Les infections respiratoires aiguës
INTRODUCTION
Les infections respiratoires aiguës (IRA) sont une cause majeure de morbidité et de mortalité dans le monde avec une incidence pédiatrique importante (Lozano et al., 2012). Elles peuvent toucher les voies respiratoires supérieures (IRVAS) pour donner des infections de type rhinopharyngite, angine, otite, sinusite maxillaire aigue, laryngite, rhume, épiglottite ou celles inférieures (IRVB) pour générer des infections de type bronchite ou trachéobronchite aigue, bronchiolite ou une pneumonie. Les IVRB sont parmi les principales causes d’hospitalisation et de décès chez les enfants de moins de 5 ans dans le monde, particulièrement dans les pays en voie de développement (Bryce et al., 2005). Les étiologies de ces infections respiratoires sont principalement de deux types : viral et/ou bactérien (Heikkinen et al., 2003). Par rapport à l’étiologie virale, les principaux virus rencontrés sont les virus de la grippe, les virus parainfluenza, les adénovirus (AdV), les métapneumovirus (MPV), le virus respiratoire syncytial (VRS), les rhinovirus, les coronavirus et les entérovirus. Les résultats obtenus à travers différentes études montrent globalement que les virus grippaux, le VRS, et les rhinovirus sont les causes virales prédominantes des syndromes respiratoires chez les enfants âgés de moins de 5 ans (Razanajatovo et al., 2009). Ces infections peuvent être sévères surtout chez les personnes âgées et les enfants. (Freymutha et al., 2007) d’où l’importance de la surveillance virologique pour orienter la thérapie et aussi avoir des données épidémiologiques qui pourront aider à mettre en place une politique sanitaire efficace. Au Sénégal, depuis 2012, les résultats obtenus à partir du réseau de surveillance sentinelle de la grippe et des autres virus respiratoires ont montré une grande diversité des virus respiratoires avec une prédominance des adénovirus chez les patients souffrant d’un syndrome grippal. L’importance de ces virus a motivé ce travail de Master qui a pour objectif de dresser leur profil épidémiologique et aussi d’identifier les génotypes adénoviraux qui ont circulé au Sénégal entre 2012 et 2015. Pour ce faire nous allons Apprécier la prévalence des adénovirus circulant au Sénégal entre (2012-2015); 2 Caractériser génétiquement les souches qui ont circulé au Sénégal à cette période; Observer le profil de circulation annuel ainsi que d’autres paramètres épidémiologiques. Le plan de ce travail est le suivant, dans un premier temps nous essayerons de faire des généralités sur les Adénovirus, dans un second temps nous présentons l’outillage utilisé pour extraire, détecter et caractériser les Adénovirus et enfin nous essayerons de présenter nos résultats en les discutant.
Le genre adénovirus : Historique
Les Adénovirus ont été mis en évidence en 1953 par Rowe et al. à partir de fragments d’amygdale d’enfants puis en 1954 par Hilleman et Werner chez des militaires souffrant d’infections respiratoires aiguës. Après mise en culture, les tissus dégénéraient en 2 et 3 semaines avec des anomalies morphologiques au niveau des cellules. Un agent viral transmissible a été isolé. Dénommé d’abord AD (Adenoid Degenerating), ARG (Acute Respiratory Desease), RI (Respiratory Illness) ou encore APC (Adenoidal Pharygeal Conjuctival), cet agent pathogène est finalement désigné depuis 1956 sous le nom d’adénovirus à cause de sa présence dans les amygdales (« adeno » signifie glande en grec). A l’heure actuelle, plus d’une centaine de souches ont été identifiées. L’Adénovirus existe probablement depuis plusieurs millions d’années (Benko and Harrach, 2003). Ces virus à ADN double brin non enveloppé, contient une capside icosaédrique et est divisé en quatre genres principaux différenciables par leur organisation génomique. La famille des Adenoviridae comprend aujourd’hui 4 genres retrouvés au sein des 4 principales classes de vertébrés. Ainsi, on distingue les Mastadenovirus (hommes, singes, bovins, ovins, porcs, équidés), les Aviadenovirus (oiseaux), les Atadenovirus (oiseaux, reptiles, mammifères ruminants et marsupiaux) et les Siadenovirus (oiseaux et amphibiens) (Figure 1). Un seul adénovirus (Ichtadenovirus) est connu pour infecter le poisson ; plus éloigné génétiquement des 4 premiers genres, il