Identification et profil de résistance de Serratia marcescens aux antibiotiques

Historique de la taxonomie de l’espèce Serratia marcescens

L’espèce Serratia marcescens appartient actuellement au genre Serratia, à la tribu des Klebsielleae, à la famille des Enterobacteriaceae, à l’ordre Enterobacteriales, à la classe Gamma Proteobacteria, au phylum Proteobacteria, et au domaine des Bacteria.
Cette espèce a l’une des taxonomies les plus confuses dans le monde bactérien, une partie de cette confusion consiste dans l’incertitude de savoir si les premières descriptions de ce microorganisme faites par les chercheurs étaient correctes.
En 1819, un phénomène survenait dans la province de Padoue, en Italie, qui consistait dans le changement de la coloration en rouge de la polenta (Semoule de mais bouillie) . A cet effet le pharmacien Bartolomeo Bizio menait des expériences et cultivait avec succès le microorganisme sur la polenta fraiche, il constatait que la décoloration rougeâtre de la polenta pourrait se produire en moins de 24 heures. Il déterminait que la cause de la polenta rouge était un microorganisme qu’il croyait être un champignon qu’il nommait Serratia marcescens .
Dans la même période, Vincenzo Sette arrivait à la même conclusion de celle de Bizio et nommait le microorganisme Zaogalactina imetrofa .
En 1848, Christian Gottfried Ehrenberg enquêtait les taches rouges qui figuraient sur une pomme de terre cuite en Allemagne, cette décoloration était similaire à celle observée dans la polenta rouge en Italie. Par l’utilisation d’un microscope, il visualisait des cellules ovales et mobiles qu’il les nommait Monas prodigiosa .
Au cours de nombreuses années, ce microorganisme était décrit par beaucoup de noms différents: En 1920, Winslow et al., (1920) publiait le «Final Report of the Committee of the Society of American Bacteriologists on Characterization and Classification of Bacterial Type” où ils nommaient le microorganisme Bacillus prodigiosus.
En 1923, Après la première publication du Manuel de «Bergey’s Manual of Determinative Bacteriology», trois autres noms étaient attribués: Salmonella marcescens, Salmonella prodigiosum, et Chromobacter prodigiosum . Ce dernier, en particulier, était utilisé couramment jusqu’aux années 1950 .

Facteurs de pathogénicité

Serratia marcescens est capable de produire plusieurs facteurs de pathogénicité : Quorum Sensing Le quorum Sensing (QS) est un mécanisme de signalisation de cellule à cellule utilisé par S. marcescens , il permet de contrôler certaines fonctions biologiques, telles que la formation de biofilm et la production d’antibiotiques . Lorsque les cellules de populations atteignent une masse critique, les molécules de signalisation sont libérées ce qui permettent à S. marcescens de répondre à son environnement, elle utilise N-acylhomosérine lactone (AHL) comme une molécule de signalisation dans le quorum sensing. Les protéines de type LuxI catalysent la formation de l’acylhomosérine lactone (AHL) en tant que signal, les protéines de type LuxR lient leurs signaux d’AHL apparentées et contrôle la transcription des gènes cibles.
Divers systèmes de QS de type LuxlR ont été décrits pour les souches de S. marcescens: Selon une étude rapportée par Eberl et al., (1996), le système SwrI / SwrR de la souche S. marcescens régule la motilité par essaimage, la formation de biofilms, la protéase, la production de la serrawettin qui est un agent tensioactif qui contribue à la colonisation des surfaces.
Dans une autre étude, le système Smal/Smar de la souche S. marcescens régule la motilité par essaimage, l’activité hémolytique, la formation de biofilm, la production de chitinase et la caséinase. Ce système régule également la production de la prodigiosine et la biosynthèse des carbapénèmes.
Selon Horng et al., (2002), la production de la prodigiosine et la mobilité par les flagelles sont régulées par le système de détection du quorum SPNI /SPNR.
Le quorum sensing semble jouer un rôle dans la pathogenèse et la régulation de la production de biofilm pour S. marcescens. En outre, Shanks et al., (2007) ont rapporté que le facteur de transcription de la réponse au stress oxydatif joue un rôle dans la formation de biofilm chez S. marcescens.

