Généralités sur les micro-organismes
Les micro-organismes sont des bactéries, des levures et des champignons microscopiques, cosmopolites et constituent des éléments essentiels dans l’équilibre des écosystèmes (Daly & Stewart, 1999 ; Pazos-Rojas et al. 2016 ; Megaliet al. 2014). Ils transforment dans le sol les éléments minéraux, les matières organiques en nutriments assimilables par les plantes. Selon Boultareau et al. (2018), la taille des bactéries est comprise entre 0,2µm et 2µm et celle des levures est entre 2µm et 8µm. Les interactions entre les micro-organismes sont nombreuses et très intenses. Il s’agit du commensalisme, du mutualisme, de l’antagonisme, de la compétition etc. Selon Aouar (2012), chez les micro-organismes, le commensalisme est une association biologique dans laquelle certains organismes dégradent ou neutralisent des substances toxiques favorisant ainsi la croissance des autres. Le mutualisme ou symbiose est une association mutuellement avantageuse. L’antagonisme désigne une inhibition ou une action défavorable d’un organisme visà-vis d’un autre à l’intérieur d’une population microbienne mixte. La compétition entre deux ou plusieurs micro-organismes concerne soit les éléments nutritifs, l’espace ou les autres facteurs environnementaux qui deviennent limitatifs pour leur croissance. L’utilisation de certaines de ces interactions permet le développement d’outil de lutte biologique en sélectionnant grâce à ces interactions des micro-organismes autochtones bénéfiques.
Les micro-organismes autochtones bénéfiques (MAB)
Les produits efficients à base de micro-organismes constituent une culture mixte de microorganismes utiles d’origine naturelle et physiologiquement compatibles les uns avec les autres. Il s’agit des bactéries photosynthétiques, des bactéries acido-lactiques, des actinomycètes, des levures, des champignons décomposeurs qui réalisent des fonctions complémentaires permettant la diversité microbienne des sols et des plantes (Higa, 1994). Certains préfèrent le terme de Bokashiou litières forestières fermentées (Esquijerosa et al. 2018) et les définissent comme un mélange de micro-organismes aérobies et anaérobies bénéfiques présents dans la nature (litière forestière) avec des milliers d’espèces. Concentrés ils peuvent servir d’inoculum pour plusieurs usages (favoriser la biodiversité des sols, bio-stimulant, fertilisation, effet entomopathogène, potentiel méthanogène, etc.) (Esquijerosa et al. 2018 ; Desfontaines et al. 2018 ; Higa, 1994).
Les précurseurs
Selon Desfontaines et al. (2018), la terminologie relative aux produits de stimulation est évolutive et diversifiée. Il regroupe des produits stimulants biogéniques, des stimulateurs métaboliques, des 3 régulateurs de croissance des plantes, des éliciteurs, des phytostimulants, des biofertilisants, etc. L’utilisation des micro-organismes effectifs (EMRO®) a été mise au point par Dr. Teruo Higa professeur d’horticulture de Ryukyus à Okinowa au Japon dans les années 80 (Suárez et al.2017; Hernández & Martín, 2012). Cette méthode est actuellement diffusée et utilisée en milieu paysan un peu partout dans le monde (Afrique du Sud, Chine, Inde, Cuba, Brésil etc). 3. Les étapes de production des MAB La préparation des MAB se déroule en trois phases : (i) collecte des matières premières, (ii) préparation de la mère solide et (iii) activation en mère liquide. Selon Félix (2015), les constituants de la matière première sont une litière peu perturbée, une source de sucre facilement fermentable, une source de sucre complexe (l’amidon), une source de lactobacilles et de l’eau. Certains utilisent la litière de la forêt, d’autres préfèrent la litière de la végétation spontanée pour privilégier les micro-organismes adaptés au milieu. La litière est choisie en fonction de l’état de sa décomposition, non polluée, et présentant des mycéliums. Le sucre simple fournit de l’énergie aux micro-organismes, les glucides assurent leur survie. Le lait est utilisé comme source de lactobacilles et l’eau permet de garder l’humidité de la mère solide mais aussi sert de moyen de dispersion pour la mère liquide. Après collecte des matières premières, tous les ingrédients sont mélangés puis laissés à fermenter dans un milieu anaérobie (tableau 1) afin obtenir la mère solide (Félix, 2015) après 21 à 40 jours selon les conditions du milieu. Tableau 1 : Composition des différentes préparations de mères solides en fonction du milieu. Une partie de cette mère solide est à nouveau mélangée avec la source de lactobacilles, de la mélasse et de l’eau puis laissée à fermenter hermétiquement (tableau 2) pour constituer la mère 4 liquide. Le bioproduit obtenu a une couleur caramel, une odeur d’alcool de vin et un pH compris entre 3,2 et 3,6 (Esquijerosa et al. 2018). Tableau 2 : Composition des différentes préparations de mères liquides en fonction du milieu. 