Importance épidémiologique des mollusques

Importance épidémiologique des mollusques

Parmi les nombreuses espèces de mollusques des milieux dulçaquicoles, un certain nombre de gastéropodes jouent un rôle déterminant dans la transmission de digènes et de nématodes. La plupart des espèces de schistosomes et de douves sont transmises par les gastéropodes de la famille des Planorbidae et des Lymnaeidae. Quelques unes seulement passent par des Prosobranches (Dreyfuss & Rondeleaud, 2011). Les mollusques occupent une place très importante dans la prolifération des parasitoses (tableau I) car une prévalence parasitaire très faible (1%) chez les mollusques suffit à maintenir l’endémicité d’une parasitose dans un foyer (Dreyfuss & Rondeleaud, 2011). Les mollusques d’eau douce interviennent à la fois dans la transmission des bilharzioses humaines et des trématodoses animales (Diaw, 1988). Tableau I : Principales maladies parasitaires transmises par les mollusques Hôtes définitifs Trématodoses Nématodoses Homme+Animal Bilharzioses Trichobilharzioses Distomatoses Echinostomoses Animal Amphistomoses gastroduodénales Dicrocoelioses Protostrongylidoses Homme Bilharziose à S. haematobium I.2. Généralités sur la bilharziose La bilharziose est une maladie parasitaire due à des vers hématophages qui vivent dans le système circulatoire de l’homme et de certains mammifères sauvages ou domestiques (Fortmann-Ravoniarilala, 2005). Les bilharzioses sont des maladies hydriques à transmission urinaire ou fécale, faisant intervenir des mollusques d’eau douce (Aubry & Ba, 2017). Il existe principalement deux formes de schistosomiase : intestinale et urogénitale (tableau II). Cette dernière se manifeste principalement par une hématurie. Chez l’enfant, elle peut causer une anémie, un retard de croissance et des conséquences graves comme la stérilité (OMS, 2018). La bilharziose intestinale peut provoquer des douleurs abdominales, de la diarrhée et l’apparition de sang dans les selles (OMS, 2018). Les mollusques du genre Bulinus servent d’hôtes intermédiaires aux agents de la bilharziose urinaire (Zein-Eddine, 2014) et ceux du genre Biomphalaria aux schistosomes responsables de la forme intestinale (Yapi et al., 2014). D’autres espèces de schistosomes comme S. bovis, S. curassoni, S.matthei, S. leiperi et S. margrebowiei capables d’infester les animaux sauvages ou domestiques (Abbasi et al., 2007 ; Kane et al., 2008) peuvent partager les mêmes hôtes intermédiaires et les mêmes zones de répartition que les schistosomes humains. Cette situation permet l’interaction entre les parasites humains et animaux et favorise l’émergence de souches hybrides de schistosomes qui peuvent avoir un spectre d’hôtes définitifs plus large et/ou plus résistantes au traitement antiparasitaire (Webster et al., 2013). 

Répartition spatiale de la bilharziose

Les bilharzioses sont réparties sur plusieurs continents (Afrique, Asie, Amérique latine). Les populations africaines sont à la fois exposées à la forme urinaire et à deux formes intestinales alors que l’Asie orientale et l’Amérique du Sud ne comportent qu’une seule forme intestinale de la bilharziose (Doumengue & Raud-Thomas, 1988). Une épidémie de schistosomiase urogénitale a été détectée en Europe en 2014, avec des patients atteints en France, Allemagne et Italie (Boissier, 2015). La bilharziose intestinale due à S. mansoni est très répandue dans le monde avec une importante extension en Afrique tropicale (Sy et al., 2011). Elle est la seule schistosomose américaine. Elle touche les Antilles et l’Amérique du Sud mais respecte l’Asie, sauf la péninsule arabique (ANOFEL, 2016). Avec l’introduction de S. mansoni en Mauritanie, au Sénégal et en Somalie, la schistosomiase intestinale est présente dans 54 pays (Southgate, 1997 ; Chitsulo et al., 2000). En Afrique, la schistosomiase urogénitale reste un problème de santé publique, causant 150 000 décès par an et environ 112 millions de cas diagnostiqués (Pennington et al., 2014). Tableau II : Espèces parasitaires et répartition de la schistosomiase (OMS, 2018) Forme Espèce Distribution géographique Intestinale Schistosoma mansoni Afrique, Moyen-Orient, Caraïbes, Brésil, Venezuela et Suriname Schistosoma japonicum Chine, Indonésie, Philippines Schistosoma mekongi Plusieurs districts du Cambodge et de la République démocratique populaire lao Schistosoma guineensis et apparentés S. intercalatum Zones de forêt pluviale d’Afrique centrale Urogénitale Schistosoma haematobium Afrique, Moyen-Orient, Corse (France) 

Les schistosomes

Position systématique

Les schistosomes appartiennent au règne Animal, sous-règne des Métazoaires triploblastiques, à l’embranchement des Plathelminthes, à la classe des Trématodes, à la sousclasse des Digènes, à l’ordre des Strigeatida, à la famille des Schistosomatidae, à la sousfamille des Schistosomatinae et au genre Schistosoma Weinland, 1858 (Soko et al., 2017). Parmi les dix-neuf espèces de parasites identifiées, cinq sont pathogènes pour l’homme et les quatorze autres espèces sont zoophiles (Fortmann-Ravoniarilala, 2005).

