 2018 et est publiée au Moniteur Belge le 18 juillet 2018. Elle entre en vigueur dix jours plus tard, à savoir le 28 juillet 2018.

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