Le don d’organes en médecine générale

Histoire du don et de la greffe

Si des médecins ont expérimenté la greffe rénale dès le XIXème siècle, c’est après la Seconde Guerre mondiale que la greffe rénale va focaliser l’attention de plusieurs équipes chirurgicales, aux États-Unis et en France notamment.
La France va se distinguer en 1952 avec la première tentative de greffe de rein à partir de donneur vivant. L’opération, réalisée à l’hôpital Necker à Paris par l’équipe du Professeur Jean Hamburger, sur un jeune charpentier Marius Renard dont le rein unique avait été détruit suite à un traumatisme, est un succès chirurgical. Mais progressivement le greffon cesse de fonctionner (sur un probable mécanisme de rejet), aboutissant 21 jours après sa greffe au décès du jeune homme. L’année 1954 voit réussir la première greffe rénale à partir de donneur vivant, entre deux jumeaux homozygotes, par l’américain Joseph Edward Murray (prix Nobel de médecine en 1990) et son équipe. C’est la démonstration de la nécessité d’une compatibilité stricte entre donneur et receveur. En 1958 sont découverts le complexe majeur d’histocompatibilité et le système HLA (Human Leukocyte Antigens) par le français Jean Dausset (prix Nobel de médecine en 1980). Ces travaux permettent d’expliquer la notion et la nécessité de compatibilité entre l’organe du donneur et le receveur.
À la fin des années 1960, plusieurs équipes réussissent la greffe d’autres organes que le rein et notamment celle du cœur. En 1967, le Professeur Christiaan Barnard, chirurgien cardiaque sud-africain, tente la première greffe de cœur au Cap. En 1968, c’est le Professeur Christian Cabrol, chirurgien cardiaque à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, qui réalise la première greffe cardiaque européenne. Un an après la première greffe de cœur, tentatives ont été réalisées dans le monde.

Concept de l’état de mort encéphalique

Histoire : C’est en 1959 que les Professeurs Maurice Goulon et Pierre Mollaret détaillent publiquement leurs observations lors de la 23ème réunion internationale de neurologie, portant sur des patients placés sous ventilation (ayant donc toujours une fonction cardiaque et respiratoire «mécanique») mais qui ne présentaient plus aucune activité cérébrale. À l’arrêt de la réanimation, ces malades ne pouvaient plus respirer. Il s’ensuit une publication d’une série de 23 cas dans la Revue Neurologique. Ils proposent alors la formule de « coma dépassé », pour cet état de mort cérébrale, en présence de signes pourtant apparents de vie (sujet à cœur battant) .
Physiopathologie et causes : La mort encéphalique se définit comme la nécrose irréversible des cellules cérébrales secondaire à la baisse prolongée du débit sanguin cérébral, entraînant un arrêt circulatoire cérébral complet. Les traumatismes crâniens graves et la pathologie cérébro-vasculaire en sont les principales étiologies. Sur le plan physiopathologique, lorsque la pression intracrânienne est supérieure à la pression artérielle moyenne, le débit sanguin cérébral devient nul. L’anoxie cérébrale, si elle se prolonge, conduit à la nécrose et à la mort encéphalique. Pour la majorité des patients traumatisés crâniens sévères, le décès survient dans des conditions d’arrêt circulatoire cérébral non réversible. En effet, l’ischémie et la nécrose des cellules cérébrales entraînent un œdème cytotoxique majeur et incontrôlable qui précipite une situation d’hypertension intracrânienne déjà majeure. Pour les comas d’origine post-anoxique ou cérébro-vasculaire, c’est l’étendue des lésions initiales qui détermine l’importance de l’œdème en terme de compression cérébrale.
Les causes de décès par état de mort encéphalique sont multiples, au premier rang desquelles on retrouve les causes vasculaires (accidents vasculaires cérébraux ischémiques ou hémorragiques), puis les causes traumatiques et anoxiques .

Les coordinations hospitalières de prélèvement d’organes et de tissus

Une Coordination Hospitalière de Prélèvement d’Organes et de Tissus (CHPOT) est une unité intra-hospitalière, impliquée dans l’activité de soins autour du prélèvement d’organes et de tissus. Système créé en 1997, la composition de son équipe est variable en fonction des centres hospitaliers et de l’activité de prélèvement effectuée.
Il existe trois types de coordination : les CHPOT gérant à la fois le prélèvement d’organes et de tissus sur site, celles gérant uniquement le prélèvement de tissus sur site (CHPT), et celles gérant le prélèvement de tissus sur site, et capables de recenser et de réaliser le début de prise en charge d’un potentiel prélèvement multi-organes (PMO), avant transfert dans un centre adapté (CHPT-PMO).
Ces unités organisent et coordonnent les prélèvements d’organes et/ou de tissus au sein d’un établissement, tout en travaillant en collaboration éventuelle avec les autres centres hospitaliers alentour ainsi qu’avec l’Agence de Biomédecine.
Ainsi, une fois un donneur potentiel identifié par un médecin, celui-ci appelle la coordination pour la prévenir ; cette dernière lance alors sa procédure de prise en charge, allant de l’évaluation du dossier médical du patient, à l’accueil et l’accompagnement des proches, en passant par l’organisation du processus de prélèvement et de transfert des organes/tissus prélevés en cas d’accord, tout en s’assurant du respect continu et complet du corps du défunt et de sa restauration parfaite pour les proches.

