Évaluation de l’efficacité des infiltrations des articulations sacro-iliaques par un corticoïde retard sous contrôle scannographique

Les sous populations de spondyloarthrites

Les rhumatismes inflammatoires appartenant à la famille des spondyloarthrites (SpA) sont : La spondylarthrite ankylosante (SA) , Le rhumatisme psoriasique (RP) Les spondyloarthrites associées aux entérocolopathies inflammatoires chroniques (rectocolite hémorragique et maladie de Crohn) (SpA + MICI), Les spondyloarthrites indifférenciées, Les spondyloarthrites à début juvénile, Les arthrites réactionnelles suite à une infection virale ou bactérienne.
La tendance actuelle initiée par la société savante d’évaluation des spondyloarthrites ou ASAS (Assessment of SpondyloArthritis Society) est de regrouper ces différentes entités en deux sous-populations :
Spondyloarthrites à prédominance axiale (SpA A) caractérisées essentiellement par des rachialgies inflammatoires. La démonstration radiologique de cette atteinte n’est actuellement plus obligatoire. Lorsqu’elle est présente, on parle alors de SA.
Spondyloarthrites à prédominance périphérique (SpA P) où l’atteinte est alors essentiellement articulaire et/ou enthésitique. On distingue dans ce groupe les SpA P associées à du psoriasis, à une entérocolopathie inflammatoire (MICI) ou de type réactionnel.
Comme pour tout rhumatisme inflammatoire débutant, le diagnostic de SpA n’est pas toujours certain, notamment au début de l’histoire de la maladie. Pour aider à reconnaître les patients atteints de SpA et afin d’obtenir des cohortes homogènes de malades pour les études cliniques, plusieurs classifications ont été élaborées.

Les spondyloarthrites à prédominance axiale

Les SpA A, avec comme représentant la SA, débutent dans 80% des cas avant l’âge de 30 ans et dans moins de 5% des cas après 45 ans . Le sex-ratio homme-femme est de 3 pour 1 mais cette prévalence masculine tend à s’estomper comme en témoigne une étude allemande récente démontrant que de plus en plus de femmes semblent touchées. A ce titre, l’étude française EPIRHUM a montré que le sex-ratio était désormais proche de 1.
L’atteinte inflammatoire du rachis est la principale manifestation clinique des patients atteints de SpA A, qu’elle soit radiologique ou non. Il s’agit dans 80% des cas du premier symptôme présenté par le patient . D’autres manifestations cliniques telles que des arthrites, des enthésites ou encore des uvéites antérieures aigues peuvent être associées. En plus de l’atteinte ostéoarticulaire, les SpA A entrainent une augmentation du risque cardiovasculaire due à une dyslipidémie et à un dysfonctionnement endothélial . Par ailleurs, il existe un risque accru d’ostéoporose et de fracture. Sur le plan physiopathologique, le risque de développer la maladie est plus important chez un sujet porteur de l’haplotype HLA B27 (patients HLAB27 +). En effet, 90 à 95% des patients ayant une SpA A sont HLAB27+9 . Par ailleurs, le risque de développer une SpA lorsque l’on est HLA B27 + est de 5%.