Morphologie des schistosomes

Les cinq espèces de schistosomes touchant l’homme sont subdivisées en trois groupes selon la morphologie des œufs et présentent une répartition géographique variable (FortmannRavoniarilala, 2005) : Le groupe à œuf à éperon latéral renferme une unique espèce, Schistosoma mansoni, agent de la bilharziose intestinale Le groupe à œuf à éperon terminal englobe deux espèces : S. haematobium, agent de la bilharziose urinaire, S. intercalatum et une espèce jumelle S. guineensis (au sein du taxon de S. intercalatum), agents de la bilharziose rectale. Le groupe à œuf à éperon rudimentaire englobe deux espèces responsables d’une schistosomose intestinale : S. japonicum et S. mekongi (figure 1). Toutes les espèces de schistosomes sont identiques morphologiquement au stade adulte avec quelques différences entre les mâles et les femelles (plus longues et plus minces). Les schistosomes sont des vers plats non segmentés, blancs ou grisâtres de 7-20 mm de longueur avec un corps cylindrique qui comporte deux ventouses terminales, un complexe tégument, un tractus digestif aveugle et des organes reproducteurs (Gryseels et al., 2006). Le corps du mâle forme un canal gynécophore dans lequel se loge la femelle (figure 2) pour atteindre sa maturité (Gryseels et al., 2006) et ne se libère qu’au moment de la ponte. Figure 1 : Œufs de schistosomes https://image.slidesharecdn.com/bilharziose-13010.jpg

Cycle biologique des schistosomes

Toutes les espèces de schistosomes ont un cycle parasitaire qui passe par un mollusque gastéropode d’eau douce (Soko et al., 2017) chez qui se déroule la phase asexuée et un hôte définitif, chez qui s’opère la partie sexuée (Cécchi et al., 2007). Lorsque des excréta contenant des œufs de schistosomes sont éliminés dans le milieu extérieur et si les conditions sont favorables (eau douce, pH voisin de la neutralité et température entre 18°C et 33°C), les œufs éclosent et libèrent une forme larvaire ciliée : le miracidium qui nage à la recherche de l’hôte intermédiaire spécifique de l’espèce de schistosome (ANOFEL, 2014). Au sein du mollusque, le parasite mûrit et se multiplie au deuxième stade larvaire, la cercaire (Perez-Saez et al., 2016). Les cercaires quittent le mollusque par effraction et nagent à la recherche de l’hôte définitif qu’il infecte par pénétration transcutanée lors d’un contact avec l’eau infestée (Perez-Saez et al., 2016 ). Puis ils cheminent par voie veineuse et lymphatique jusqu’au cœur droit. Elles arrivent dans les poumons puis dans le foie et deviennent adultes en deux mois environ. Après accouplement, les femelles vont s’installer pendant des années dans le plexus veineux péri-vésical pour S. haematobium et le plexus veineux péri-colique pour S. mansoni. Une fois installées, les femelles pondent d’innombrables œufs (Biomnis, 2012) qui sont éliminés par les selles et les urines (figure 3). 

Généralités sur les mollusques hôtes intermédiaires des schistosomes

Position systématique

Dans le phylum des Mollusques on distingue deux classes qui sont présentes en eaux douces : les Lamellibranches (Bivalves) et les Gastéropodes (Mary, 2017) subdivisés en deux sousclasses : les Prosobranches et les Pulmonés. La sous-classe des Pulmonés renferme plusieurs familles dont les Planorbidae, Physidae, Lymneidae, Ancylidae. Il existe environ 350 espèces de gastéropodes d’importance médicale ou vétérinaire (Rozendaal, 1999). Les mollusques, hôtes intermédiaires des schistosomes, appartiennent à la classe des Gastéropodes, à la sousclasse des Pulmonés, à l’ordre des Basommatophora, à la superfamille des Planorboidea, à la famille des Planorbidae, renfermant la sous-famille des Bulininae et celle des Planorbinae. L’hôte de S. haematobium et S. intercalatum appartient au genre Bulinus, celui de S. mansoni au genre Biomphalaria (Doumengue & Raud-Thomas, 1988). 