4. Le milieu de vie des micro-organismes et les relations avec l’écosystème Le sol est considéré comme une ressource vitale, non renouvelable, qu’il convient de préserver. Les micro-organismes vivants dans le sol sont en général les champignons (organismes pluricellulaires parfois unicellulaires, et hétérotrophes), les bactéries (organismes unicellulaires aérobies ou anaérobies), et les nématodes. Ils font partie intégrante du système sol et participent à la formation et à l’évolution des sols. La plante nourrit les bactéries, les champignons et les autres espèces microbiennes en leur fournissant de la matière carbonée synthétisée (exsudats racinaires), et en échange, les micro-organismes sécrètent des enzymes, des acides organiques, des antibiotiques, des hormones et d’autres substances qui facilitent la minéralisation de la matière organique. Selon Félix (2015), les micro-organismes du sol peuvent être regroupés en deux types : les décomposeurs et les micro-organismes synthétiques dont certains fixent l’azote atmosphérique (les rhizobiums) et d’autres fixent le carbone atmosphérique (les photosynthétiques). La décomposition aérobie permet l’oxydation complète du substrat et l’émission de grandes quantités d’énergie aboutissant à la production du dioxyde de carbone et de l’eau. 5. Les formes de dispersion et durée de reproduction des micro-organismes L’eau, le vent, les insectes pollinisateurs, les outils agricoles sont les principaux facteurs de dissémination des micro-organismes. Ceci leur permet de coloniser un large territoire malgré leur petite taille et leur faible capacité de dispersion active. Les bactéries se multiplient par mitose et la reproduction chez les levures se fait par bourgeonnement. Les champignons peuvent se reproduire de manière asexuée et sexuée selon l’espèce et le milieu. Selon Boultareau et al. (2018), certaines 5 bactéries se reproduisent toutes les 20 minutes alors que chez certaines levures, la multiplication se fait toutes les deux heures. II. Le rôle des micro-organismes pour l’agriculture Les communautés microbiennes telluriques jouent un rôle primordial dans les cycles biogéochimiques du carbone, de l’azote et d’autres éléments. Elles exercent également des effets bénéfiques ou délétères sur la croissance et la santé des plantes. Les micro-organismes bénéfiques peuvent présenter des atouts pour l’agriculture. Leurs activités peuvent augmenter le rendement ainsi que la qualité post-récolte des produits, la capacité photosynthétique via un développement foliaire plus important, réduire les insectes et maladies via l’induction de résistance systémique chez la plante, contrôler des micro-organismes pathogènes (compétition), accroitre la biodiversité microbienne. Selon Desfontaines et al. (2018), une approche alternative relativement innovante est le recours aux biofertilisants, des mélanges concentrés de micro-organismes qui, intégrés avec les précautions requises dans les systèmes de culture, permettent d’optimiser les processus biologiques du sol et physiologiques des plantes. La technologie des micro-organismes efficaces se base sur deux piliers : la fermentation et le principe de dominance. Le monde des microorganismes est constitué de différents groupes : un groupe de micro-organismes efficaces, un groupe de micro-organismes destructeurs et un groupe d’opportunistes (Baillière, 2015). Si les micro-organismes efficaces dominent, ils exercent une influence positive et suppriment les maladies aussi bien dans le sol que dans l’air et l’eau. Ceci profitera aux plantes et aux cultures agricoles. 