Les spondyloarthrites à prédominance périphérique

Les critères ASAS des SpA P ont été établis en 2011. Dans une cohorte de 266 patients présentant des manifestations périphériques (arthrite(s) et/ou enthésite(s) et/ou dactylite(s)), le diagnostic de SpA P a été posé dans 66.2% des cas avec une sensibilité de 77.8% et une spécificité de 82.9%. Les patients inclus dans notre cohorte ne présentant pas de SpA d’origine réactionnelle ni de SpA à début juvénile, nous ne détaillerons pas ces pathologies ) Le rhumatisme psoriasique (RP) La principale caractéristique du RP est la présence d’un psoriasis cutané. Le psoriasis n’affecterait que 2 à 3% de la population générale et 1 patient sur 3 développerait une atteinte articulaire12. Au sein des SpA, la prévalence du psoriasis cutané est de 10 à 25%. Dans 60% des cas, le psoriasis cutané précède l’atteinte articulaire. Il peut néanmoins être concomitant (10 à 21% des cas) ou survenir après l’atteinte articulaire dans 15 à 25%13 .
Si l’atteinte articulaire inflammatoire est principalement périphérique dans le RP, l’atteinte inflammatoire du rachis et des sacro-iliaques est présente dans 10 à 30% des cas. La pelvi-spondylite psoriasique prédomine d’ailleurs chez 5% des patients14. Si l’atteinte des sacro-iliaques est souvent bilatérale et asymétrique, l’atteinte unilatérale est possible et plus fréquente que dans la SpA. Il en est de même de l’atteinte du rachis cervical.
La première classification longtemps utilisée pour le rhumatisme psoriasique était représentée par les critères de Moll et Wright de 1973 qui ont une très bonne sensibilité (91%) et spécificité (98%). D’autres critères, plus récents, de CASPAR ont été proposés en 2006 et sont actuellement utilisés en pratique courante . Leur sensibilité est de 91.4% et leur spécificité de 98.7% .
Les spondylarthrites associées aux entérocolopathies chroniques :  La maladie de Crohn et la RectoColite Hémorragique (RCH) sont les deux MICI associées aux SpA P. Cette association est fréquente puisque l’on estime à 20% le nombre de patients ayant une MICI qui développent une spondyloarthite. Tout comme dans le RP, l’atteinte ostéoarticulaire précède dans 20% des cas l’atteinte digestive et 60% des patients ont une atteinte digestive infra-clinique . Enfin, l’atteinte axiale touche 4 à 10% des patients . Dans 4 à 18% des cas, la sacro-iliite est isolée.

Les outils d’évaluation de l’activité et du suivi des spondyloarthrites

Selon les recommandations ASAS de 2010, le suivi des patients atteints de SpA doit comporter un interrogatoire, un examen physique et des examens complémentaires biologiques et radiologiques dont la fréquence varie en fonction de la sévérité de la maladie et de la réponse aux traitements. Le score BASDAI (Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity Index) : Le score BASDAI est un indice composite constitué de 6 questions, auxquelles le patient doit répondre en attribuant un score entre 0 et 10 selon une échelle visuelle analogique (EVA). Après avoir préalablement réalisé la moyenne des 2 dernières questions, le score global du test est établi en réalisant la moyenne des 5 valeurs restantes .
Ce score a été élaboré au début des années 1990. Il est simple d’usage, accepté par le patient, fiable, reproductible et sensible aux changements. La validité interne de la version française de ce test a été confirmée en 1997 par Claudepierre et al. Le BASDAI est utilisé pour évaluer la réponse aux traitements. Le groupe ASAS a défini une réponse aux traitements par une amélioration de 50% ou de deux points sur une échelle allant de zéro à 10 sur le score BASDAI pour les patients atteints d’une SpA20 (BASDAI ). Certaines études utilisent les scores BASDAI 20, soit une diminution de 20% du score BASDAI. Le score BASFI (Bath Ankylosing Spondylitis Functional Index) : Le BASFI est également un indice composé de 10 questions . Il permet d’appréhender la gêne fonctionnelle présentée par le patient, dépendante de l’activité de son rhumatisme mais également des séquelles engendrées par la maladie. Tout comme pour le BASDAI, le patient attribue aux questions un score compris entre 0 et 10. Le BASFI est simple, reproductible, accepté par le patient, sensible aux changements et reflète avec justesse son handicap fonctionnel.
Les scores ASDAS VS et ASDAS CRP : Dans le but de s’affranchir du caractère subjectif des scores BASDAI et BASFI, d’autres scores composites ont été élaborés, incluant des critères objectifs. Le score ASDAS (ASAS-endorsed disease activity score) a été mis au point dans cette perspective25. Constitué de 5 items, il permet de prendre en compte un critère objectif biologique qui est soit la VS (vitesse de sédimentation) soit la CRP (protéine c réactive). Il pondère également chacun des 5 critères en leur attribuant un coefficient permettant de mieux apprécier l’importance réelle de chacun des items.