pourrait constituer le dernier genre connu à ce jour (Benko et al., 2002; Davison et al., 2003) . Les Adénovirus ont donc évolué conjointement avec ses hôtes vertébrés et partage un ancêtre commun avec les entérobactériophages de la famille des Tectiviridae (PRD1) (Benko et al., 2003 ; Kovacs et al., 2011). Le genre des Mastadenovirus infectant les humains comprend 7 sous-groupes (A à G), subdivisés en 57 sérotypes (Reddy et al., 2006 ; Sharma et al., 2009 ; Tong et al., 2010 ; Walsh et al., 2011 ; Benko et al., 2000 in Chen et al., 2015) classés selon des critères biochimiques, biologiques et pathologiques (Tableau 1). Ces critères prennent en compte : la taille et le contenu en bases G + C du génome ; les données antigéniques (groupes d’hémagglutination) ; la longueur de la protéine de capside fibre ; le degré d’homologie de l’ADN ;
Les adénovirus humains
Les adénovirus humains (HAdV) appartiennent à la famille des Adenoviridae et au genre Mastadenovirus. Les AdV sont non enveloppés, icosaédriques, à ADN double brin. Leur génome varie entre 26 et 45 kb. La capside virale est composée de deux types de capsomères: l’hexon et le penton (qui se compose de la base du penton et de la fibre) (Chen et al., 2015). Il est intéressant de noter que tous les sérotypes présents au sein d’un même sous-groupe adénoviral présentent de fortes homologies de séquences (supérieures à 70%). Ces sérotypes adénoviraux sont ensuite classés et définis par leur aptitude à être neutralisés par un antisérum 6 spécifique. Ce processus de neutralisation passe par la liaison des anticorps avec des protéines de la capside adénovirale comme l’hexon et la fibre (Toogood et al., 1992). Par ailleurs, les sérotypes vont être ordonnés selon 4 profils d’hémagglutination en fonction de leur capacité à agglutiner les érythrocytes de différentes espèces. On distingue ceux provoquant une agglutination complète des érythrocytes de singe (I) ou de rat (II), de ceux ne provoquant qu’une agglutination partielle (III) ou nulle (IV) des érythrocytes de rat (Tableau 1). Les différents sous-groupes adénoviraux peuvent également être classés en fonction de leur pouvoir oncogène chez le rongeur. Les AdV les plus oncogènes appartiennent surtout aux sousgroupes A et B. Il est important de noter que la plupart des sérotypes adénoviraux ne sont pas oncogènes pour l’Homme. Ils peuvent néanmoins engendrer chez un individu immunocompétent des infections bénignes comme des pharyngites, des conjonctivites, des trachéobronchites ou encore des broncho-pneumopathies et des adénites mésentériques (Zhang et Bergelson, 2005). En revanche, chez les sujets immunodéprimés ou chez les enfants, l’AdV peut entraîner des complications et provoquer par exemple des pneumonies sévères pouvant dans certains cas mener à la mort. Les Adénovirus sont caractérisés par un tropisme tissulaire multiple. Par exemple les AdV des sous-groupes B, C, E sont reconnus comme les principaux agents pathogènes responsables de l’infection des voies respiratoires, ceux du sous-groupe D du système oculaire, ou ceux des sousgroupes F et G du système gastro-intestinal (Chen et al., 2015). III. Structure de l’adénovirus Les AdV présentent une capside icosaédrique avec 20 faces triangulaires et 12 sommets. Ces virus présentent une taille de l’ordre de 70 à 100 nm et sont constitués d’une capside externe qui entoure le «core» (appelé aussi nucléoïde viral). Le core des AdV se compose de l’ADN viral mais également des protéines de structure V, VII, X (ou μ) (Campos et al., 2007), d’une protéine terminale (Tp) située à chaque extrémité 5’ de la molécule d’ADN et dont le rôle est d’initier la réplication du virus au niveau des origines de réplication (Inversed Terminal Repeat, ITR). Ce core possède également une protéase virale indispensable à la maturation des virions (Russell, 7 2000). Par ailleurs, il existe dans la région 5’ du génome adénoviral une séquence d’encapsidation (psi, Ψ) permettant au virus d’encapsider son génome (ibid.) (Figure 2). Le génome est constitué de gènes très conservés comme le gène de l’hexon, et de gènes très variables comme les gènes E (early) (Huraux et al., 2003). L’absence d’enveloppe explique que les adénovirus résistent bien aux solvants lipidiques, ainsi qu’aux changements de température ou de pH.