Les différentes techniques de collage utilisées en microélectronique
Techniques de collage nécessitant une couche intermédiaire à l’interface de collage : Il s’agit d’une technique de collage connue sous le nom de collage adhésif ou collage polymère. Dans ce type de collage, une résine ou un polymère est utilisé entre deux matériaux à assembler. Une grande variété de matériaux peut être assemblée par ce procédé (verre, silicium, polymère, métaux). De très nombreux polymères peuvent jouer le rôle de couche adhésive à l’interface de collage. Le BCB (divinylsiloxane bis-benzocyclobutène) est très utilisé en microélectronique afin de réaliser l’encapsulation de MEMS notamment. L’avantage d’utiliser des couches adhésives polymères est que cela ne nécessite pas ou peu de préparations préalables. La couche polymère est également souvent utilisée pour la relaxation de contraintes. Les conditions thermiques d’utilisation sont en revanche limitées et il faut prendre garde à la température de transition vitreuse. Le matériau BCB a l’avantage de présenter une température de transition vitreuse relativement élevée (Tg~380°C). Par ailleurs, l’herméticité du collage adhésif n’est pas totale et peut être un inconvénient pour certaines applications. De plus, la distance entre les deux substrats à coller via cette méthode est bien souvent délicate à maitriser.
Techniques de collage de couches métalliques : Nous allons désormais expliciter le cas du collage de couches métalliques. Ces dernières sont employées principalement afin de réaliser des interfaces conductrices. Les deux principales techniques de collage pour ce type de matériaux sont la thermocompression et le scellement eutectique.
En ce qui concerne la technique de thermocompression, il s’agit de la mise en contact de deux couches métalliques avec l’application conjointe d’un traitement thermique et d’une compression mécanique afin d’assembler les deux substrats. Les couches métalliques sont généralement déposées au préalable sur les substrats à assembler selon divers procédés : évaporation, pulvérisation ou dépôt électrochimique. Une couche sous-jacente de différente nature est parfois utilisée comme couche d’accroche ou comme barrière de diffusion. Lors de la thermocompression, des phénomènes de diffusion des atomes métalliques s’opèrent et ces derniers migrent jusqu’aux joints de grains des couches métalliques ainsi qu’à l’interface de collage. Alors que la montée en température favorise la mobilité des atomes métalliques, la compression permet d’accroitre la surface de contact des différentes couches à coller. On utilise dès lors pour ce type de technologie de collage des métaux réputés très ductiles comme l’or, le cuivre, ou l’aluminium. Les gammes de températures et de pressions appliquées étant respectivement de l’ordre de [300°C-500°C] et de quelques MPa à quelques centaines de MPa.
Technique de collage sans ajout de matière : Il existe principalement deux types de collage ne nécessitant aucun ajout de matière : le collage anodique et le collage direct. Le collage anodique, également appelé collage électrostatique a été mis en œuvre pour la première fois dans les années 1970 par Wallis. Ce procédé repose sur l’application d’une tension de part et d’autre des deux substrats à assembler. Cette technologie de collage est très utilisée pour le scellement d’un substrat de silicium avec un substrat en verre. Les deux substrats précités sont alors mis en contact et sous l’application d’un champ électrique (anode au silicium et cathode au verre), l’oxyde de sodium Na2O rentrant dans la composition du verre se dissocie : les cations Na+ migrent vers la cathode laissant les anions O2- fixes à l’interface de collage. Le verre se décharge donc négativement et une zone de déplétion se crée alors progressivement dans le silicium au niveau de l’interface de collage. La différence de potentielle ainsi crée permet d’écraser les deux surfaces l’un contre l’autre et les mécanismes de collage direct prennent alors le relais pour souder les deux matériaux.
Définition du collage direct et des forces mises en jeu dans ce dernier
Le collage direct est un phénomène d’adhésion spontanée à température ambiante intervenant lors de la mise en contact de surfaces sous des conditions surfaciques particulières. Pour que ce phénomène se produise, il est nécessaire que les deux surfaces ainsi rapprochées soient parfaitement propres, lisses et sans particules. Dès lors que ses conditions sont réunies et que les surfaces sont suffisamment proches l’une de l’autre, les forces attractives deviennent suffisamment élevées pour maintenir le contact entre les deux surfaces via la création dès la température ambiante de liaisons intermoléculaires avec des forces de faible énergie telles que les forces de van der Waals, les liaisons hydrogènes ou encore les forces de capillarité. Ces dernières apparaissent dès lors que les surfaces sont hydrophiles et que le film d’air est d’épaisseur suffisamment faible et homogène. Les surfaces peuvent glisser facilement l’une sur l’autre mais deviennent difficiles à séparer par le biais d’une simple traction. Les forces de van der Waals apparaissent dès lors que l’air est chassé de l’interface de collage et que les surfaces se rapprochent encore. L’intérêt de cette technique de collage est qu’aucun apport de matière n’est nécessaire pour provoquer l’adhésion des surfaces.
