Qu’est-ce qu’une Plateforme Territoriale d’Appui ?
Les Plateformes Territoriales d’Appui sont des structures existant depuis 2016 suite à l’article 74 de la loi de modernisation du système de santé, pour répondre au mieux aux besoins de la population dans son ensemble en apportant un soutien pour la prise en charge des situations complexes, sans distinction d’âge ni de pathologie. Le but d’une Plateforme est de libérer du temps médical au médecin généraliste en l’aidant à organiser le parcours de soins de son patient, en prenant en compte toutes ses dimensions, médicale, financière, sociale, familiale… Pour ce faire, des équipes de coordinateurs sont formées, territoire par territoire, pour répondre au mieux à cette demande. À terme, cet investissement devrait permettre de faire des économies en limitant les hospitalisations évitables et en prévenant des passages aux urgences itératifs. La loi a donc enjoint les ARS de financer des projets de PTA, via les professionnels de santé d’une équipe de soins primaires ou d’une Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS), avec recrutement de professionnels du domaine social et médico-social. Les Unions Régionales des Médecins Libéraux (URML) ont été des interlocuteurs cruciaux pour la mise en place de nombreuses PTA. Suite aux réponses à l’appel à projets ont été établies des conventions entre l’ARS et les PTA, «définissant les missions, les engagements et les apports des différents signataires» (article L6327-2 de la loi de modernisation du système de santé). Pour être pertinentes, les réponses à l’appel à projet devaient être personnalisées selon leur territoire de provenance. Les Méthodes d’Action pour l’Intégration des services d’aides et de soins dans le champ de l’Autonomie (MAIA) avaient déjà fait un travail de diagnostic territorial, sur lequel se sont appuyées les équipes pour écrire le projet. Chaque année, la PTA doit émettre un rapport d’activités permettant à l’ARS de juger de l’utilité de la structure sur le territoire, et de la bonne utilisation des financements accordés. Il est important de noter que la notion de « situation complexe » dont on parle dans l’article 74 est ici prise dans son sens subjectif (et donc dans son sens large). Ainsi, aucune personne présentant une demande à l’équipe PTA ne peut se voir opposer un refus de prise en charge. Dès l’instant qu’une situation est jugée complexe par le médecin traitant, elle peut être adressée à la PTA. Pour un fonctionnement harmonieux de la structure, il est requis que la demande soit faite en concertation avec le médecin traitant si elle ne vient pas de lui. Il est requis également que le patient soit prévenu et en accord avec l’inclusion dans le processus.
L’appel à projets – Constitution de l’opérateur
Suite à l’article 74 de la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016, a été lancé par les différentes Agences Régionales de Santé un appel à projets pour la création de plateformes territoriales d’appui à la coordination des soins (6 avril 2017). Cet article 74 a été complété par le décret 2016-919 du 4 juillet 2016, au chapitre VII du Code de Santé Publique. L’enjeu était le financement proposé par l’ARS. Si le dossier satisfaisait l’appel à projets, l’ARS finançait la mise en place voire, après réévaluation annuelle, la pérennisation de la PTA, selon le rapport d’activités rendu par la PTA. Ce financement est accordé après signature d’un contrat annuel, le Fonds d’Intervention Régional (FIR), qui finance différentes actions et expérimentations validées par les ARS en matière de santé, et notamment dans le domaine de la coordination). Côté Nord-Cotentin et Sud-Manche des réponses ont été données, mais pas pour une PTA unique, à échelle départementale : la structure aurait été beaucoup trop grande, selon les opérateurs des deux actuelles PTA. Le mot d’ordre d’une Plateforme Territoriale d’Appui étant la communication, il fallait des structures à taille humaine, où les coordinateurs puissent évoluer aisément. C’est donc à échelle infra-départementale que se sont développées les PTA de la Manche, excluant le Centre-Manche. L’ARS a respecté le souhait des Plateformes du Nord-Cotentin et du Sud-Manche ; en effet l’extension de ces PTA modifierait profondément leur organisation. Celles-ci ne fonctionnent pas du tout de la même façon, les structures déjà en place et les idées sous-jacentes n’étant pas du tout les mêmes. Les PTA sont plus opérationnelles justement parce qu’elles sont proportionnées au terrain, mais également parce qu’elles ne demandent pas plus de temps aux médecins qui les président.