Rappels anatomiques sur l’articulation sacro-iliaque

Sur le plan anatomique, les articulations SI sont 2 diarthro-amphiarthroses permettant d’unir le sacrum aux ailes iliaques .
Une diarthrose est une articulation mobile, comme celles du coude et du genou. Elle est constituée d’une cavité articulaire dont les surfaces sont recouvertes de cartilage hyalin et d’une membrane synoviale. L’ensemble est uni par une capsule articulaire et maintenu par des ligaments. En revanche, une amphiarthrose est une articulation peu mobile permettant des « demi-mouvements » de rotation et de translation puisque le moyen d’union entre les 2 surfaces articulaires est du tissu fibro-cartilagineux et des ligaments, comme l’articulation sacro-coccygienne.
Ainsi, l’articulation SI est une articulation complexe puisque possédant les caractéristiques de ces 2 sous-types articulaires. La partie antéro-inférieure possède une portion articulaire synoviale alors que la partie postéro-supérieure est une portion articulaire fibreuse, le tout étant renforcé par des ligaments intrinsèques et extrinsèques. Sur le versant sacré, la surface articulaire se situe en regard des 2 premières vertèbres sacrées. Elle a une concavité postéro-supérieure et sa partie centrale, creusée d’un sillon, est recouverte de cartilage hyalin d’environ 4 mm d’épaisseur. Le versant iliaque de l’articulation s’emboîte dans le versant sacré. Il existe également un rail central recouvert de cartilage hyalin de 1 à 2 mm d’épaisseur. L’articulation SI a la forme d’un S en vue antérieure et celle d’une oreille ou d’un croissant en vue latérale. La capsule postérieure, renforcée par des ligaments, est très épaisse alors que la capsule antérieure est plus fine.
Les mouvements des SI sont de faible amplitude à type de nutation et de contre nutation, notamment au cours de l’accouchement.
L’articulation SI subit une dégénérescence physiologique au cours des décennies. En effet, la capsule articulaire et la synoviale s’épaississent avec le temps et évoluent vers la fibrose. De même, le cartilage articulaire va progressivement s’amincir et disparaitre pour devenir quasi inexistant vers l’âge de 70 ans.

