CHOIX DE LA PROTHESE
Nous avions opté pour nos patients à des prothèses postéro-stabilisées cimentées (Genesis II® et Anthem®) avec non resurfaçage de la patella surtout devant un coût abordable de ces prothèses pour nos patients et d’une part devant la facilité relative de pose. Ce choix était aussi justifié devant de bons et d’excellents résultats de ce type de prothèse dans les littératures. Prothèse postéro-stabilisée Malgré que les prothèses postéro-stabilisées et les prothèses conservant le LCP partagent les mêmes indications, le choix de leur implantation restait controversé. Ces deux types de prothèse avaient montré de bons et d’excellents résultats à moyen et à long terme, les chirurgiens se départageaient : il y en a ceux qui sont défenseurs de la conservation du LCP et ceux qui optent pour les prothèses postéro-stabilisées ou les 2 types selon le cas [42, 48-63]. L’implantation de prothèses conservant le LCP était retrouvée comme techniquement plus difficile, nécessitant un équilibrage ligamentaire parfait [42,48-57, 59]. De grand nombre de chirurgiens optaient pour l’utilisation de prothèse postérostabilisée surtout en cas de déformation axiale majeure du genou [42, 50, 53, 56-64]. De plus, de nombreuses études démontraient que les prothèses postéro-stabilisées offraient une cinématique qui se rapproche de celle du genou normal, en permettant le roulement postérieur des condyles en flexion accordant plus de mobilité en flexion [50-52, 55, 57, 59]. 106 Prothèse cimentée La fixation cimentée au cours de l’arthroplastie du genou était largement utilisée dans le monde et était rapportée comme étant le « gold standard » pour les prothèses totales du genou [4-7, 48, 52-59, 64-73]. En effet, plusieurs études retrouvaient que la survie des prothèses totales du genou qui était corrélée aux taux de révision des composants fémoral et/ou tibial à long terme, dépassait largement les 10 ans pour les prothèses cimentées même chez des patients jeunes encore actifs [52, 56, 64-70]. La fixation sans ciment avec croissance osseuse était indiquée chez des patients jeunes en espérant une longévité de la prothèse, par ostéointégration de celle-ci à partir des rugosités de ses faces osseuses. Les résultats des études antérieures observationnelles et comparatives retrouvaient que cette dernière n’était pas fiable, les résultats obtenus à partir des prothèses non cimentées étaient variables et non reproductibles et étaient moins satisfaisants ou similaires aux prothèses cimentées [74-84]. La plupart des auteurs remettaient en question l’intérêt de leur utilisation vu leur coût élevé alors qu’au mieux ils donnaient des résultats similaires aux prothèses cimentées et vu que leur pose nécessitait aussi une parfaite maîtrise des coupes osseuses au risque de passer secondairement à l’utilisation de prothèse cimentée [73, 75, 82, 83]. De même, avec le développement récent de nouvelles prothèses non cimentées avec des faces osseuses hautement poreuses à base de tantale ou de titane, les études disponibles ne permettent pas encore de conclure leur supériorité [85-90]. Non resurfaçage de la patella Le choix de resurfacer ou non la patella était aussi un sujet déconcertant à l’analyse des différentes études rapportant les résultats de l’arthroplastie totale du genou. La plupart des études ne notaient aucune différence quant aux résultats cliniques après resurfaçage ou non de la patella au cours d’une arthroplastie totale du genou [48, 91-97]. Une réopération était possible dans les 02 cas en présence de complications telle une ostéonécrose patellaire pouvant être retrouvée dans les 02 cas ; une douleur antérieure du genou en cas de non resurfaçage de la patella pouvait mener au resurfacage secondaire de la patella et le resurfaçage de la patella pouvait être compliqué d‘un descellement de l’implant patellaire, d’une fracture patellaire ou prothétique, d’une rupture du tendon patellaire, d’une instabilité fémoro-patellaire et même d’une douleur antérieure du genou 107 [91-97]. Le taux de complications dans ces 02 cas était tout de même plus ou moins égal ; de plus un taux de complications généralement de moins de 5% en cas de non resurfaçage de la patella constituait même un objectif à atteindre si le resurfaçage patellaire était effectué [48, 93]. Un resurfaçage secondaire de la patella pour douleur antérieure du genou constituait un surcoût de l’intervention initiale si la patella n’était pas resurfacer au début, ce qui menait plusieurs chirurgiens au resurfaçage systématique de la patella [98, 99]. Toutefois, plusieurs études y compris une étude sur la prothèse Genesis II® retrouvaient que le resurfaçage secondaire ne résolvait pas vraiment les plaintes des patients, on retrouvait que la douleur antérieure du genou persistait dans la moitié des cas et même plus de la moitié des patients étaient insatisfaits du résultat du resurfaçage secondaire par absence ou une pauvre amélioration de la gonalgie ; on concluait de part ces études qu’un resurfaçage systématique n’était pas obligatoire notamment pour les prothèses actuelles présentant une surface épousant l’anatomie de la patella au niveau de l’implant fémoral [98, 100-103]. Les littératures étaient unanimes quant au resurfaçage systématique de la patella chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et si l’on optait pour le resurfaçage patellaire, il devrait être évité en cas de petite rotule, ostéopénique, chez des patients jeunes et actifs de moins de 65ans et en cas de surface cartilagineuse normale ou presque normale..
