L’obésité, facteur de risque de dysfonction endothéliale
Définition
Selon l’organisation mondiale de la santé (OMS), l’obésité se définit comme une « accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle pouvant nuire à la santé » (« OMS | Obésité et surpoids » 2015). Devant l’ampleur du développement épidémique mondial de l’obésité et de ses conséquences, cette pathologie a été classée en tant que première épidémie non-infectieuse de l’histoire. L’obésité est essentiellement diagnostiquée à partir d’indicateurs anthropométriques. L’OMS a défini depuis les années 90 l’indice de Quetelet, ou indice de masse corporelle (IMC), qui est considéré comme mesure universelle pour l’évaluation de la corpulence d’un sujet et qui est bien corrélé avec la masse grasse chez l’adulte (Guillaume, 1999). Cet indice est calculé selon la formule suivante : IMC = Poids (kg)/ Taille² (m). Des seuils ont été établis, en fonction de cet indice, afin de classifier la charge pondérale et la corpulence des sujets adultes (Tableau II). Toutefois, pour les enfants, l’obésité est définie par des valeurs supérieures au 97° percentile de la distribution de l’IMC pour une classe d’âge donnée.
L’obésité, facteur de risque de dysfonction endothéliale
Epidémiologie
La prévalence de l’obésité a plus que doublé au niveau mondial entre 1980 et β014 et, d’après les dernières estimations de l’OMS, plus de 1,9 milliard d’adultes présentent un surpoids, et 600 millions d’entre eux sont obèses obèses (Figure 12) (« OMS | Obésité et surpoids » 2015). 49 Figure 12 : Prévalence de l’obésité dans le monde (d’après l’OMS, 2015) Par ailleurs, nous assistons depuis quelques décennies à un large phénomène de transition épidémiologique distingué par l’extension des maladies cardiovasculaires et de leurs facteurs de risque dont l’obésité (Finucane et al., 2011). Les pays méditerranéens sont particulièrement touchés par l’évolution du taux d’obésité (Papandreou et al., 2008). En France, l’étude Obépi/Roche, réalisée en β012, a pu mettre en évidence que 32,3% des plus de 18 ans sont en surpoids et 15% sont obèses. La prévalence de l’obésité est toutefois plus élevée chez les femmes : 15,7% contre 14,3% chez les hommes (Eschwege et al. 2012). En Tunisie, le surpoids et l’obésité sont également considérés comme un problème de santé majeur. En effet, la prévalence du surpoids, pour la population tunisienne entre 35 et 70 ans, est de plus de 60% (El Ati et al., 2012). Toutefois, selon El Ati et al. (2012), il existe en Tunisie une très nette disparité en fonction du sexe car, bien que plus de 50% des hommes soient en surpoids, ce taux dépasserait les 70% chez les femmes. La prévalence de l’obésité est également trois fois plus élevée chez les Tunisiennes par rapport aux Tunisiens avec 37% contre 13% respectivement. 5
. Les différents types d’obésité
Si le calcul de l’IMC représente un moyen rapide d’estimer l’obésité, il ne permet en revanche ni de faire la distinction entre masse grasse et masse maigre, ni de tenir compte de la répartition du tissu adipeux dans l’organisme. D’autres mesures anthropométriques permettent d’affiner les estimations obtenues par le calcul de l’IMC. Ainsi, la mesure du tour de taille (TT) et le rapport de la circonférence de la taille sur celle des hanches (RTH= TT/TH) permettent une meilleure évaluation des dépôts adipeux viscéraux (Lean et al., 1995). Grâce à ces mesures, nous pouvons alors distinguer l’obésité androïde (abdomino-mésentérique), caractérisée par une augmentation du tissu adipeux au niveau intra-abdominal, et l’obésité gynoïde (fessio-crurale), caractérisée par une augmentation du tissu adipeux au niveau de la région glutéo-fémorale (Vague, 1956). Cette distinction n’est pas seulement intellectuelle, il y a en effet, une grande différence de risque de complications et maladies associées à l’obésité, selon qu’elle est abdominomésentérique ou gynoïde. L’obésité androïde est en effet associée à une augmentation de 3 à 4 fois du risque cardiovasculaire tandis que la lithiase biliaire, par exemple, est plus fréquente en cas d’obésité gynoïde (Czernichow et al., 2006). Il est simple de distinguer ces deux types d’obésité. En effet, un tour de taille supérieur à 102cm chez les hommes et 88cm chez les femmes sont de bons indices d’une obésité abdominale tandis que d’autres études prennent en compte l’indice RTH avec un rapport supérieur à 0,85 chez les femmes et 0,9 chez les hommes permettant de définir le seuil de l’obésité androïde (Alberti et al., 2005). Toutefois, il s’est avéré que la « dangerosité » du tissu adipeux ne dépendait pas seulement de sa localisation abdomino-mésentérique ou gynoïde. En effet, l’obésité a 51 été reclassifiée en fonction de type de graisse : sous-cutanée (ou périphérique) et viscérale (ou profonde). Cette dernière localisation est généralement associée à une obésité dite « métabolique » et permettrait d’identifier les individus, obèses ou non, présentant un risque cardiovasculaire (Hamdy et al., 2006).
