Étude du comportement post-coulée de réfractaires électrofondus à Très Haute Teneure en Zircone (THTZ)
Modèles numériques de plasticité de transformation
Dans ce paragraphe, nous allons nous intéresser aux travaux réalisés sur la plasticité de transformation induite par la transformation martensitique des aciers. Dans ses travaux de thèse, N. T. TRINH (TRI 08) a fait un travail de synthèse des modèles numériques de plasticité de transformation dans les aciers.
Mécanismes
Le phénomène de plasticité de transformation est généralement expliqué par deux mécanismes : le mécanisme de Greenwood-Johnson (GRE 65) et le mécanisme de Magee (MAG 66). • Mécanisme de Greenwood-Johnson. Lors d’une transformation de phase, les deux phases en présence (phase mère et phase fille) n’ont pas la même compacité. Cette différence de compacité entre les deux phases engendre, dans la phase ayant la limite d’élasticité la plus faible, des déformations plastiques à l’échelle microscopique. Sans influence d’une contrainte extérieure, cette déformation plastique va s’orienter de façon aléatoire et ne laisser apparaître, à l’échelle macroscopique, que la déformation isotrope induite par le changement de volume. En revanche, si une contrainte extérieure est appliquée au cours de la transformation de phase, la déformation plastique sera alors orientée, entraînant ainsi à l’échelle macroscopique une déformation plastique irréversible. • Mécanisme de Magee. Le mécanisme de Magee est, quant à lui, décrit dans le cas de la transformation martensitique. Les plaquettes formées au cours de la transformation vont s’orienter sous l’effet d’une contrainte externe. De ce fait, la variation de volume qui résulte de la transformation martensitique ne sera pas isotrope et entraînera une déformation irréversible à l’échelle macroscopique. La prépondérance de l’un ou l’autre des deux mécanismes dépend du type de transformation considéré. Il est d’usage de prendre en compte le mécanisme de GreenwoodJohnson dans le cas de transformation par diffusion, et de prendre en compte celui de Magee dans le cas de la transformation martensitique. Dans le cas des matériaux THTZ, la transformation de phase s’apparentant à une transformation martensitique, on devrait donc plutôt considérer l’effet Magee. La modélisation des effets mécaniques des transformations martensitiques est encore un sujet ouvert. La majorité des travaux réalisés sur des aciers et sur la transformation martensitique ne prennent en compte que l’effet Greenwood-Johnson et négligent l’effet Magee. Par exemple, ne considérer que l’effet Greenwood-Johnson peut conduire à une modélisation satisfaisante d’un acier 16MND5 (TAL 01). La figure 1-29 représente la comparaison entre les résultats expérimentaux et un modèle de simulation numérique de type Leblond (LEB 89I, LEB 89II). Figure 1-29 : plasticité de transformation en fonction de la température, comparaison entre simulation numérique (modèle où l’effet Magee est négligé) et résultats expérimentaux (TAL 01) Dans le cas de la transformation martensitique, ces travaux démontrent que la description de la plasticité de transformation par le seul effet Greenwood-Johnson peut être réaliste, dans le cas où la contrainte appliquée est dite faible, c’est-à-dire très inférieure à la limite d’élasticité de la phase la plus faible en présence pendant la transformation. Nous allons donc nous intéresser par la suite plus spécialement à ce type de modèles.
Modèle de Leblond
Dans la littérature, la déformation totale ε d’un matériau est communément décomposée en plusieurs termes : cp cp tp T e d ε ε ε ε ε ε σ = + + + + 1.45 Avec ε e la déformation élastique, ε d la déformation due à la dilatation thermique, εT cp et εσ cp les déformations dues à la plasticité pure dépendante de la température (T) et de la contrainte (σ), ε tp le terme de déformation plastique de transformation. Le fait de se placer dans le cas de contraintes faibles a pour conséquence de minimiser les termes de déformation dus à la plasticité pure devant celui dû à la plasticité de transformation. Dans les modèles prenant en compte uniquement l’effet Greenwood-Johnson, les termes εT cp T et εσ cp σ sont négligés et la déformation totale s’écrit : e d tp ε = ε + ε + ε 1.46 Le modèle de Leblond (LEB 89I, LEB 89II) définit la vitesse de plasticité de transformation comme une fonction dépendante de la proportion de phase transformée (ϕ(z) ) et de la contrainte appliquée (S étant la partie déviatorique du tenseur des contraintes) : K z z S tp 2 3 * (‘ ) * * • • ε = ϕ 1.47 K est alors un paramètre de plasticité de transformation à définir, constant, homogène à l’inverse d’une contrainte. La fonction ) ϕ(z est normalisée en z avec φ(0)=0 et φ(1)=1. Différentes études conduisent à des valeurs de K et ) ϕ(z différentes. Dans le cas du modèle de Leblond (LEB 89), lorsque les contraintes appliquées sont faibles, l’auteur propose : ϕ(z) = z 1( − ln z) et 1 12 2 y th K σ ∆ε = avec th 12 ∆ε la différence de compacité entre les deux phases. J. C. Videau (VID 96) a étudié expérimentalement la variation