Relation médecin-malade du « paternalisme » au principe d’autonomie

Relation médecin-malade : du « paternalisme » au principe d’autonomie

En France, la relation médecin-malade a considérablement évolué au cours du dernier siècle, notamment du fait des évolutions sociétales et du cadre législatif. On assiste, depuis le début du 20ème siècle, à une évolution de l’éthique médicale et en particulier du principe d’autonomie en réponse aux questionnements des médecins et des patients concernant des maladies antérieurement mortelles se chronicisant grâce aux progrès de la médecine .
Ainsi, la première notion de droit du malade apparait en 1936 avec l’arrêt Mercier , qui fonde la responsabilité du médecin sur une base contractuelle et juge la transgression de ce contrat comme une faute du praticien.
Plus tard, la chambre de cassation introduit dans l’arrêt Teyssier du 28 juillet 1942 , une obligation d’information du patient de la part du praticien. Cette obligation a pour fondement même le respect de la personne humaine. La Cour affirma également dans cet arrêt le principe du respect du consentement préalable du malade à des examens ou à la mise en place d’une thérapeutique. En 1946, dans les suites du procès de Nuremberg, l’attention publique est alors portée sur l’importance de l’éthique médicale. La rédaction du code de Nuremberg constitua à l’époque «la première déclaration internationale sur la recherche médicale impliquant des sujets humains». Le premier article souligna notamment le principe de consentement éclairé comme préalable absolu à la conduite de recherche mettant en jeu des sujets humains .
La relation médecin-malade a ainsi considérablement évolué au cours de ces dernières années sur le plan sociologique. Le développement des nouvelles technologies et la diversification des médias a facilité l’accès à l’information médicale. La mutation du patient « passif » au « consommateur de soins » bouleversa la relation médecin-malade existante.

La relation médecin-malade en fin de vie : son importance et ses limites

La communication autour de la fin de vie est difficile à appréhender, tant cette étape reste un évènement douloureux, complexe et le plus souvent hétérogène.
Cependant, négliger cette relation médecin-malade en fin de vie peut conduire à un abandon de la personne malade par le soignant, en l’isolant dans une souffrance qui ne peut qu’aggraver sa situation. De fait, cette relation qu’entretient un patient avec son médecin trouve une importance toute particulière en fin de vie où la technique est alors au second plan derrière l’attention, l’écoute et l’échange.
Les besoins et attentes des personnes en fin de vie sont évidemment très hétérogènes et varient selon les individus. En 1999, Morasso et al.  ont pu identifier dans une étude multicentrique prospective les différents besoins des patients atteints de cancer en phase terminale, soulignant ainsi la grande diversité interindividuelle de ces besoins : contrôle des symptômes (62,8%), fonctionnement socio-professionnel (62,1%), soutien psychologique (51,7%), besoin nutritionnel (43,2%) ou encore lié au sommeil (37,1%).
Cette diversité des demandes appelle donc à une évaluation individuelle des besoins des patients en fin de vie. Pourtant, les soignants ne possèdent que peu de repères pour les identifier. Ainsi, les praticiens sont souvent peu informés des souhaits des patients et se fient alors simplement à leurs seules convictions .
Dans le cas de pathologies chroniques, il est possible d’organiser et de préparer la fin de vie avec le patient lors d’entretien entre ce dernier et son médecin. Cependant, plusieurs études constatent que ce sujet est rarement discuté, laissant alors la personne malade dans le doute et le professionnel dans le flou à propos des volontés réelles du patient. C’est le cas de l’équipe de Reilly et al , qui en 1994, avaient souligné que seulement 50% des patients avaient déjà échangé avec leurs médecins traitants au sujet de leurs directives anticipées alors qu’une majorité d’entre eux (81%) souhaitaient réellement en parler mais attendaient simplement que leur médecin aborde le sujet en premier.

Les directives anticipées : grands principes

Encadrées en France par l’Article n° 1111-11 du Code de Santé Publique, les directives anticipées sont des instructions écrites, que donne par avance une personne majeure consciente quel que soit son état de santé, pour le cas où elle serait dans l’incapacité d’exprimer sa volonté : « Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement ou d’acte médicaux ».
Les directives anticipées sont valables sans limite de temps mais sont à tout moment et par tout moyen, révisables et révocables.
Les directives anticipées peuvent être rédigées sur un formulaire prévu à cet effet (dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Haute Autorité de Santé (HAS)) ou sur simple papier daté et signé. Elles doivent être réalisées devant deux témoins si la personne n’est pas en état de le faire elle-même.
Les directives anticipées s’imposent au médecin pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale.