Du côté du Sud-Manche comme du Nord-Cotentin, les médecins coordinateurs considèrent leur fonction comme un service aux collègues et un service aux patients. Mais cette fonction n’est pas recherchée pour elle-même, car elle demande beaucoup de temps et d’énergie. Une répartition des tâches aux autres médecins des secteurs concernés va progressivement s’établir des deux côtés.
Faire connaître la PTA – connaître les structures d’aides au patient
Quoi qu’il en soit, ces fonctions de coordinateur étant assez spécifiques, il fallait que chaque coordinateur se forme sur le terrain, c’est-à-dire aille découvrir les nombreuses structures déjà en place, d’une part pour les connaître et obtenir des interlocuteurs directs et des numéros de portable identifiés, d’autre part pour se faire connaître et expliquer de façon bien détaillée le fonctionnement de la PTA. Ceci a pris beaucoup de temps et d’énergie mais est garant d’une grande réactivité. PTA Sud-Manche : Les médecins PTA ont fait connaissance avec les secteurs qui ne leur étaient pas familiers (Les infirmiers coordinateurs ont eu eux aussi ce travail de repérage des différentes structures). Par exemple ils ont rencontré le Centre Médico-Psychologique (CMP), pour pouvoir traiter la partie pédiatrie notamment, le Centre Hospitalier de l’Estran pour la partie psychiatrie. Les choses ont été facilitées par le fait qu’il y avait une connaissance mutuelle des structures via les réunions du Comité Médical Stratégique du Groupement Hospitalier de Territoire. En effet deux des médecins coordinateurs y participent en tant que présidents de CME (respectivement de l’hôpital de Villedieu et de Saint-James). Ils connaissaient donc déjà les différents chefs de pôle du GHT, ce qui permettait une confiance mutuelle et un gain de temps considérable pour pouvoir leur adresser un patient «recruté» par la PTA. De ce fait il n’y avait qu’à présenter la PTA ; comme les interlocuteurs étaient déjà en place cela a évité l’ajout d’une strate supplémentaire dans cet univers compliqué de structures multiples, qu’elles soient médicales ou sociales, associatives ou pas… Certes le GHT est le dépositaire de l’enveloppe, car c’est lui qui s’occupe de la partie comptabilité, mais c’est surtout un acteur très fort. La PTA et le GHT ne travaillent pas l’un sans l’autre ; le GHT a permis une mise en relation rapide, efficace et dans un climat de confiance. Le fait que la PTA soit couplée au GHT a également permis une aide sur le plan administratif, surtout au lancement de la structure (aide apportée au Nord-Cotentin par l’URML). Les coordinateurs de pôle ont diffusé l’information aux différents Centres Hospitaliers du secteur. Les cadres de santé font aussi partie de ce Comité Médical Stratégique, ce qui distille beaucoup les informations.
PTA Nord-Cotentin : Les coordinateurs PTA ont tous les trois eu un énorme travail de reconnaissance du terrain. Le terrain et la façon de travailler étaient déjà connus, mais les interlocuteurs ne l’étaient pas forcément. La PTA n’a été lancée qu’une fois réalisé ce travail de reconnaissance. Tous les rouages étaient déjà bien mis en place avant sa diffusion. Les coordinateurs ont visité beaucoup de structures, ont présenté la PTA en même temps. Il était très important pour eux de connaître la structure existante mais aussi et surtout de connaître les interlocuteurs, de les voir et de leur parler pour connaître leur façon de voir les choses, leurs éventuelles appréhensions par rapport à la PTA, etc. Ils se sont déplacés dans les cabinets des médecins généralistes, et y retournent régulièrement. Ces visites permettent de répondre immédiatement à des questions concernant la mission 1, mais également de parler de patients en situation complexe et de les inclure dans un suivi à plus long terme (mission 2).
