Comportement viscoélastique en petites déformations
INTRODUCTION
L’analyse des propriétés viscoélastiques permet de caractériser les phénomènes de relaxation et donc les transitions qui leur sont associées en fonction des températures et des vitesses de déformation. Une analyse en fréquence donne une première illustration de la sensibilité du comportement à la vitesse de sollicitation des deux polypropylènes auxquels nous nous intéressons. Par ailleurs, le prélèvement des éprouvettes à diverses zones des plaques injectées nous permet d’apprécier l’influence potentielle de la mise en œuvre sur le comportement des polymères.
ELEMENTS SUR LES RELAXATIONS DU POLYPROPYLENE
Trois processus de relaxation ont été rapportés dans le cas du polypropylène : γ, g (ou α) associée à la transition vitreuse et α’, par ordre croissant des températures [1,2,3]. La première relaxation γ située entre -80 et -100°C est rarement commentée dans la littérature [4,5]. Elle est très souvent attribuée aux mouvements locaux plus ou moins confinés dans l’amorphe libre [6], précurseurs de la transition principale Tα (variant entre -20 et 10°C en fonction du taux de copolymérisation). Tα’ (comprise entre 50 et 110°C) serait quant à elle tributaire de mouvements de l’amorphe lié (i.e. contraint par le cristal proche) et/ou de relaxations dans le cristal lui-même, voire à des processus de pré-fusion [7]. Li et al. [7] observent que la relaxation principale peut être déplacée à 17°C (soit 290°K) si le polymère est chargé (Fig. II-1). Ils suggèrent que les particules de charges jouent le rôle β-nucléant et favorisent ainsi la formation de nombreuses cristallites β , ce qui tendrait à déplacer la transition vitreuse vers les températures hautes. Par ailleurs, Joseph et al. [8] rapportent des résultats de Howard et al. et Droste et al. qui semblent indiquer que la mobilité des chaînes macromoléculaires est réduite au voisinage des charges ce qui induirait aussi une augmentation de la température de relaxation principale. L’incorporation d’une phase PEHD/EPR dans un polypropylène [9] pourrait aussi induire le même phénomène. Ces conclusions ne font pas l’unanimité dans la communauté scientifique. Díez-Gutiérrez et al. [10], suite à une analyse mécanique dynamique en flexion, concluent, quant à eux, à une diminution de la température de relaxation principale Tα avec le taux de talc dans un polypropylène. Ils postulent que l’effet nucléant du talc, accélère la cinétique de cristallisation emprisonnant ainsi une phase amorphe plus mobile ( Tα plus faible). Par ailleurs, López-Manchado et al. [2] observent que l’incorporation de fibres courtes (20m%), contribue à faire baisser la température de transition vitreuse et à augmenter la valeur du module de perte G′′ d’un polypropylène. Les auteurs voient en ces observations la manifestation de mécanismes dissipatifs aux interfaces fibres/matrice favorisés par les traitements de surface des charges visant à améliorer l’adhésion. Cette brève revue bibliographique souligne que l’adjonction de charges peut modifier les phénomènes de relaxation des polypropylènes. Par contre, les effets résulteraient de la compétition entre plusieurs processus : Une diminution de la mobilité des chaînes à proximité des charges dont la conséquence serait une augmentation de la valeur de température de transition vitreuse ; Une formation de cristaux β ou autre autour des charges induirait également l’accroissement de la valeur de température de transition vitreuse ; Une cristallisation plus rapide, i.e. à plus haute température, conduirait à une phase amorphe plus mobile et donc à la diminution de la température de transition vitreuse. Des effets interfaciaux dissipatifs concourraient à faire baisser la température de transition vitreuse. Devant la multiplicité des phénomènes, il parait nécessaire d’analyser spécifiquement nos matériaux pour juger de l’effet des charges.Fig. II-1 Réponse d’un polypropylène chargé de carbonate de calcium à raison de : 4 m%(nmCa-4), 7 m% (nmCa-7) et 15 m% (nmCa-15), à une torsion dynamique à 2 rd/s selon Li et al. [7]. Evolutions du module élastique (échelle normalisée) et du frottement interne -1 Q (relié à la tangente de l’angle de perte).