EVALUATION DES RESULTATS
Choix des systèmes d’évaluation
Evaluation de la douleur La gonalgie constituait l’un des principaux motifs de consultation de nos patients à part l’impotence fonctionnelle du genou. Pour les études portant sur l’arthroplastie totale du genou, l’intensité de cette douleur était déjà comptabilisée dans les différents scores d’évaluation de l’arthroplastie totale du genou notamment le score de l’International Knee Society (IKS) qui était utilisé dans cette étude. Pourtant, le score IKS ne comptabilisait que la douleur ayant un retentissement fonctionnel ce qui la sous-estimait, une évaluation 108 de la douleur à partir des échelles unidimensionnelles comme l’échelle visuelle analogique de la douleur (EVA) serait aussi intéressante [44, 100, 104, 105]. A part l’évaluation de la douleur par le score IKS, nous avions choisi d’évaluer la douleur des patients par l’EN. L’EN était recommandée par l’Initiative on Methods Measurement and Pain Assessment in Clinical Trials (IMMPACT) pour les essais cliniques menés chez les douloureux chroniques, elle permettait d’obtenir une mesure de la douleur au moment de la consultation mais également de façon rétrospective et de façon fiable [24, 106]. Dans les littératures, parmi les échelles unidimensionnelles d’évaluation de la douleur, l’EVA était la plus utilisée bien que son utilisation n’était pas toujours compréhensible surtout chez les personnes âgées [24, 106, 107]. Pour rapporter les résultats de l’arthroplastie totale du genou, l’EVA était retrouvé parmi le top 5 des systèmes d’évaluation les plus utilisés avec le score de l’IKS, le Western Ontario and McMaster Universities Index of Osteoarthritis (WOMAC), l’Oxford Knee Scale (OKS) et le Short Form 36 (SF-36) [107]. Dans une étude malgache menée par Raonivelo et collaborateurs, identifiant parmi les échelles de mesures de la douleur existantes celle la plus pertinente pour l’évaluation de la douleur ostéoarticulaire chez la population malgache, population la plus concernée par notre étude, ils retrouvaient que vis-à-vis des médecins l’EVA était plus difficile à expliquer, à réaliser, nécessitant un outil spécifique et était aussi difficile à interpréter [108]. Les médecins interrogés dans cette étude pensait que l’échelle numérique était plus facile à utiliser et à réaliser car pouvait être pratiqué verbalement et/ou en format écrit. Cependant au cours de cette étude, l’échelle verbale simple (EVS) était retrouvée comme étant la plus pertinente pour la population malgache suivie de l’EN, mais l’utilisation de l’EVS surestimait parfois la douleur des patients [108]. L’EN resterait donc l’échelle d’évaluation de la douleur la mieux adaptée pour nos cas. Evaluation fonctionnelle et de la qualité de vie Pour l’évaluation fonctionnelle de nos patients, nous avions choisi d’utiliser le score de l’IKS. Le score de l’IKS était un score universel validé et utilisé depuis longtemps et dans plusieurs études pour l’évaluation des résultats de l’arthroplastie totale du genou..
