Evaluation en laboratoire du fipronil, insecticide syste mique, pour lutter contre Xenopsylla cheopis
Contexte
La méthode utilisant l’épandage d’insecticide en poudre à l’intérieur des habitations a été utilisée à Madagascar depuis 1947 pour lutter contre les puces de rat (Brygoo 1966). Les résultats de nos études précédentes ont montré une résistance des puces Xenopsylla cheopis aux familles d’insecticides habituellement utilisés en lutte anti-vectorielle (articles 2, 3 et 4). Pour gérer l’expansion de la résistance aux insecticides, il est primordial d’explorer d’autres alternatives ayant un mode d’action ou une formulation différente. L’utilisation d’un insecticide systémique pourrait être un alternatif pour réduire la densité des puces de rat. Un insecticide systémique, par opposition aux insecticides qui agissent par contact, agit sur l’insecte par voie orale. L’efficacité des insecticides systémiques a été déjà évaluée au cours de plusieurs études pour contrôler les puces de rongeurs dans les foyers de peste (Bennington 1960, Clark and Cole 1968a, 1968b, Miller et al 1972, Mbise et al 1994, Borchert et al 2009, Jachowski et al 2012). L’insecticide doit être ingéré par l’hôte pour agir sur les insectes hématophages tels que les puces. L’utilisation d’insecticide systémique n’a jamais été évaluée à Madagascar, alors que l’association étroite entre X. cheopis et les deux espèces de rongeurs réservoirs de la peste (Rattus norvegicus et R. rattus) pourrait favoriser une approche systémique de la lutte. Comparée aux méthodes de traitements actuelles, un insecticide systémique qui ciblerait directement la puce sur son hôte pourrait offrir de meilleures perspectives en terme d’efficacité, tout en limitant les effets toxiques sur les insectes noncibles et le contact avec l’homme. Le fipronil s’avère alors être un bon candidat. Appartenant à la famille des phenylpyrazoles, c’est un insecticide qui est toxique par contact et par la voie systémique. Il a été largement utilisé pour contrôler les infestations de puces de chat, Ctenocephalides felis, en exploitant ses deux voies d’administration (Dryden et al 2000, Schenker et al 2003, Rust 2016). Son utilisation en tant qu’insecticide systémique 120 V. Evaluation en laboratoire du fipronil, insecticide systémique, pour lutter contre Xenopsylla cheopis. contre les puces de rat a donné des résultats prometteurs (Borchert et al 2001, Leirs et al 2001, Santora et al 2002, Poché et al 2017). L’intérêt du fipronil réside aussi dans le fait qu’il appartient à une famille d’insecticide qui n’a pas encore été utilisé pour la lutte contre les puces vectrices à Madagascar. Son mode d’action est similaire aux cyclodiènes (Sparks and Nauen 2015), limitant ainsi le phénomène de résistance croisé entre les insecticides utilisés actuellement contre les puces de rat. Ainsi cette étude a pour objectif de déterminer l’efficacité du fipronil en tant qu’insecticide systémique contre X. cheopis. Les DL50 chez les puces exposées par contact et par la voie systémique vont être déterminées. L’hypothèse étant que le fipronil utilisé comme insecticide systémique soit plus efficace dans le contrôle des puces de rongeurs.
Méthode
Des puces résistantes à la deltaméthrine ont été utilisées pour les tests. Nous avons utilisé le fipronil sous forme d’une émulsion liquide, vendu dans le commerce sous la marque Termidor 25 EC (BASF, Operation Crop Protection, Ludwigshafen, Germany). Premièrement, des tests de toxicité aiguë ont été effectués avec X. cheopis se gorgeant sur un dispositif d’alimentation artificiel contenant du sang mélangé à des doses connues de fipronil (Figure 17). Deuxièmement, les puces ont été gorgées sur les deux espèces de rongeurs ayant consommé des appâts contenant des doses connues de fipronil. Enfin, des puces ont été exposées aux papiers imprégnés de fipronil, selon le protocole de test insecticide préconisé par l’OMS, afin de comparer la toxicité du fipronil par voie systémique et par contact. Pour tous les tests, la mortalité a été enregistrée pour les puces gorgées. La DL50 a été évaluée en utilisant un modèle (GML : generalized linear model) qui estime la dose correspondant aux mortalités.
Principaux résultats
Le fipronil a entraîné une mortalité chez les populations étudiées, pourtant résistantes à la deltaméthrine et à d’autres insecticides. Aucune résistance croisée à cet insecticide n’a été observée. Aucun problème d’appétence ni avec les rats vis-à-vis des appâts traités ni avec les puces avec le sang traité en gorgement artificiel n’a été rencontré. Néanmoins le taux de gorgement des puces avec cette méthode restait très faible. Cet insecticide était neuf fois plus toxique pour les puces par voie systémique que par contact. La toxicité du fipronil consommé par les rats augmente avec le temps avec une DL50 observée chez les puces qui diminue régulièrement pendant les 72 heures suivant la consommation de l’insecticide. 121 V. Evaluation en laboratoire du fipronil, insecticide systémique, pour lutter contre Xenopsylla cheopis. Figure 17: Dispositif de gorgement artificiel. 1. dispositif de chauffage. 2. bac contenant de l’eau chauffée, 3. cellule de gorgement (voir détail dans l’article). (Photo : A Miarinjara) 4. Valorisation scientifique Les détails de la méthodologie ainsi que les résultats de ces travaux sont parus dans l’article suivant : Article 6 : Rajohnson Dora Murielle, Miarinjara Adélaïde, Rahelinirina Soanadrasana, Minoarisoa Rajerison, Boyer Sébastien. (2017) Effectiveness of Fipronil as a Systemic Control Agent against Xenopsylla cheopis (Siphonaptera: Pulicidae) in Madagascar. Journal of Medical Entomology. doi: 10,1093/jme/tjw200.