Physiopathologie de l’obésité
L’obésité est une maladie chronique du tissu adipeux qui évolue en deux phases. La première, dite de constitution (dynamique), résulte d’un déséquilibre de la balance énergétique entre les apports et les dépenses énergétiques conduisant à un bilan d’énergie positif. A ce stade, les adipocytes se chargent en triglycérides mais l’excès de masse grasse reste longtemps réversible. L’augmentation de la masse grasse est associée à une augmentation de la masse maigre, du volume sanguin et du volume des organes, ce qui entraîne une augmentation de la dépense énergétique au repos. La seconde phase, dite de maintien (statique), témoigne d’un nouvel équilibre énergétique au cours duquel le poids se stabilise et le bilan d’énergie devient équilibré. Toutes ces modifications engendrent, au cours du temps, de profonds remaniements cellulaires et de la composition corporelle (Basdevant, 2006; Sanguignol, 2008). Le dysfonctionnement des capacités de stockage des adipocytes s’accompagne en effet de profonds remaniements anatomiques, biologiques et fonctionnels qui concernent l’ensemble des cellules du tissu adipeux et qui altèrent le dialogue de ce tissu avec le reste de l’organisme. Le terrain génétique est susceptible de favoriser le développement de l’obésité, en intervenant sur les systèmes de contrôle de la balance énergétique. Certaines anomalies génétiques rares peuvent être responsables d’obésités syndromiques ou encore des formes monogéniques d’obésité. Les obésités syndromiques sont associées 52 à d’autres anomalies du développement (retard mental, dysmorphie, malformations, atteintes neurosensorielles) , la plus fréquente étant le syndrome de Prader-Willi (1/15000 naissances), dont l’anomalie chromosomique engendre des troubles du comportement alimentaire incontrôlables (Holm et al., 1993). Dans le cas des formes mongéniques (moins de 1% des cas d’obésité), les anomalies génétiques en cause affectent principalement des facteurs essentiels de la régulation du poids, qui interviennent dans les voies de la leptine (rôle clé dans la régulation du poids et de plusieurs voies endocrines) et des mélanocorticones, cible de la leptine dans l’hypothalamus (Dubern et Clément, 2007). Outre ces formes monogéniques, il existe également des formes polygéniques d’obésité, ou encore obésité commune, qui résultent de l’interaction de plusieurs variants géniques avec un environnement à risque (Rankinen et al., 2006). Dans ce cas, chaque gène de susceptibilité pris individuellement aurait de faibles effets sur le poids, et la contribution cumulative de ces gènes ne deviendrait significative qu’en interaction avec des facteurs environnementaux prédisposant à leur expression phénotypique, tels que la suralimentation et la baisse de l’activité physique (Dubern et Clément, 2007).
Le tissu adipeux
En condition physiologique
Le tissu adipeux est un tissu hétérogène composé de plusieurs types cellulaires : les adipocytes matures, et plusieurs autres types de cellules, telles que les préadipocytes, les fibroblastes, les cellules endothéliales, les macrophages, qui forment la fraction stroma vasculaire (FSV) (Bouloumié et al., 2006) (Figure 13). Figure 13 : Composition du tissu adipeux (modifié d’après Ouchi et al., 2011) Une des fonctions principales du tissu adipeux est la mise en réserve de l’énergie sous forme de triglycérides en période d’apport énergétique et sa libération en période de stress sous forme d’acides gras et de glycérol par un processus de lipolyse. Ces acides gras sont ensuite oxydés dans le foie, le cœur ou le muscle squelettique pour permettre la synthèse d’ATP. Une partie des acides gras libérés par lipolyse est distribuée aux différents organes sous forme d’acides gras liés à l’albumine. Dans le foie, les acides gras pourront être utilisés pour former de nouveaux triglycérides ou des molécules de VLDLc (Very Low Density Protein cholesterol). Une autre partie d’acides gras libérée par le tissu adipeux est re-estérifiée au sein de l’adipocyte. Le tissu adipeux est toutefois bien plus qu’un simple organe de stockage d’énergie. Il synthétise des adipokines, des molécules bioactives à action locale (autocrine/paracrine) et systémique (endocrine), qui peuvent jouer un important rôle dans la régulation énergétique, l’oxydation des lipides, la fonction immunitaire et les fonctions vasculaires (Kershaw et Flier, 2004; Ouchi et al., 2011).