Table des matières

Introduction 
I. Généralités sur les spondyloarthropathies
A. Les sous populations de spondyloarthrites
A.1. Les spondyloarthrites à prédominance axiale
A.2. Les spondyloarthrites à prédominance périphérique
A.2.a) Le rhumatisme psoriasique (RP)
A.2.b) Les spondylarthrites associées aux entérocolopathies chroniques
B. Epidémiologie 
C. Les outils d’évaluation de l’activité et du suivi des spondyloarthrites
C.1. Le score BASDAI (Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity Index)
C.2. Le score BASFI (Bath Ankylosing Spondylitis Functional Index)
C.3. Les scores ASDAS VS et ASDAS CRP
D. Traitements des spondyloarthrites
II. La sacro-iliite
A. Rappels anatomiques sur l’articulation sacro-iliaque 
B. Imagerie de la sacro-iliite
B.1. Radiographie des sacro-iliaques
B.2. Scanner des sacro-iliaques
B.3. IRM des sacro-iliaques et impact des anti-inflammatoires non stéroïdiens et des biomédicaments sur les lésions de sacro-iliite à l’IRM
B.3.a) Les lésions des sacro-iliaques à l’IRM
B.3.b) Effets des anti-inflammatoires non stéroïdiens sur les images de sacro-iliite à l’IRM
B.3.c) Effets des biomédicaments sur les images de sacro-iliite à l’IRM
C. Identification d’une douleur des sacro-iliaques
C.1. Comment authentifier une douleur d’origine sacro-iliaque
C.2. Différences entre douleur inflammatoire et douleur mécanique
III. Les infiltrations des sacro-iliaques
A. Infiltration des sacro-iliaques sous contrôle fluoroscopique
B. Infiltration des sacro-iliaques sous contrôle scannographique
C. Infiltration des sacro-iliaques sous contrôle IRM
D. Infiltration des sacro-iliaques sous contrôle échographique 
IV. Analyse rétrospective de l’efficacité des infiltrations des sacro-iliaques de corticoïdes réalisées dans le service de rhumatologie du CHU de Rouen
A. Méthodologie de l’étude
B. Résultats
B.1. Evaluation de l’efficacité globale des infiltrations des sacro-iliaques
B.2. Evaluation de l’effet du positionnement de l’aiguille sur l’efficacité des infiltrations
des sacro-iliaques
B.3. Evaluation de l’efficacité de l’infiltration des sacro-iliaques en fonction des images à
l’IRM des sacro-iliaques
V. Objectifs de l’étude
Matériel et méthode
I. Caractéristiques de l’étude
II. Critères d’inclusion et d’exclusion 
III. Détail de la procédure standardisée 
A. IRM des SI
B. L’infiltration des sacro-iliaques
C. Evaluation clinique des patients
IV. Critères de jugement
V. Analyses statistiques
Résultats
I. Caractéristiques des patients 
II. Flow chart de l’étude
III. Evaluation de l’efficacité de l’infiltration des sacro-iliaques
A. Efficacité globale des infiltrations des sacro-iliaques
B. Variations des EVA douleur spontanée et provoquée des SI droites et /ou gauches, du
BASDAI, du BASFI, de la VS, de la CRP, de l’ASDAS VS et de l’ASDAS CRP suite aux infiltrations des sacro-iliaques
B.1. Variation des EVA douleur spontanée et provoquée
B.1.a) EVA douleur spontanée ou provoquée
B.1.b) Evaluation de l’EVA d spontanée ou provoquée en fonction du bénéfice global ressenti par le patient des infiltrations des SI
B.2. Evaluation de l’effet des infiltrations sur le BASDAI
B.3. Evaluation de l’effet des infiltrations sur le BASFI
B.4. Evaluation de l’effet des infiltrations sur la VS
B.5. Evaluation de l’effet des infiltrations sur la CR
B.6. Evaluation de l’effet des infiltrations sur l’ASDAS VS
B.7. Evaluation de l’effet des infiltrations sur l’ASDAS CRP
IV. Infiltrations intra-articulaires versus extra-articulaires
V. Effets indésirables liés à l’infiltration des sacro-iliaques
VI. Etude du parallélisme entre le bénéfice ressenti par le patient après les infiltrations des
sacro-iliaques et les données IRM des sacro-iliaques obtenues avant les gestes infiltratifs
A. Répartition globale des patients en fonction des lésions des sacro-iliaques à l’IRM
B. Relation entre le bénéfice global ressenti par le patient suite aux infiltrations et la nature
des lésions de sacro-iliite mises en évidence à l’IRM
B.1 Relation entre le bénéfice global ressenti par le patient suite aux infiltrations et les différentes lésions de sacro-iliite active à l’IRM
B.2 Relation entre le bénéfice global ressenti par le patient suite aux infiltrations et les lésions de sacro-iliite séquellaires à l’IRM
C. Relation entre l’EVA d spontanée et les lésions actives ou séquellaires de sacro-iliite
D. Evaluation de l’atteinte inflammatoire ou structurale du rachis lombaire en fonction du
bénéfice ressenti par le patient de l’infiltration
Discussion 
Conclusion
Annexe 1 Critères d’AMOR1
Annexe 2 Critères ESSG1
Annexe 3 Critères ASAS2,3
Annexe 4 Critères de Moll et Wright et critères CASPAR7,15
Annexe 5 BASDAI21
Annexe 6 BASFI23
Annexe 7 ANATOMIE DES SACRO-ILIAQUES28
Annexe 8 RADIOGRAPHIE DES SACRO-ILIAQUES
Annexe 9 SCANNER DES SACRO-ILIAQUES
Annexe 10 IRM DES SACRO-ILIAQUES
Annexe 11 SCORE SPARCC36
Annexe 12 TESTS DE DOULEUR DES SACRO-ILIAQUES44
Annexe 13 : TECHNIQUE D’INFILTRATION DES SACRO-ILIAQUES
Annexe 14 FICHE DE RECUEIL STANDARDISE
Annexe 15 RECUEIL DES DONNEES IRM
Bibliographie

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