Facteurs du complément et microangiopathie thrombotique rénale

Facteurs du complément et microangiopathie thrombotique rénale : à propos de 57 observations

Le système du complément

Depuis la découverte qu’un déficit dans la régulation du complément était la principale cause de SHUa, de nombreuses questions ont été soulevées quant à la pathogénèse du système du complément dans le développement des MAT. Le système du complément est un système de protéines découvert pour la première fois en 1896 [7]. Il est composé de plus de trente protéines soit solubles, soit membranaires [8, 9]. L’activation du complément conduit à une cascade de réactions enzymatiques jouant un rôle dans l’immunité innée, mais constitue aussi un des principaux mécanismes effecteurs de la réponse spécifique impliquant les lymphocytes B et T, et le maintien de la « mémoire immunologique ». Ce système joue également un rôle dans l’inflammation, la réponse immune à des organismes infectieux (bactéries, virus, parasites), des dommages tissulaires de nature physique biochimique ou néoplasique, ainsi que toute surface considérée comme du « nonsoi » [4]. Cette activation du complément peut se dérouler selon trois voies distinctes [4] : – la voie classique, – la voie alterne, – la voie des lectines. Ces trois voies aboutissent à la voie commune pour former le complexe d’attaque membranaire (MAC). La voie classique est la voie majoritaire d’activation du complément. Cette voie est activée lors de la formation d’un complexe immun après fixation d’une immunoglobuline (Ig) à une surface pathogène ou une molécule du « non-soi ». L’activation de la voie est initiée par la fixation du C1q, associé à deux sérines estérases (C1r et C1s), à un de ses ligands, le plus souvent IgM, IgG1, mais aussi IgG2 et IgG3, présents dans les complexes immuns. Cette fixation entraine la formation du complexe C1qrs qui acquiert la capacité de cliver le C4 présent dans le plasma en un fragment de C4a libéré et un fragment majeur de C4b. Le composant C2 circulant dans le plasma peut alors s’associer au C4b et être à son tour clivé en un fragment C2b libéré dans la circulation et un fragment C2a qui reste associé à 12 C4b. Ainsi se forme le complexe C4b2a, appelé C3 convertase classique, ayant la capacité de cliver le C3 (protéine du complément la plus abondante dans le sang) en C3a et en C3b. Le C3a est relargué dans la circulation. La voie des lectines est activée par les structures carbohydrates des microorganismes. La protéine sérique de reconnaissance est la protéine MBL (Mannan Binding Protéine). Elle possède une grande analogie avec la C1q et est associée à des sérines estérases appelées MASP 1, 2 et 3 (Mannan-Associated Serine Protease). Une fois activées, les MASP acquièrent la capacité de cliver les protéines C4 et C2 et participent à la formation de C3 convertase, identique à celle formée à l’issue de l’activation par la voie classique. La voie alterne est activée par des substances d’origine bactérienne telles que le liposaccharide (LPS) des bactéries Gram positives, des virus ou des cellules infectées ou transformées. Cette voie aboutit à la formation de la C3 convertase alterne. La C3 convertase alterne consiste en l’association d’une molécule de C3 avec le Facteur B, qui sera clivée par une sérine protéase, le Facteur D, produisant des fragments Bb et Ba. Le fragment Bb reste associé au C3b, formant le complexe C3bBb ou C3 convertase de la voie alterne, capable de catalyser le clivage C3 en C3b. Ces trois voies convergent vers la voie finale commune. L’association des C3 convertases avec des molécules supplémentaires de C3b aboutit à la formation des complexes C4b2a3b et C3bBb3b. Ces complexes se lient à la protéine C5 permettant sa protéolyse et la formation d’une molécule de C5a et de C5b. Le C5b peut alors s’associer aux composants C6, C7, C8, C9, constituant le complexe d’attaque membranaire (MAC ou C5b9) capable d’induire une lyse osmotique de la cellule. De plus, les puissantes anaphylatoxines C3a et C5a libérées durant le processus sont capables de recruter des cellules inflammatoires sur le site de l’activation (figure 3) [10]. 13 Figure 3 : les trois différentes voies d’activation du complément [4]. Comme pour toute cascade d’activation, il existe de nombreuses protéines circulantes ou membranaires permettant de réguler les différentes voies d’activation et de protéger ainsi les tissus contre la lyse médiée par le complément [4]. L’un des moyens de régulation est de cliver les composants générés par l’activation du système du complément, sous une forme inactive. Le facteur I permet notamment, dans la voie classique, de cliver C3b et C4b en leur forme inactive (iC3b et iC4b). Le nouveau clivage du iC4b par le facteur I produit une molécule soluble de C4c ainsi qu’un C4d [11, 12]. Comme la production 14 de C4a et de C4b à partir du C4 résulte de l’activation de la voie classique, la génération de C4d est donc le témoin de l’activation de la voie classique. D’autres protéines de la régulation existent comme le facteur H qui contrôle l’initiation de la C3-convertase alterne, mais aussi la protéine DAF (Decay Accelarating Factor) qui est régulateur négatif des C3 et C5 convertase classique ou alterne, ou encore le CD59 et la protéine S qui contrôlent la formation du MAC. L’absence de contrôle de l’activation du complément peut conduire à une perturbation de l’endothélium, à l’activation plaquettaire, au recrutement de leucocytes, autant de facteurs contribuant à la formation du thrombus. Actuellement, le complément n’est plus considéré comme jouant seulement un rôle dans les mécanismes de défense. En plus de permettre la phagocytose par opsomisation de micro-organismes et de stimuler l’inflammation grâce à des médiateurs de l’inflammation, le système du complément est également composé de multiples protéines régulatrices et d’inhibiteurs qui permettent à l’organisme de réguler le lieu et l’activation du système, afin de préserver l’homéostasie [13]. Il joue un rôle dans la maturation des synapses, l’élimination des complexes immuns, l’angiogénèse, la mobilisation des cellules hématopoïétiques et des progéniteurs, la régénération des tissus, l’ischémie, ainsi que le métabolisme lipidique [14]. Le système du complément est donc un groupe de protéines dont la dérégulation de l’activation conduit à de nombreuses situations pathologiques, comme les maladies auto-immunes (par exemple le LED), le syndrome d’ischémiereperfusion, les chocs septiques, l’allergie ou les contextes de rejet de greffe, mais aussi les maladies liées à l’âge comme les pathologies neurodégénératives [4, 14].