du taux de transformation et a proposé deux fonctions qu’il a comparées aux résultats expérimentaux : φ(z) = z(1-ln(z)) et φ(z) = z(2-z). Les résultats sont présentés sur la figure 1- 30 pour trois charges appliquées différentes : Figure 1-30 : comparaison simulation – expérience de l’évolution de phase transformée en fonction de la contrainte appliquée (VID 96) Une des particularités du modèle de Leblond est de faire intervenir cette plasticité de transformation uniquement au moment de la transformation de phase. Ce modèle a ensuite été amélioré (LEB 89) par la prise en compte de nouvelles hypothèses. Des écrouissages isotropes, puis cinématiques, peuvent par exemple être pris en compte. Le mécanisme de Magee peut aussi être rajouté au modèle de Leblond, comme dans le cas du modèle de Fischer (FIS 00). 1.2.3.3 Modèle de Videau Videau et al. (VID 94) se sont aussi intéressés à la modélisation mécanique multiaxiale de la plasticité induite par la transformation. Dans cette étude, les auteurs décrivent une formulation viscoplastique. Ils admettent une additivité du mode de déformation par plasticité de transformation par le mécanisme de Greenwood-Johnson et de la déformation viscoplastique « classique ». La déformation inélastique du matériau s’écrit alors : ine vp pt ε = ε + ε 1.48 On définit alors deux domaines d’élasticité avec deux fonctions de charges indépendantes, une pour la viscoplasticité classique et l’autre pour la plasticité de CHAPITRE 1 : Etude bibliographique 48 transformation. Un terme d’écrouissage cinématique X et un terme d’écrouissage isotrope R sont ajoutés au modèle. Les fonctions de charge du domaine de viscoplasticité classique ( vp f ) et de plasticité de transformation pt f sont définies de la façon suivante : pt pt pt vp vp vp d vp f X R f X R = − − = − ( ) _ φ σ σ 1.49 Classiquement les lois d’écoulement vont s’écrire à l’aide des lois de normalité : pt pt vp vp p n n • • • • = = ε ε ν 1.50 avec vp n et pt n les directions d’écoulement. σ σ ∂ ∂ = ∂ ∂ = pt pt vp vp f n f n 1.51 Les équations du modèle s’écrivent : pt pt n vp vp p K f K f = = • • ν 1.52 Les paramètres n, Kvp et Kpt sont à déterminer par méthode inverse, d’après des essais menés sur le matériau de l’étude. En ce qui concerne l’écrouissage, le couplage des variables cinématiques et isotropes mène à la définition d’une matrice d’écrouissage : = pt vp pt vp pt vp C C C C X X α α et = pt vp pt vp vp pt vp r r q q R q q R R 0 0 1.53 Avec les évolutions des variables d’écrouissage : ( ) ( ) pt pt pt pt vp vp vp vp p n d X n d X = − = − • • • • α α ν et 1( ) 1( ( )) 0 pt pt pt vp vp vp vp r p b R r b R R = − = − − • • • • ν 1.54 où C, Cvp, Cpt,dvp,dpt,bvp et bpt sont des caractéristiques du matériau. CHAPITRE 1 : Etude bibliographique 49 Ce modèle a été implémenté dans le code de calcul ZéBuLon. La figure 1-31 représente les résultats fournis par le calcul pour la simulation d’une « trempe à induction » d’une éprouvette entaillée axisymétrique en acier : Figure 1-31 : Evolution de la température et des contraintes résiduelles dans la section médiane (VID 94)
Résumé
Dans ce chapitre nous avons mené une étude bibliographique de la simulation numérique des procédés de fonderie. Nous avons vu que la simulation numérique est découplée en deux parties : -Une première partie thermique : celle-ci s’appuie sur un essai où le moule de coulée est instrumenté par des thermocouples qui permettent de suivre l’évolution de la température au cours du refroidissement en différents points de la structure de coulée. Grâce à ce suivi des températures, on peut définir un paramètre d’échange thermique de chaleur à l’interface matériau/moule, qui permet de construire le modèle numérique thermique et de reconstruire l’évolution de la température au sein du matériau, inaccessible dans notre cas en raison de la très haute température de coulée. -Une deuxième partie mécanique : celle-ci part des résultats thermiques qui en définissent le chargement. Il convient pour l’étude mécanique de définir les lois de comportement qui régissent le comportement mécanique du matériau en fonction de la température. Dans notre cas, nous avons mis l’accent sur la transformation de phase de la zircone et sur le phénomène de plasticité de transformation induit. Dans son étude sur les matériaux THTZ, L. Massard (MAS 05) a mis en évidence la déformation importante d’une éprouvette soumise à une contrainte de traction ou de compression, dans l’intervalle de température où la zircone subit son changement de phase de tétragonale à monoclinique. Par analogie avec le cas de la transformation martensitique des aciers, ce comportement est typique d’une plasticité de transformation : écoulement plastique anormal provoqué par l’application d’une contrainte au cours de sa transformation (VID 94). Ce comportement particulier est pris en compte par les modèles de simulation numérique grâce à l’introduction d’un terme de plasticité de transformation. Nous proposons un modèle simple inspiré du modèle proposé par Leblond (LEB 89I, LEB 89II).
INTRODUCTION GENERALE |