L’énergie nécessaire à la séparation des surfaces est l’énergie de collage : l’adhérence. A température ambiante, le collage est réversible : les surfaces peuvent à nouveau être séparées par le biais d’une action mécanique (de type insertion de lame par exemple). Pour augmenter l’énergie de collage et ainsi renforcer l’adhérence des surfaces, il est possible de remplacer progressivement les liaisons de faible énergie par des liaisons de plus forte énergie de type liaisons covalentes à l’aide d’un traitement thermique (recuit de consolidation de l’interface de collage). C’est alors que le collage devient irréversible.Il existe principalement deux types de collages directs : le collage hydrophobe et le collage hydrophile. Le terme hydrophile ou hydrophobe caractérise l’affinité de la surface avec l’eau. Une surface dite hydrophile a une grande affinité avec l’eau et est recouverte par un film d’eau lors de la mise à l’air atmosphérique. A l’inverse, une surface hydrophobe n’a pas d’affinité avec l’eau et n’est pas mouillée par l’eau.
Dans le cas du collage hydrophobe de silicium, les surfaces en contact sont majoritairement recouvertes de terminaisons Si-H dont la présence est généralement due à un rinçage à l’acide fluorhydrique (HF) ou encore via un recuit à haute température sous atmosphère H2.
En revanche, dans le cas du collage hydrophile de silicium, qui correspond au champ d’étude de cette thèse, les surfaces en jeu sont principalement recouvertes de liaisons Si-OH, responsables de l’affinité avec l’eau. Ce type de surface est systématiquement obtenu dans le cas des oxydes de silicium, mais aussi dans le cas du silicium après un nettoyage oxydant permettant l’apparition d’un oxyde natif (oxyde de silicium très fin < 1 nm). Les terminaisons Si-OH impliquent le piégeage d’un film d’eau au moment du collage.
Propreté de la surface autorisant la mise en œuvre du collage direct
Les critères morphologiques précités ne suffisent pas à assurer la collabilité des surfaces ou que celui-ci soit de bonne qualité (sans défectivité) même après une consolidation thermique de l’interface de collage). En effet, la surface des matériaux se doit d’être propre c’est à dire exempte de toute contamination (organique, particulaire ou métallique) générée par l’environnement de stockage des plaques (boites, atmosphère salle blanche).
Les contaminants organiques sont des composés organiques volatils amenés à contaminer la surface à coller en créant des terminaisons de type -CHx (famille des hydrocarbures). Ces composés organiques proviennent généralement de boîtes de stockage de wafer ou encore des revêtements de murs de salle blanche. Ce type de contamination, en plus d’altérer la collabilité à température ambiante, peut également être la source d’une certaine défectivité à l’interface de collage par le biais de dégagements gazeux causés par l’adsorption de sous-produits gazeux. En général, un nettoyage en milieu acide de type CARO, composé d’un mélange d’acide sulfurique H2S et d’eau oxygénée (H2O2) permet de retirer cette contamination par son pouvoir oxydant conduisant à la décomposition rapide des molécules organiques sans endommager le silicium. L’inconvénient de ce type de nettoyage est qu’il induit généralement une contamination particulaire. Ainsi, lorsque le nettoyage de type CARO est utilisé, il constitue généralement la première étape du procédé de décontamination des plaques à coller. Par ailleurs, l’eau dé-ionisée ozonée est de plus en plus sollicitée afin de contourner le recours aux solutions chimiques acides très concentrées. Dans le cas de notre étude, l’essentiel de la contamination organique peut provenir de deux sources différentes que sont le dépôt et le vieillissement des plaques en environnement salle blanche. L’étape de CMP entrainant un retrait d’environ 50 nm de la subsurface annule alors la contamination organique.
Les principales limitations techniques de la technologie de collage direct
Le collage direct est une technologie intéressante dans le domaine de la microélectronique dans le sens où elle offre une grande diversité d’applications et constitue une alternative sérieuse à d’autres technologies d’empilement comme l’épitaxie. Cependant, il existe quelques limites d’utilisation.