Le C4d

 Physiopathologie du C4d Le C4d est un produit inactif de dégradation secondaire à l’activation du C4, sans fonction biologique connue, ni récepteur [10]. Bien que le C4d soit considéré comme une preuve de l’activation de la voie classique, il est important de noter que le C4d peut être également produit à partir de la voie des lectines [15-17]. Par conséquent, le C4d peut être produit sans fixation première d’un Ac (figure 4). Figure 4 : Place du C4d dans le système du complément [29]. Le C4b possède un thioester interne à la molécule lui donnant la possibilité de créer une liaison covalente avec un groupe hydrogène libre. Quand le C4d est libéré du C4b, la liaison covalente entre le C4d et le tissu reste intacte. Cette liaison covalente qui possède une demi-vie longue, permet donc au C4d de rester « ancré » au tissu, sur le lieu même de l’activation du complément .

Méthode de détection du C4d

Le C4d peut être facilement détecté en immunofluorescence indirecte (IFI), sur coupe congelée, ou bien sur tissu fixé en paraffine par étude immunohistochimique (IHC) [17]. – L’IFI sur matériel congelé, utilise un Ac monoclonal anti-C4d et une détection à l’aide de la fluorescéine isothiocyanate. – L’IHC sur tissu formolé et inclus en paraffine, utilise un Ac primaire polyclonal anti-C4d et une détection par immunoperoxydase. Il a été démontré que la technique par IFI est une technique plus sensible que l’IHC pour la détection du C4d [22-25]. L’interprétation du C4d en IHC est plus difficile et il existe des difficultés d’interprétation avec une plus grande variabilité inter-observateur. L’inclusion en paraffine réduirait en effet la sensibilité et l’intensité du marquage, nécessitant une grande prudence dans l’interprétation de l’IHC [22]. Le score d’évaluation du C4d proposé lors de la conférence de Banff en 2007, dans la cadre du rejet Ac-médié comporte quatre degrés d’évaluation du C4d (C4d0, C4d1+, C4d2+ et C4d3+) [26]. Cette classification a d’ailleurs été révisée en 2013 [21]. La positivité du C4d est définie par un score C4d2+ ou C4d3+ en IFI, ainsi qu’un score C4d1+, C4d2+ ou C4d3+ en IHC, en raison de la plus faible sensibilité du C4d sur coupe en paraffine [22]. Dans les reins normaux, il n’a jamais été retrouvé de dépôt sur les CPT [19, 27]. En revanche, en technique d’IFI, on retrouve de manière physiologique une fixation glomérulaire, de type mésangial (figure 6). Cette fixation n’est pas retrouvée en IHC. La fixation mésangiale est d’intensité faible et plutôt segmentaire [28] dans les reins normaux. 18 Ce marquage témoigne donc d’une activation physiologique du complément au niveau glomérulaire. Il existe également un marquage sur certaines parois artériolaires [23, 28]. Figure 6 : fixation glomérulaire segmentaire et focale et artériolaire de l’Ac antiC4d en IFI, dans le rein normal. En dehors de la pathologie de rejet humoral, le marquage du C4d a été étudié dans d’autres glomérulopathies natives. La présence de dépôts de C4d a notamment été rapportée au cours de glomérulopathies à dépôts d’IgA. Certaines études ont montré que la présence de dépôts glomérulaires de C4d au cours de glomérulopathies à dépôts mésangiaux d’IgA serait associée à une forme plus sévère de la maladie et à un pronostic défavorable [29]. 19 En revanche, toutes les études ont montré qu’il n’existait pas de marquage des CPT quelle que soit la pathologie rénale, ce marquage restant associé à la présence d’un rejet humoral chez le greffé rénal. La seule exception est la glomérulopathie lupique où un marquage granulaire des CPT a été décrit, de même que des dépôts glomérulaires de C4d [10, 30]. D- Le Complément et les Microangiopathies thrombotiques : Mécanismes physiopathologiques Les mécanismes exacts rattachant les voies du complément et certaines MAT sont encore inconnus. En ce qui concerne le SHU, il existe de nombreuses données et hypothèses dans la littérature. Les shigatoxines produites par Escherichia coli induisent une altération des cellules endothéliales mais aussi une activation de l’inflammation de même qu’une activation plaquettaire conduisant à des micro thromboses. Plusieurs études ont montré qu’il existait probablement une activation de la voie alterne du complément entrainant une formation de C5b9. Ces patients auraient de faibles taux sériques de C4 indiquant une consommation du C4 avec une augmentation du taux de C5b9 [31]. Il semble que les shigatoxines contribuent à l’activation du complément comme en témoigne la présence de dépôts de C3 au niveau des cellules endothéliales [32]. Le rôle des LPS semble également décisif dans l’activation de la voie alterne du complément. Différentes études ont montré que l’interaction LPS/shigatoxines est nécessaire pour l’activation du complément. Dans le SHUa, les mutations sont le plus souvent hétérozygotes et intéressent les gènes codant pour les protéines régulatrices de la voie alterne du complément (facteur H, facteur I, CD46). Ces protéines bloquent normalement l’activation de la voie alterne du complément à la surface des cellules endothéliales. En cas de déficit d’une de ces protéines régulatrices, l’activation de la voie alterne du complément est déficitaire conduisant à la lyse des cellules endothéliales par la formation du complexe d’attaque membranaire [4]. Les taux sériques de C3 sont diminués chez 20 certains patients, associés à des dépôts de C3 et de C5b9 sur les CG ainsi que sur les plaquettes [31]. L’enzyme ADAMTS13 impliquée dans le PTT et synthétisée par les cellules endothéliales, permet le clivage du vWf directement sur la cellule endothéliale. L’inhibition d’ADAMTS13 par les Ac provoque une accumulation de vWf non clivé, et donc une adhésion des plaquettes et la formation d’un thrombus (figure 7). Chez 48 à 90% des patients présentant des signes cliniques, on retrouve une diminution sévère de l’activité ADAMTS13. Les données de la littérature tendent à montrer qu’il existe une activation de la voie du complément [31]. Il a été montré des taux sériques bas de C3 chez les patients atteints, au cours de la phase aiguë. Une étude récente a montré des dépôts de C3d, C4d et C5b9 sur les capillaires de biopsies cutanées [33]. Cependant, le mécanisme exact d’activation de la voie du complément reste encore peu clair. 