1. Sur la germination et la croissance des plantes Les micro-organismes associés aux plantes remplissent des fonctions importantes pour la croissance et la santé des plantes. La promotion directe de la croissance des plantes par les micro-organismes repose sur une meilleure acquisition des nutriments et une stimulation hormonale (Berg, 2009). La microflore saprophyte de la rhizosphère comprend à la fois des éléments nuisibles et bénéfiques qui ont le potentiel d’influencer de manière significative la croissance des plantes et les rendements des cultures. Leurs activités délétères incluent des modifications de l’approvisionnement en eau, en ions et en substances végétales. Selon Daly & Stewart(1999) et Megaliet al. (2014), ils produisent des substances oxydantes et des radicaux libres (oxygène agressif) provoquant des maladies ou la sensibilité aux ravageurs. Au contraire, les mécanismes par lesquels les micro-organismes non-symbiotiques bénéfiques influencent positivement la croissance des plantes incluent la promotion de l’absorption de substances 6 nutritives minérales et surtout la suppression des micro-organismes nuisibles dans la rhizosphère. Les rhizobactéries bénéfiques, par contre, favorisent la croissance des plantes par compétition pour le fer avec des micro-organismes nuisibles à la rhizosphère (Schippers et al. 1987). Les micro-organismes stimulés par les exsudats racinaires peuvent agir directement sur la plante en mettant à sa disposition des phytohormones, des vitamines ou des molécules organiques absorbables par les racines ou bien indirectement en améliorant sa nutrition minérale par solubilisation ou minéralisation de certains éléments (Aouar, 2012). a. Via le prélèvement des éléments nutritifs du sol par les racines La fertilité minérale des sols peut être définie comme la capacité d’un sol à fournir les éléments minéraux permettant d’assurer durablement la productivité primaire d’un agroécosystème. Elle dépend également des réserves en matières organiques dissoutes et extractibles des éléments (azote, phosphore et soufre) lesquels sont majoritairement présents sous forme organique. Ces réserves qui résultent de la première étape de décomposition de la matière organique du sol seront mises à disposition de la plante après minéralisation (Amiaud & Carrère, 2012). L’azote est présent à plus de 90% sous forme organique dans le sol. Sa transformation en azote minéral (minéralisation) et réciproquement est assurée par l’activité des micro-organismes qui vont déterminer en grande partie la disponibilité de la forme minérale assimilable par la plante. Ces derniers assurent également d’autres transformations de l’azote tant pour la nutrition du couvert végétal que pour l’environnement (nitrification, dénitrification). Dans la rhizosphère, les microorganismes sont largement stimulés par la rhizodéposition c’est-à-dire la matière organique d’origine racinaire retrouvée dans le sol. En effet, une fois libérés par les racines, les rhizodépôts vont être consommés par les micro-organismes, induisant ainsi des modifications de la minéralisation et de l’organisation de l’azote rhizosphérique (Nguyen, 2007). Selon Nawel (2014) les fertilisants phosphatés sont peu efficaces sans la présence de micro-organismes dans le sol. Ce phénomène est souvent lié aux oxydes libres et les hydroxydes d’aluminium et de fer qui fixent le phosphate dans les sols acides et au calcium dans les sols alcalins.
Par le prélèvement des éléments nutritifs atmosphériques par les feuilles
Les bactéries phytostimulatrices, comme celles du genre Azospirillum, stimulent la croissance des plantes hôtes en fixant l’azote atmosphérique. La bactérie transfère ensuite l’azote sous des formes assimilables par la plante qui synthétise des phytohormones indispensables à leur bon fonctionnement (Lemanceau, 1992; Walker, 2010; M’sadak & Ben M’barek, 2017; Boisvert, 2014). Cette association plante-micro-organisme facilite aussi la solubilisation du phosphate et rend le fer disponible grâce aux sidérophores des bactéries. Les endophytes (organismes qui accomplissent tout ou une partie de leur cycle de vie à l’intérieur d’une plante) ont la capacité de synthétiser et de diffuser les riboflavines (une vitamine hydrosoluble indispensable au bon fonctionnement de l’organisme) et autres vitamines qui peuvent favoriser la croissance des plantes (Nawel, 2014).