Le score de l’IKS présentait l’avantage d’être fiable et sensible au changement physique et au bénéfice fonctionnel apporté par la prothèse chez les patients en post-opératoire, plus que les autres systèmes d’évaluation validés comme le WOMAC et SF-36 [45, 105]. Malgré cela, le score de l’IKS présentait des inconvénients : le score de l’IKS était dépendant de l’observateur contrairement aux auto-questionnaires du WOMAC et du SF-36, l’évaluation de la douleur des patients était subjective et l’on pouvait noter des variabilités inter-observateurs au cours des observations surtout pour le score genou. Le score de l’IKS n’évaluait pas aussi la qualité de vie des patients, l’expectation des patients quant aux résultats de l’intervention et la satisfaction des patients [44, 45, 104, 105,107, 109, 110]. Pour pallier à ses inconvénients du score de l’IKS, nous avions évalué la qualité de vie de nos patients par le score de Jensen et demander aux patients s’ils étaient satisfaits ou non de l’intervention. Le score de Jensen était un score initialement décrit pour l’évaluation de l’autonomie socio-économique à la suite d’une fracture du bassin mais aussi proposé dans l’évaluation de l’arthroplastie totale du genou vu sa simplicité [42, 104, 111]. Dans les autres études évaluant la qualité de vie et la satisfaction des patients à la suite de la pose d’une prothèse totale du genou, l’index WOMAC et le SF-36 étaient les plus utilisés en association ou non avec le score de l’IKS [107, 112 -116]. Depuis 2011, le score de l’IKS a été rénové pour inclure à part l’évaluation algo-fonctionnelle, des auto-questionnaires et des volets évaluant l’expectation et la satisfaction des patients ainsi que la qualité de vie des patients à la suite d’une arthroplastie totale du genou [110]. L’utilisation de ce « New Knee Society Knee Scoring System » aurait été un moyen simple et pratique pour l’évaluation de nos patients. Evaluation radiologique Pour évaluer la qualité de l’implantation des pièces prothétiques à la radiographie en post-opératoire, nous avions utilisé le système d’évaluation radiologique qui était approuvé par l’IKS, le « Knee Society Roentgenographic Evaluation System ». Ce système a été développé par l’IKS pour permettre la standardisation de l’évaluation radiologique des prothèses totales du genou (PTG) et pour permettre la comparaison entre les différentes institutions et les différents types de PTG [46]. 110 Les critères de jugement d’une implantation correcte d’une PTG étaient le positionnement, la fixation des pièces prothétiques et l’alignement du membre en postopératoire [46, 117]. Pour l’évaluation du positionnement des implants prothétiques fémoral et tibial , l’IKS avait décrit différents angles à mesurer dans le plan frontal et sagittal sur les clichés de face et de profil et pour l’évaluation de la fixation , l’IKS avait recommandé la recherche et la mesure de l’épaisseur des lisérés à l’interface os-ciment ou os-prothèse de chaque pièce prothétique pour établir un score qui définissait le risque de descellement des pièces [46]. Bach et collaborateurs retrouvaient que ce système d’évaluation radiologique de l’IKS était fiable et reproductible quant à la mesure des différents angles décrits mais l’évaluation des lisérés était à reconsidérer vu une faible corrélation inter-observateur au cours des mesures..
Tout de même, le même auteur notait dans une autre étude une forte corrélation entre la qualité de vie des patients et la présence ou non de lisérés radiologiques évaluée par ce score radiologique de l’IKS; il notait une différence significative entre le score de qualité de vie des patients ne présentant pas de lisérés radiologiques et les patients présentant des lisérés de moins de 4 mm ou de plus de 4 mm, le score de qualité de vie des patients étant plus faible en présence des liserés, l’auteur notait l’intérêt de l’évaluation de la qualité de vie des patients porteurs de PTG [119]. Pour améliorer la fiabilité et la reproductibilité du score radiologique de l’IKS, Bach et collaborateurs proposaient une version simplifiée de ce score dans l’évaluation des lisérés radiologiques ; ils retrouvaient une bonne voir une excellente corrélation inter et intra-observateur en divisant en 02 parties antérieure et postérieure mais non en plusieurs zones l’interface os-prothèse au niveau du fémur sur un cliché de profil pour l’évaluation des lisérés et en 4 parties antérieure, postérieure, médiale et latérale sur les clichés de face et de profil l’interface au niveau du tibia ; les lisérés au niveau de l’implant patellaire était évalués sur les clichés axial et de profil et les mesures en millimètre de l’épaisseur des lisérés étaient combinées pour catégoriser chaque implant [120]. Ils suggéraient que cette nouvelle méthode d’évaluation radiologique prouverait sa praticité par la réalisation d’une étude longitudinale évaluant la corrélation des résultats cliniques et radiologiques de patients porteurs de PTG..