Table des matières

I) INTRODUCTION
A- Les Microangiopathies Thrombotiques
1- Généralités, critères diagnostiques
2- Histologie rénale
B- Le système du complément
C- Le C4d
1- Physiopathologie du C4d
2- Méthode de détection du C4d
D- Le Complément et les Microangiopathies thrombotiques  Mécanismes physiopathologiques
E- Perspectives
II) BUT DE L’ETUDE
III) MATERIEL ET METHODE
A- Population étudiée
B- Evaluation histologique
C- Etude en immunofluorescence et en immunohistochimie
1- Etude en immunofluorescence du C4d, C5b9, C3, C4, C1q
2- Etude immunohistochimique du C4d
D- Données cliniques et biologiques
E- Analyses statistiques
IV) RESULTATS
A- Données démographiques et paramètres cliniques des MAT
B- Analyse histopathologique des MAT
C- Analyse des MAT en immunofluorescence
1- Prévalence et localisation du C4d
2- Prévalence et localisation du C5b9
3- Prévalence et localisation du C3, C4 et C1q
D- Analyse des MAT en immunohistochimie paraffinée
E- Comparaison des groupes en fonction de l’aspect de la fixation de l’Ac anti-C4d : C4d+ et C4d-
1- Critères clinico-biologiques en fonction de l’aspect de fixation de l’Ac anti-C4d
2- Critères histologiques en fonction de l’aspect de fixation de l’Ac anti-C4d
3- Aspect de fixation de l’Ac anti-C4d et de l’Ac anti-C5b9 en fonction de l’étiologie de la MAT
4- Comparaison du marquage glomérulaire par l’Ac anti-C4d en IHC versus IF
V) DISCUSSION
A- Limites de notre étude et difficultés rencontrées
1- Limites méthodologiques
2- Limites liées aux effectifs
3- Difficultés d’interprétation du C4d
B- Analyse de la fixation de l’Ac anti-C4d et données de l’histologie
C- Etude du marquage de l’Ac anti-C4d dans les MAT et données de la littérature
1- Fixation de l’Ac anti-C4d au cours du SHUa
2- Fixation de l’Ac anti-C4d au cours des cancers traités ou non
3- Fixation de l’Ac anti-C4d au cours de l’HTA maligne
D- Les voies d’activation du complément au cours des MAT
E- Intérêt du C4d : de la physiopathologie aux thérapeutiques ciblées
F- C3 et C4 sériques versus IHC et IF
G- Hypothèses physiopathologiques C4d, MAT et coagulation
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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