La première limite consiste en la possibilité d’obtenir une délamination de couches collées suite à la mise en œuvre de procédés futurs. Le premier cas de figure peut concerner des applications CMOS nécessitant de faibles températures (inférieures à 500°C). Suivant la nature des matériaux collés, il est possible que l’énergie de collage soit très faible pour une consolidation thermique de cet ordre de grandeur. Par exemple, un polissage mécano-chimique effectué après le collage (pas suffisamment consolidé compte tenu de la nature des matériaux) peut être la raison de la délamination. Un traitement thermique à plus haute température est alors nécessaire pour mieux consolider le collage, mais cela ne satisfera alors plus les exigences de fabrication des dispositifs CMOS. En ce qui concerne ce point, les oxydes de silicium déposés ne sont pas spécialement concernés. Ces derniers constituent une bonne alternative et répondent parfaitement aux spécifications CMOS concernant l’obtention d’une bonne tenue de collage à faible température. Comme nous le verrons dans la suite de cette thèse, ces matériaux ont la possibilité de développer une énergie de collage parfois proche de l’énergie de fracture du silicium (de l’ordre de 5 J/m2) avec une consolidation thermique de seulement 200°C (pendant 2 heures).
La deuxième limite du collage direct concerne la formation de produits gazeux à l’interface de collage après un recuit à suffisamment haute température. En effet, les produits contenus dans le matériau collé peuvent contenir des espèces pouvant réagir avec le matériau sous-jacent et conduire à un dégagement gazeux à l’interface de collage . Par ailleurs, les éléments contenus dans le matériau collé peuvent également être directement la source du dégagement gazeux à l’interface de collage sans réaction chimique préalable (mobilité de gaz au sein du matériau). Les procédés chimiques appliqués à la surface avant collage peuvent également être la source de formation de produits gazeux se logeant à l’interface de collage sous forme de défauts de collage (bulles). Le moteur de cette apparition de cette défectivité à l’interface de collage est la forte montée en température du collage en vue de le consolider. Cette défectivité accompagne généralement la hausse de l’énergie de collage.
Mécanisme réactionnel de l’eau avec la silice
La réaction entre l’eau contenue dans l’atmosphère et la silice conduit à un remplacement des liaisons Si-O au sein du réseau constituant la silice par des liaisons de type Si-OH. Ce faisant, il en résulte une baisse de la viscosité et une baisse de la température de transition vitreuse et une augmentation de la vitesse de cristallisation. Par ailleurs, il a été démontré par le biais de gravures successives d’échantillons de silice que cette dernière contenait réellement de l’eau en son sein et non uniquement en surface .
Des différences significatives à propos de l’hydratation de la silice et l’impact de l’eau sur la structure de cette dernière suivant la température de diffusion furent observées. Il semble s’opérer des changements structurels au sein de la silice pour des diffusions d’eau à des températures supérieures à 750°C .
Il semblerait également qu’en deçà d’une teneur en eau de 4 % massique au sein de la silice, l’eau soit essentiellement présente sous forme SiOH alors qu’elle serait présente sous forme d’eau moléculaire à une teneur supérieure à 4%. Wakabayashi et Tomozawa ont poursuivi des études à ce sujet et l’observation d’un épaulement à 3672 cm-1 dans le spectre IR de silices hydratées et à faible teneur en eau suggère la présence de silanols. En revanche, si l’on retrouve de l’eau sous forme moléculaire mais que la teneur en eau est inférieure à 4 % en masse, cela signifie que la réaction entre l’eau et la silice n’a pas encore atteint l’équilibre. Par ailleurs, d’après les études IR réalisées sur les silices, l’eau moléculaire existerait sous 2 formes distinctes, soit elle est présente dans les sites interstitiels (et peut ainsi vibrer librement sous une sollicitation IR : pic à 3225 cm-1) soit les molécules d’eau sont reliées par des liaisons hydrogènes aux groupements silanols (constitutifs de la matrice de l’oxyde de silicium : pic à 3425 cm-1) . Cette distinction a été établie à la fois par des mesures infrarouges et à des essais de désorption d’eau sous différentes températures entre 200°C et 600°C.