Sous-famille des Bulininae

Les bulins représentent le groupe de gastéropodes le plus fréquent en Afrique (Brown, 1994). Ils sont également très répandus à Madagascar et au Moyen-Orient. Elle renferme les genres Indoplanorbis et Bulinus (Brown & Kristensen, 1993). Ce dernier comporte 37 espèces réparties en trois groupes et un complexe (Zein-Eddine, 2014) : Complexe B. truncatus/tropicus constitué de 14 espèces qui se caractérisent par une coquille lisse et ne possèdent pas des micro-sculptures. B. truncatus (Audouin, 1827), B. tropicus (Krauss, 1848) et B. natalensis (Kuster, 1841) sont les plus connus. Groupe B. africanus renferme 10 espèces. Les espèces de ce groupe possèdent une coquille globuleuse avec une spire plus courte que l’ouverture avec la présence des micro-sculptures sur les tours de spire supérieurs. Les plus connus sont B. globosus (Morelet, 1866), B. africanus (Krauss, 1848) et B. umbilicatus (Mandahl-Barth, 1973). Groupe B. forskalii regroupe 11 espèces caractérisées par une coquille très effilée et lisse. Chez les adultes, la spire est plus haute que l’ouverture. B. forskalii (Ehrenberg, 1831), B. senegalensis (Muller, 1781) et B. camerunensis (Mandahl-Barth, 1957) sont plus représentés. Groupe B. reticulatus comprend uniquement : B. reticulatus (Mandahl-Barth, 1954) en Afrique de l’Est et B. wrighti (Mandahl-Barth, 1965) en Arabie Saoudite. Ces deux espèces ont en commun des caractères morphologiques et moléculaires.  

Sous-famille des Planorbinae

Cette sous-famille renferme plusieurs genres dont les plus répandus sont : Biomphalaria, Helisoma, Ceratophyllus, Segmentorbis, Lentorbis, Afrogyrus et Gyraulus (Kristensen, 1985). Le genre Biomphalaria est réparti en quatre groupes : Groupe pfeifferi, Groupe alexandrina, Groupe choanomphala et le Groupe sudanica. Il comporte deux espèces majeures, B.pfeifferi (en Afrique) et B. glabrata (en Amérique) et quelques espèces plus localisées, B. stanleyi, B. alexandrina, B. camerunensis, B. sudanica et B. choanomphala, B. straminea et B. tenagophila en Amérique (Doumengue & Raud-Thomas, 1988). I.3.2. Distribution des mollusques hôtes intermédiaires au Sénégal Biomphalaria pfeifferi est le seul hôte intermédiaire de S. mansoni au Sénégal (Diaw et al., 1999). Il colonise presque tous les points d’eau où il est généralement dominant (Talla et al., 1990). Bulinus senegalensis (Muller, 1781) est plus fréquent dans les régions de Saint-Louis, Tambacounda, Kaolack et Fatick (Diaw et al., 1999 ; Senghor et al., 2015). Bulinus umbilicatus (Mandahl-Barth, 1973) rencontré fréquemment à Saint-Louis et Tambacounda (Ndir et al., 2000), est aussi retrouvé à Fatick (Senghor et al., 2015). Bulinus globosus (Morelet, 1866), est très fréquemment retrouvé dans le delta du fleuve Sénégal et dans les régions de Tambacounda et Kaolack (Ndir et al., 2000). Bulinus truncatus Audouin, 1827 est très répandu dans le delta du fleuve Sénégal et autour du lac de Guiers (Ndir et al., 2000 ; Ndione et al., 2018). Bulinus forskalii est plus abondant à Kaolack et à Saint-Louis (Diaw et al., 1999). I.3.3. Bio-écologie des mollusques hôtes intermédiaires I.3.3.1. Biotope des mollusques hôtes intermédiaires La condition indispensable pour la vie des mollusques vecteurs est l’existence d’eau douce. Le type d’habitat va des collections d’eau naturelles telles que les lacs, mares résiduelles, mares temporaires, ruisseaux, aux gîtes artificiels tels que les barrages de retenue, étangs ou canaux d’irrigation (Brown, 1980 ; Sellin et al., 1981). L’habitat peut être permanent ou temporaire (Diaw et al., 1999). Les eaux stagnantes ou à faible débit constituent leurs lieux de prédilection (Dreyfuss & Rondeleaud, 2011). Ils vivent dans des étendues d’eau douce bien oxygénées, peu profondes (1 à 2 m) près des rives qui leur servent d’abris et de réserve de nourriture (Madsen, 1982). La température d’eau idéale est de 25°C et au dessous de 15-17°C il n’y a pas de développement. Par contre, au dessus de 29-30°C les planorbidae peuvent 9 mourir (Tounkara, 2007). De nombreuses espèces peuvent survivre à un assèchement temporaire du milieu en s’enfouissant dans la boue (Mouthon, 1982).

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