Infections nosocomiales liées à S. marcescens

Une infection nosocomiale désigne une infection contractée au cours d’une hospitalisation, infection qui n’existait pas auparavant ni, d’ailleurs, durant les 48 premières heures à l’hôpital.
S. marcescens est peu pathogène pour les sujets sains, elle est responsable d’infections hospitalières parfois épidémiques. La localisation de l’infection dépend de la nature de l’activité du service hospitalier; aux soins, ou surinfections des plaies par des antiseptiques contaminés. Certains patients sont plus fragiles surtout quand ils présentent des troubles d’immunité.
S. marcescens est fréquemment impliquée dans plusieurs types d’infections notamment les infections urinaires après manœuvres instrumentales, les bactériémies compliquant les infections précédentes ou consécutives à l’usage de cathéters y compris l’endocardite, la pneumonie et d’autres maladies respiratoires dues à l’emploi d’appareils de ventilation artificielle ou par aérosols, les infections cutanées, les infections liées aux cathéters intraveineux, l’ostéomyélite et rarement l’endophtalmie endogène et exogène . Elle provoque également les maladies du système nerveux central telle que la méningite. Plusieurs services ont été touchés par les épidémies à S. marcescens notamment les services des soins intensifs, la chirurgie cardiaque, l’urologie, la neurochirurgie, les unités de dialyse, les services d’obstétrique , les unités de transplantation de moelle osseuse et d’oncologie , les services de pédiatrie et beaucoup d’autres services .

Résistance de Serratia marcescens aux antibiotiques

Les antibiotiques ont permis de faire considérablement reculer la mortalité associée aux maladies infectieuses au cours du 20ème siècle. Cependant, leur utilisation massive et répétée a conduit à l’apparition de bactéries résistantes. On parle de la résistance bactérienne lorsque cette dernière est capable de continuer à se développer en présence de l’antibiotique en question. Chez S. marcescens on distingue deux types de résistance:
Résistance naturelle : La résistance naturelle est un phénomène connu, constant et transmissible à la descendance. S. marcescens présente une résistance naturelle ou intrinsèque à plusieurs antibiotiques, dans ce cas, la résistance à un antibiotique donné concerne toutes les souches de cette espèce. Les informations qui codent pour ce comportement habituel font parties du patrimoine génétique de l’espèce et programmées sur le génome bactérien .
Comme toutes les entérobactéries, S. marcescens présente une résistante naturelle à: La pénicilline G, aux macrolides, à la clindamycine, aux glycopeptides. Elle est également résistante aux polymyxines, aux aminopénicillines et aux céphalosporines de première et de deuxième génération par production d’une céphalosporinase d’origine chromosomique inductible AmpC. Résistance acquise : Certaines souches de la même espèce de S. marcescens naturellement sensible aux antibiotiques deviennent résistantes, ce phénomène de résistance acquise est imprévisible et évolutif. L’apparition de la résistance est liée aux conditions d’utilisation des antibiotiques en exerçant une pression de sélection, ce caractère d’acquisition de la résistance est du soit aux mutations chromosomique, soit par acquisition des gènes étrangers portés sur des éléments mobiles transférable.
S. marcescens présente une multirésistance importante aux antibiotiques dans le monde entier à savoir les β-lactamines, les aminosides et les quinolones. Il est bien établi que les souches de S. marcescens peuvent rapidement développer de la résistance à de multiples β-lactamines. S. marcescens héberge un gène, ampC chromosomique qui peut prolonger la résistance à d’autres β-lactamines. En outre, certaines souches portent le chromosome qui code pour les carbapénèmases et les enzymes à médiation plasmidique qui peuvent provoquer la résistance à d’autres β-lactamines. S. marcescens a montré également une résistance acquise aux aminosides et aux quinolones surtout par la production d’enzymes.

Mode d’action des antibiotiques

Les antibiotiques naturels utilisés en thérapeutique sont produits par des bactéries ou des mycètes et les antibiotiques synthétiques sont habituellement des analogues ou des dérivés d’antibiotiques naturels. Ils sont bactéricides ou bactériostatiques. Les mécanismes d’action des antibiotiques sont très variables et on distingue:
Les antibiotiques agissant sur la paroi. Les antibiotiques agissant sur la membrane plasmique. Les antibiotiques qui effectuent une inhibition de la synthèse protéique. Les antibiotiques qui inhibent la synthèse ou le fonctionnement des acides nucléiques.
Mode d’action des β-lactamines : Les β-lactamines constituent la famille d’antibiotiques la plus importante, elle regroupe les pénicillines, les céphalosporines, les carbapénèmes et les monobactames. Elle est caractérisée par la présence constante du cycle β-lactame associé à des cycles et des chaînes latérales variables . Les β-lactamines bloquent la synthèse du peptidoglycane en inhibant ses enzymes de synthèse (les transpeptidases et les carboxypeptidases), également appelées «protéine de liaison à la pénicilline» ou «PLP» qui sont présentent dans la paroi .
Mode d’action des aminosides : Les aminosides agissent par inhibition des synthèses protéiques au niveau du ribosome bactérien et perturbent la synthèse protéique.
La pénétration des aminosides à l’intérieur de la bactérie se réalise par un passage passif permettant la traversée de la membrane externe via les porines, puis la traversée du peptidoglycane. Ils se concentrent alors au niveau de la membrane cytoplasmique puis ils se fixent sur des sites des sous-unités 30S et/ou 50S des ribosomes bactériens entraînant une déformation du ribosome et perturbant ainsi la synthèse des protéines. Les aminosides induisent également des erreurs de lecture de l’ARNm messager ce qui conduit à la synthèse des protéines anormales. Mode d’action des quinolones : Le mécanisme d’action consiste en une inhibition de l’ADN gyrase (topoisomérase II bactérienne) responsable du surenroulement négatif de l’ADN lors de la réplication.
L’ADN gyrase est constituée de deux sous-unités A et B; la sous-unité A est une protéine codée par le gène gyrA et la sous-unité B est une protéine codée par le gène gyrB. L’ADN topoisomérase IV est la seconde cible intracellulaire des quinolones constituée de deux sous-unités parC et parE codées par les gènes par parC et parE respectivement, responsable de désenchevêtrement des ADN-fils en fin de réplication donc ces enzymes sont essentielles à la réplication et à la transcription de l’ADN bactérien.