Les coordinateurs PTA travaillent beaucoup avec la MAIA Nord-Cotentin et les CLIC. Comme au Sud-Manche, ils assistent aux réunions bimensuelles de la MAIA pour l’échange des dossiers.
Une augmentation des demandes entraînerait-elle une incapacité de répondre ?
Cette question avait été posée à l’occasion d’une réunion PTSM (Projet Territorial de Santé Mentale), où l’on évoquait des solutions pour les patients en difficulté de logement, ce qui avait amené les intervenants à parler des structures d’aide. Et quelqu’un dans l’assemblée a objecté : «Mais si ces structures étaient plus connues, elles seraient surchargées et l’on aboutirait au même résultat : manque de personnel soignant, manque de logements…»
La question peut être posée également pour les PTA : si ces structures étaient plus connues, seraient-elles surchargées de travail, et alors perdraient-elles leur efficacité ? On peut répondre que cela dépend du fonctionnement de la PTA en question et des axes sur lesquels elle se fonde : pour la PTA Sud-Manche, qui est très axée sur les hospitalisations rapides en SSR ou les entrées directes en EHPAD, il est clair que si tous les médecins généralistes ou tous les patients concernés sollicitaient la PTA pour cette indication, le système serait saturé extrêmement rapidement. Les médecins PTA ne pourraient proposer une place en EHPAD ou en SSR car les services seraient pleins.
La PTA Nord-Cotentin n’est pas centrée sur ces axes. Sur ces points-là elle peut être assez démunie. En revanche, cela lui assure un équilibre : en effet, si la demande va croissant, les coordinateurs PTA accroissent aussi leurs connaissances et leur efficacité. L’expansion de la demande pourra donc aller de pair avec l’expansion de la PTA.
Côté Sud-Manche, la PTA dépend de la motivation de quelques personnes, et semble de ce fait plus fragile. En effet, le fonctionnement de la PTA est dépendant de la volonté des médecins coordinateurs. Si ces médecins se fatiguent et souhaitent passer la main, il est fort probable que cela soit beaucoup plus difficile que pour la PTA Nord-Cotentin, qui voit par exemple la coordinatrice du secteur des Pieux céder la mission 2 (accompagnement de parcours) à une coordinatrice nouvellement recrutée, sans que cela pose aucun problème pour le fonctionnement de la Plateforme. Pour le Nord-Cotentin, le recrutement des coordinateurs et le développement de l’équipe se font rapidement. Les coordinateurs en place prennent le temps de présenter les nouveaux coordinateurs aux médecins généralistes des différents cabinets de leur secteur.
Table des matières
Introduction
I- Matériel et Méthodes
II- Contexte
1- Contexte socio-géographique
2- Qu’est-ce qu’une Plateforme Territoriale d’Appui (PTA) ?
a) Première mission
b) Deuxième mission
c) Troisième mission
Ce que n’est pas la PTA : un substitut
3- L’appel à projets – constitution de l’opérateur
4- Ce qui existait déjà
III- Résultats
1- Délimitation du terrain pour chaque PTA
2- Composition des équipes
3- Faire connaître la PTA – connaître les structures d’aide au patient
4- Le fonctionnement actuel des PTA
Exemples de missions 1 et de missions 2
5- Le système d’informations
6- Rapports d’activités
IV- Discussion
1- Les biais
2- Interprétation des chiffres
3- Ouvertures
a) Les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS)
b) La convergence des Dispositifs d’Appui à la Coordination (DAC)
c) Une augmentation des demandes entraînerait-elle une incapacité de répondre ?
d) Façon de voir
e) « Communiquer pour exister »
Conclusion
Bibliographie
Annexe