Perception du rôle du médecin traitant par les patients en fin de vie

Un sondage quantitatif mené en 2012 dans le cadre du rapport Sicard met en avant le paradoxe auquel le médecin a à faire face dans son intervention dans le cadre de l’accompagnement de patients en fin de vie:
« Le corps médical apparaît comme singulièrement absent dans les entretiens réalisés. Chez les personnes en fin de vie, la présence des médecins demeure le plus souvent strictement «technique» et distante. Le plus souvent ceux-ci ne constituent pas des interlocuteurs réguliers avec lesquels peuvent être abordées les questions de la souffrance et de la fin de vie ».
Une thèse de médecine générale soutenue en 2015 explorant le dialogue autour de la mort en médecine générale, a également mis en évidence que malgré le fait que les patients considéraient leurs médecins comme des interlocuteurs privilégiés, ils ne les sollicitaient que très rarement au sujet de la fin de vie.

Outils pour le recueil des directives anticipées

En réponse à la mise à jour de la loi Léonetti, l’HAS fit paraitre en Avril 2016 deux guides sur les directives anticipées destinés l’un pour le grand public et l’autre pour les professionnels de santé , afin qu’ils puissent établir ensemble un dialogue sur le sujet. Intitulé « Pourquoi et comment rédiger ses directives anticipées ? », le guide grand public  invite chaque citoyen à réfléchir aux directives anticipées, délivre des conseils pratiques pour les rédiger et les conserver et précise leur utilisation par le corps médical.
Le document destiné aux professionnels de santé du secteur sanitaire, médico-social et ambulatoire a pour objectifs d’aider les professionnels de santé à parler des directives anticipées à leurs patients, à accompagner ceux qui le souhaitent à y réfléchir et à les rédiger. Il émet, entre autre, des propositions quant aux moments qui semblent les plus propices pour aborder ce sujet. Un modèle de rédaction de directives anticipées fut également mis à disposition par l’HAS.
Au-delà d’être un simple outil de formalisation de volontés dans des situations de fin de vie, ce formulaire est un support pour initier et promouvoir le dialogue entre le médecin et son patient. La discussion autour des directives anticipées peut également être l’occasion de réfléchir à la désignation d’une personne de confiance (pour laquelle la HAS a également élaboré un guide d’information complété d’un formulaire de désignation).

Table des matières

INTRODUCTION 
PARTIE 1 : PRISE EN CHARGE DE LA FIN DE VIE, CE QUE NOUS SOUHAITERIONS FAIRE ET LES MOYENS QUE NOUS NOUS DONNONS
I. La relation médecin-malade et son cadre législatif : une évolution perpétuelle 
I.1. La relation médecin-malade
I.2. Evolution des droits en fin de vie
II. Amélioration de la prise en charge de la fin de vie : les directives anticipées
II.1. Les directives anticipées : les grands principes
II.2. Emergence du concept aux Etats-Unis d’Amérique
II.3. Appropriation du concept des directives anticipées en Europe
II.4. Evolution du cadre législatif français concernant les directives anticipées
II.5. Outils pour le recueil des directives anticipées
II.6. Limites des directives anticipées
III. Les directives anticipées en EHPAD en France
III.1. Démographie des EHPAD
II.2. La fin de vie en EHPAD
II.3. Les directives anticipées en EHPAD
PARTIE 2 : RECUEIL DES DIRECTIVES ANTICIPEES EN EHPAD, ENQUETE DE PRATIQUE AUPRES DES PROFESSIONNELS DES EHPAD DE NORAMNDIE 
I. Justification de l’étude
II. Matériel et méthode
III. Résultats
III.1. Données générales
III.2. Caractéristiques des EHPAD répondants
III.3. Organisation des EHPAD pour le recueil des directives anticipées
III.4. Les directives anticipées et professionnels des EHPAD : Quel bilan ?
III.5. Amélioration du recueil des directives anticipées en EHPAD : qu’en pensent les professionnels
IV. Discussion
IV.1. Forces et limites de l’étude
IV.2. Discussion des résultats
CONCLUSION 
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 
ANNEXES 

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