Table des matières

Introduction
Partie I: Etude bibliographique
1. Historique de la taxonomie de l’espèce Serratia marcescens 
2. Habitat
3. Caractères bactériologiques
4. Facteurs de pathogénicité
4.1. Produits extracellulaire
4.2. Adhérence et hydrophobicité
4.3. Lipopolysaccharide
5. Epidémiologie
6. Infections nosocomiales liées à S. marcescens
7. Résistance de Serratia marcescens aux antibiotiques
7.1. Résistance naturelle
7.2. Résistance acquise
8. Mode d’action des antibiotiques
8.1. Mode d’action des β-lactamines
8.2. Mode d’action des aminosides
8.3. Mode d’action des quinolones
9. Mécanismes de résistance aux antibiotiques
9.1. Mécanisme de résistance enzymatique inactivant les antibiotiques
9.2. Altération de la perméabilité de la membrane externe
9.3. Modification de la cible
10. Support génétiques et éléments mobiles de la résistance aux antibiotiques
11. Méthode de typage des S. marcescens
Partie II: Matériel et méthodes
1. Isolement des souches bactériennes
2. Identification des souches étudiées
2.1. Système API20E
2.2. Spectrométrie de masse MALDI-TOF (Microflex)
3. Détermination de la sensibilité aux antibiotiques
3.1. Technique de diffusion sur milieu gélosé
3.2. Détermination de la concentration minimale inhibitrice (CMI) par E-test
4. Recherche phénotypique de la production des BLSE
4.1. Milieu chromogène ESBL (Biomerieux)
4.2. Test de synergie
5. Recherche moléculaire des gènes de résistance
5.1. Extraction de l’ADN bactérien
5.2. Polymerase Chain Reaction (PCR) standard
6. Analyse des produits de l’amplification
6.1. Electrophorèse sur gel d’agarose
7. Séquençage
8. Analyse des séquences d’ADN
9. Expérience de la conjugaison et le transfert de la résistance
10. Extraction et analyse du plasmide
10.1. Détermination du groupe d’incompatibilité des plasmides
11. Arbre phylogénétique
Partie III: Résultats et discussion
Résultats
1. Isolement des souches bactériennes
1.2. Répartition des souches selon la pigmentation
2. Identification des souches isolées
2.1. Identification par API20E
2.2. Identification par MALDI-TOF MS
2.3. Répartition des souches selon le sexe
2.4. Répartition des patients selon l’âge
2.5. Répartition selon la nature de prélèvement
2.6. Répartition selon le service
3. Etude de la sensibilité aux antibiotiques
3.1. Etude de la sensibilité aux antibiotiques par diffusion sur gélose
3.2. Détermination des concentrations minimales inhibitrices (CMI)
4. Phénotype de résistance de aux antibiotiques de S. marcescens
4.1. Recherche phénotypique des BLSE
4.2. Phénotype de résistance aux aminosides
4.3. Phénotype de résistance aux quinolones
4.4. Phénotype de la co-résistance des S. marcescens aux antibiotiques
5. Recherche moléculaire de la résistance aux β-lactamines 
5.1. Profil moléculaire des gènes codant pour les β-lactamases
6. Recherche moléculaire de la résistance aux aminosides
6.1. Enzymes modificatrices des aminosides
6.2. 16S ARNr methyltransphérases
7. Recherche moléculaire de la résistance aux quinolones
8. Recherche moléculaire de la co-résistance aux antibiotiques
9. Conjugaison bactérienne des souches de S. marcescens
10. Analyse du plasmide
11. Détermination des groupes d’incompatibilité des plasmides
12. Génotypage
Discussion
Partie IV: Conclusion et perspectives
Références bibliographiques

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