Table des matières
Introduction générale
1 Chapitre 1 : Présentation du collage direct, des oxydes de silicium déposés et de la
notion de diffusion d’eau dans la silice
1.1 Introduction au collage direct et à d’autres techniques de collage
1.1.1 Les différentes techniques de collage utilisées en microélectronique
1.1.2 Présentation du collage direct
1.2 Historique des différents modèles mis au point
1.2.1 La découverte du collage direct
1.2.2 Le collage direct dans l’industrie microélectronique
1.3 Quelques notions sur la diffusion de l’eau dans les silices
1.3.1 Mécanismes et modèles de diffusion d’eau au sein de la silice
1.3.2 Coefficients de diffusion, longueurs de diffusion et solubilités classiques de l’eau dans la silice
1.3.3 Influence de la nature du matériau sur la diffusion de l’eau en son sein
1.3.4 Impacts de différents paramètres techniques (température, pression hydrostatique, contrainte appliquée, contrainte du matériau, pH) sur la diffusion de l’eau
1.3.5 Les conséquences de la diffusion de l’eau sur la silice
1.3.6 Aperçu rapide des différents moyens expérimentaux utilisés pour établir les différentes études relatives à la propagation de l’eau dans la silice
1.4 Positionnement de la thèse
2 Chapitre 2 : Réalisation des structures collées et techniques de caractérisation
2.1 Réalisation de structures collées
2.1.1 Dépôt de SiOx par voie PECVD
2.1.2 Préparations facultatives des couches minces déposées : recuit de séchage, hydrolyse et divers autres traitements réalisés sur plaque libre
2.1.3 Préparation du collage via le polissage mécano-chimique (CMP) et procédé de collage direct
2.1.4 Etape de découpe éventuelle des structures collées ou surfaces libres
2.1.5 Recuits isothermes des structures collées
2.1.6 Recuits longs des structures collées
2.2 Techniques de caractérisation
2.2.1 Caractérisation des couches minces avant collage
2.2.2 Caractérisation des structures collées
2.2.3 Conclusion
3 Chapitre 3 : Propriétés des couches minces d’oxydes de silicium et premières conséquences sur le collage direct
3.1 Préambule à l’étude
3.2 Considérations expérimentales
3.3 Etude générale de couches déposées d’oxyde de silicium et de leur adhérence
3.3.1 Influence de l’eau sur le collage direct de couches minces déposées
3.3.2 Mécanismes de cinétique d’absorption d’eau
3.3.3 Etude de l’influence de traitements thermiques consécutifs à un dépôt d’oxyde de silicium
3.3.4 Influence de l’épaisseur de l’oxyde déposé sur le collage direct
3.3.5 Etude de la corrosion sous contrainte interne à l’interface de collage
3.3.6 Fracture et plasticité de l’oxyde de silicium déposé
3.4 Conclusions
4 Chapitre 4 : Mécanismes de diffusion de l’eau dans les oxydes de silicium déposés
4.1 Homogénéité de la contrainte résiduelles dans les oxydes de silicium déposés
4.1.1 Expérimentation préliminaire des oxydes minces (150 nm) « injection directe liquide » vieillis
4.1.2 Filiation de contrainte et de bandes d’absorption -OH et H2O au sein d’oxydes déposés minces vieillis
4.1.3 Expérimentations complémentaires à propos du profil de contrainte dans le volume d’oxyde déposé
4.2 Réflectivité des neutrons et localisation de l’eau dans les couches minces d’oxydes de silicium
4.2.1 Etude de la diffusion d’eau au sein de couches minces d’oxyde de silicium déposé issues de système d’injection de type « bulleur »
4.2.2 Etude de la diffusion d’eau au sein de couches minces d’oxydes de silicium déposé issues de système d’injection directe liquide
4.3 Evaluation de la quantité d’eau emmagasinée dans les couches minces d’oxydes de silicium utilisée pour le scellement de l’interface de collage
4.4 Optimisation de structures pour le collage : matériaux bicouche
4.4.1 Etude d’un collage d’oxydes de silicium déposés sous forme de structure bicouche comportant un recuit de séchage intermédiaire à 450°C – 2 heures sous O2
4.4.2 Etude de l’influence de différentes barrières à la diffusion et du conditionnement thermique du premier dépôt d’oxyde sur l’émission de défectivité à l’interface de collage
4.4.3 A la recherche du conditionnement idéal des oxydes déposés avant collage
4.5 Conclusions
5 Chapitre 5 : Mécanismes de collage dans la structure SiO2-SiO2 d’oxydes de silicium déposé
5.1 Etude des propriétés mécaniques de volume des oxydes de silicium thermiques et déposés
5.2 Etude des propriétés mécaniques de surface des oxydes de silicium thermiques et déposés
5.2.1 Etude préliminaire des propriétés mécaniques de surface des oxydes de silicium déposés par voie Silane en PECVD à basse température
5.2.2 Etude des propriétés mécaniques de surface des oxydes de silicium déposés par voie TEOS ainsi que des oxydes thermiques
5.2.3 Discussion à propos du pic adhésif extrait des courbes de forces
5.3 Conclusions et hypothèses sur les mécanismes mis en jeu lors du collage direct
6 Conclusion générale
7 Bibliographie