Les médecins généralistes

Parler du don d’organes et de tissus, c’est évoquer sa propre mort. Or quoi de plus intime voire de plus angoissant que de parler de sa propre mort. Il faut pouvoir le faire en confiance, libre de tout jugement face à un interlocuteur prêt à échanger, à informer et à répondre aux interrogations que peut soulever un tel sujet. Le médecin généraliste est un acteur primordial dans le parcours de soins du patient ; interlocuteur privilégié qui a établi une relation singulière avec son patient, fondée sur l’écoute, l’échange et la confiance, il semble être vu par les patients comme la bonne personne pour en parler . À ce titre, le décret n° 2006-1620 du 18 décembre 2006  a établi que le médecin généraliste a un rôle de sensibilisation et d’information auprès des jeunes de 16 à 25 ans sur le don d’organes et de tissus. Actuellement, les médecins généralistes sont encore peu investis dans la sensibilisation au don d’organes et de tissus, comme le souligne le travail de thèse d’Emilie Brunet, réalisé en 2017, sur la contribution des médecins généralistes à la démarche du don d’organes et de tissus. Ce travail montre, outre la méconnaissance globale du décret, le caractère rare voire inexistant de l’abord de cette thématique avec les patients.
Mais à côté de la sensibilisation d’amont au don d’organes, essentielle pour amener les gens à se positionner et à faire connaître leur volonté, il convient d’évoquer le rôle potentiel du médecin généraliste au cours des entretiens des proches avec la coordination. Son positionnement extérieur au milieu hospitalier et sa relation singulière avec le patient défunt pourraient être dans certains cas une aide pour les proches dans cette situation brutale et difficile.

Table des matières

INTRODUCTION
CONTEXTE ET ÉTAT DES LIEUX
I. L’histoire du don d’organes et de tissus
A. Généralités
B. Histoire du don et de la greffe
C. Concept de l’état de mort encéphalique
1. Histoire
2. Physiopathologie et causes
3. Définition clinique et paraclinique
II. Le cadre législatif relatif au don d’organes et de tissus
A. Textes initiaux
B. La Loi Cavaillet
C. Les lois de bioéthique
D. Dernières évolutions législatives
III. L’Agence de Biomédecine, son organisation et ses missions
IV. Plan 2017 – 2021 pour la greffe d’organes et de tissus (plan greffe n°3)
V. Les acteurs sur le terrain : Coordinations Hospitalières de Prélèvement
d’Organes et de Tissus et Médecins Généralistes
A. Les coordinations hospitalières de prélèvement d’organes et de tissus
1. Définition
2. Missions
3. Déroulement de l’entretien avec les proches selon les recommandations de
bonnes pratiques
4. Deux cas particuliers
B. Les médecins généralistes
VI. Le don d’organes à l’international 
MATÉRIEL ET MÉTHODES
I. Description de l’étude
A. Enquête auprès des médecins généralistes
B. Enquête auprès des coordinations hospitalières de prélèvement d’organes et de tissus
II. Analyse de l’étude
III. Éthique 
RÉSULTATS
I. Première partie : L’enquête auprès des médecins généralistes 
A. Population étudiée
B. Discussion sur le don d’organes
C. Positionnement du patient et discussion avec la coordination hospitalière de prélèvement
1. Recueil du positionnement du patient
2. Contact avec la coordination hospitalière de prélèvement
3. Transmission d’informations
D. Implication potentielle du médecin généraliste auprès des coordinations hospitalières de prélèvement d’organes et de tissus pour l’entretien
1. Opinion sur le rôle du médecin généraliste lors de l’entretien avec les proches
2. Intervention du médecin généraliste en cas de sollicitation
E. Informations et formations sur le don d’organes et de tissus
II. Deuxième partie : L’enquête auprès des coordinations hospitalières de prélèvement 
A. Profil des coordinations interrogées
B. Résultats pour les 12 coordinations hospitalières de prélèvement normandes
1. Contact avec le médecin traitant
a. Informations échangées
b. Connaissance du positionnement par le médecin traitant
2. Causes d’opposition et discussion avec les proches
3. Implication du médecin traitant auprès des coordinations
a. Vision des coordinations sur ce rôle
b. Mise en application de la sollicitation du médecin traitant
C. Résultats pour l’ensemble des coordinations hospitalières de prélèvement
1. Contact avec le médecin traitant
a. Informations échangées
b. Connaissance du positionnement par le médecin traitant
2. Causes d’opposition et discussion avec les proches
3. Implication du médecin traitant auprès des équipes de coordination
a. Vision des coordinations sur ce rôle
b. Mise en application de la sollicitation du médecin traitant
c. Exemples de situations concrètes
III. Troisième partie : L’entretien semi-directif avec les coordinations de prélèvement
A. Modalités de fonctionnement des coordinations
1. Type d’activité
2. Travail en réseau
B. Réalisation de l’entretien avec les proches
1. Modalités de déroulement de l’entretien
a. Participants du côté des professionnels et de l’entourage
b. Étapes de l’entretien
2. Entretien anticipé
3. Gestion du refus
C. Les suites en post-don
1. Information du médecin traitant
2. Lien entre proches de donneurs et receveurs
D. Rôle du médecin traitant, de la personne de confiance et perception de la législation
1. Rôle du médecin traitant
2. Personne de confiance et directives anticipées
3. Évaluation subjective de l’impact de la loi de modernisation du 26 janvier 2016 et de sa médiatisation
E. Sensibilisation des professionnels de santé et du public au don d’organes et de tissus
1. Rôle du médecin traitant
2. Campagnes d’information
3. Carte de donneur
4. Registre du oui et dossier médical partagé
DISCUSSION
I. Rôle du médecin généraliste auprès des coordinations hospitalières de prélèvement
II. Communication entre médecins généralistes et coordinations hospitalières de prélèvement 
III. Sensibilisation des professionnels de santé et du grand public 
IV. Les questions éthiques au cœur du don d’organes 
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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