PROTOCOLE EXPERIMENTAL
TECHNIQUE UTILISEE
Nous caractérisons les relaxations propres à nos polymères par analyse dynamique mécanique en torsion (DMA). Nous utilisons pour cela un rhéomètre Rheometrics RMS 800. L’échantillon subit une torsion de faible amplitude (0,04% dans notre cas) pour rester dans le domaine des déformations viscoélastiques linéaires. L’enregistrement des composantes du couple en phase et en quadrature avec la déformation donne accès aux modules élastique en cisaillement G′ et visqueux G′′ , respectivement. L’essai est mené à plusieurs températures pour différentes pulsations ω . L’angle de perte δ exprime le déphasage entre la réponse de l’échantillon et la sollicitation imposée. Il est défini comme étant le rapport des modules visqueux et élastique (équation [II-1]). G ( ) G ( ) tan( ) ω ω δ ′ ′′ = [II-1] Nous nous intéressons aux propriétés au choc des polymères à température ambiante. Nous allons donc étudier leur comportement sur une large gamme de vitesses. Notre dispositif DMA nous autorise une fenêtre de [1 – 100 rd/s]. Pour élargir la gamme de vitesse virtuellement, nous réaliserons des essais à froid (jusqu’à -40 °C), et donc équivalents à des hautes vitesses, profitant de l’équivalence temps- températures dans nos polymères. Nous envisageons d’étudier le comportement en grandes déformations de nos polymères dans la suite du travail. Or, la déformation plastique combinée à la faible conductivité thermique des polymères peut conduire à grande vitesse de déformation à des autoéchauffements importants [11], qui peuvent induire à leur tour une évolution du comportement mécanique du matériau [12]. Nous élargirons donc notre gamme de mesures DMA au-delà de 20 °C. La plage de température choisie est finalement [-40,120°C], pour une vitesse de chauffage de 1°C/min (suffisamment faible pour autoriser une relaxation progressive du matériau pendant le balayage en température). Ainsi, l’influence de la vitesse de sollicitation et la dépendance à la température peuvent être soulignées. Toutefois, un important phénomène de flambement survient lors des essais sur le matériau non chargé BA238G9, rendant incertaine l’exploitation des résultats pour des températures supérieures à 80°C. Les essais sont conduits sur des éprouvettes parallélépipédiques de longueur 60 mm et de largueur 12,7 mm dans les plaques présentées au chapitre I. Pour définir les zones et les protocoles de prélèvements, les effets d’hétérogénéité et d’anisotropie des plaques injectées sont étudiés sur le BMT222. A priori, et compte tenu de la littérature, il s’agit là du matériau le plus susceptible de voir se développer une hétérogénéité microstructurale car chargé. Trois zones arbitraires sont définies pour appréhender l’hétérogénéité des pièces -I, II et III- respectivement proche du seuil d’injection au milieu et en fin de plaque (Fig. II-2). L’anisotropie du comportement viscoélastique est estimée en prélevant les éprouvettes dans la zone II parallèlement ou perpendiculairement au sens d’injection. . Fig. II-2 Définition du protocole expérimental de DMA.
CHOIX D’UNE ZONE DE PRELEVEMENT
Les effets d’orientation existent mais restent faibles dans la gamme de mesure. L’écart entre les modules longitudinaux et transverses (Fig. II-3) est de l’ordre de 20% à basse température et devient négligeable au dessus de 20°C. La position des transitions ne semble pas dépendre du sens de prélèvement compte tenu de la précision de la mesure (Fig. II-4). Fig. II-3 Sensibilité du comportement viscoélastique du BMT222 à l’effet d’orientation pour une pulsation de 1 rd/s et une vitesse de chauffage de 1°C/min. Pour faible que soit l’effet d’orientation, il convient de rester prudent pour deux raisons : 33 Les mécanismes conduisant à la déformation viscoélastique linéaire peuvent être différents en nature ou en intensité de ceux impliqués dans la déformation plastique et la rupture. Ces derniers pourraient être plus sensibles à l’orientation ; L’équivalence temps/température n’exclut pas qu’à haute vitesse la différence observée ici à froid puisse exister à 20°C. Nos résultats ne justifient donc pas une étude exhaustive de l’anisotropie, mais nous prendrons soin de réaliser des essais supplémentaires en grandes déformations pour juger de l’importance des hypothèses isotropes sur le comportement global de nos polymères.