L’INDUSTRIE DE TRANSFORMATON DES FRUITS PAR EXTRACTION DES COMPOSES BIOACTIFS
TRAITEMENT DU MATERIEL VEGETAL
La préparation du matériel végétal présente une importance majeure pour la récupération, l’analyse et la purification des composés bioactifs qu’il contient. Vu la grande variété de composés bioactifs se trouvant autant dans les fruits que dans les résidus issus de leurs valorisation, un prétraitement adapté à leurs différentes caractéristiques (concentration, solubilisation, complexité de la matrice etc.) doit être choisi. Le plus souvent le prétraitement du matériel végétal a, avant tout, comme but, de préserver et conserver les échantillons. Plusieurs techniques consistent à réduire l’eau contenue dans le végétal afin d’inhiber le développement des microorganismes et de limiter les activités enzymatiques. Ainsi, nous pouvons citer le changement de l’état de l’eau présente (congélation) ou la diminution de la quantité d’eau à chaud (déshydratation) ou à froid (lyophilisation). II. 2. 1. Congélation La congélation est la technique la plus couramment utilisée pour la préservation du matériel végétal. Elle consiste à abaisser la température de ce matériel et de la maintenir en dessous de la température de fusion de la glace afin de supprimer l’activité des microorganismes. Figure II.6. Les étapes de congélation d’un produit végétal [38] La variation de température à l’intérieur du produit est un indicateur pour la finalisation du processus (Figure II.6). Au début (AS) le produit est refroidi en dessous de son point de congélation (θc). Au moment de l’apparition des cristaux la température augmente rapidement jusqu’au point de congélation du produit (SB). La chaleur latente est libérée et le point de congélation descend (BC) à cause de l’augmentation de la concentration des solutés dans le liquide non congelé qui conduit à une légère baisse de la température du produit. Les solutés sursaturés commencent à cristalliser en libérant la chaleur latente de cristallisation, la température du produit augmente jusqu’à la température eutectique des solutés (CD) et ensuite elle diminue pendant que la cristallisation de l’eau et des solutés continue (DE) jusqu’à atteindre la température θa du congélateur (EF). La durée totale nécessaire (τc) pour la congélation et pour la libération de la chaleur est connue comme plateau de congélation. En fonction de la nature du matériel végétal, de sa composition et de la température de stockage une proportion variable d’eau contenue dans le matériel végétal reste toujours non congelée [38]. Valorisation des fruits et des sous-produits de l’industrie de transformation des fruits par extraction des composés bioactifs Références bibliographiques : p. 118-125 92 Le processus de congélation doit être mené de telle façon que le produit traverse le plus rapidement possible la phase de cristallisation maximale de l’eau (comprise entre -1 et -5°C). 60 – 75% de l’eau du produit se solidifie lors de cette phase. Le processus de refroidissement doit continuer jusqu’à une température finale de -18…-25°C capable d’assurer la congélation de 90 – 95% de l’eau [38]. En effet, deux types de congélation peuvent être réalisés : soit une congélation lente, soit une congélation rapide. Dans le cas de la congélation lente la cristallisation intercellulaire est prédominante ; les cristaux de glace ont des dimensions importantes et des formes irrégulières ce qui conduit à l’apparition de tensions locales responsables des modifications de la structure des tissus par déformations et perforations des parois cellulaires. A cause de la différence de pression osmotique créée, l’eau et les solutés concentrés à l’intérieur des cellules migrent vers l’extérieur dans l’espace intercellulaire. L’effet de plasmolyse a comme résultat la déshydratation des cellules d’un côté et l’accumulation de la glace dans les espaces intercellulaires d’un autre côté. Lors de la congélation rapide la cristallisation de l’eau a lieu au niveau intracellulaire ce qui assure la formation d’un réseau microcristallin uniforme, reparti dans les espaces intercellulaires et intracellulaires. Les tensions locales sont plus faibles, les différences de pression osmotique sont beaucoup moins importantes et les modifications structurales ont une influence réduite sur les tissus cellulaires [39]. Par conséquent, il est plus indiqué de congeler le matériel végétal en utilisant des vitesses de congélation importantes afin d’obtenir une cristallisation rapide de l’eau ce qui permet de mieux préserver et conserver le contenu en principes actifs.
Déshydratation
Lyophilisation
Utilisée pour la première fois en 1950, la lyophilisation comporte une étape de congélation du matériel végétal et une étape de sublimation de l’eau. Pour le bon déroulement du processus de lyophilisation le matériel végétal congelé est placé dans une enceinte étanche afin d’assurer (sous un apport contrôlé de chaleur et à une pression assez basse) une vitesse élevée d’élimination de la vapeur d’eau. La vitesse de déroulement du séchage et par conséquent, le rendement et la rentabilité du processus, dépendent de la vitesse avec laquelle la chaleur pénètre le produit et de la mesure avec laquelle l’humidité peut être éliminée du produit exclusivement par sublimation. La chaleur en excès peut déterminer la fonte partielle ou totale de la glace et entraîner ainsi la cuisson sous vide. Le processus de lyophilisation implique divers phénomènes complexes et inter conditionnés tels que la transformation de phase (solide – vapeur), la migration de la vapeur du produit vers l’extérieur, les transferts de chaleur. Une fois que le front de sublimation migre vers l’intérieur du produit, la longueur du trajet qui doit être parcouru par la vapeur d’eau augmente, une partie de ce trajet se réalisant à travers les pores de petite dimension du produit. A la fin de la période de sublimation, le produit contient encore 10 – 30 % d’eau à l’état liquide. Le séchage continue afin de réduire l’humidité résiduelle jusqu’à une valeur maximale admissible dépendant de la composition chimique du produit. Ce paramètre doit être déterminé en fonction du matériel végétal sachant que certains composés peuvent être plus stables dans un milieu aqueux. II. Matériels et méthodes utilisés pour l’extraction des composés bioactifs Références bibliographiques : p. 118-125 93 L’apport de chaleur pendant la dernière étape du processus de séchage conduit au chauffage du produit et à l’augmentation de sa température au-delà du point de congélation. Afin d’éviter les possibles dégradations physiques (carbonisation, caramélisation) ou chimiques (pertes de vitamines, la précipitation de protéines) il est nécessaire de réduire à la fois l’apport de chaleur et la température de la source de chauffage
Zéodratation
La zéodratation est une technique de déshydratation mise au point dans les années 1990. Cette technique permet de s’affranchir de l’opération de refroidissement associée à la lyophilisation (fortement consommatrice d’énergie) en utilisant des zéolites. Le terme « zéolite » (ou zéolithe) (Figure II.7) vient du grec et signifie « pierre qui bout ». Les zéolithes sont des aluminosilicates fréquemment présents dans la nature sous différentes formes cristallographiques. Ils possèdent des structures tridimensionnelles formées par l’arrangement de tétraèdres SiO4 4− et AlO4 5− liés par des atomes d’oxygène pontants [41]. À l’état naturel, environ 40 types de zéolites sont répertoriés dont la formation est due à des altérations alcalines de matériaux réactifs, en général d’origine volcanique (tuff, verres, argiles). A partir de 1940 plus de 120 types de zéolites différents ont été synthétisés en laboratoire. Une des caractéristiques principales de ces solides réside dans le développement de pores de taille régulière dans le domaine microporeux (< 2 nm), contenant de l’eau adsorbée ainsi que des cations compensateurs. L’eau est facilement perdue par chauffage et ré-adsorbée par mise en contact avec une atmosphère humide. Les cations compensateurs ont pour origine la présence de charges électriques dans le réseau cristallin ; ces charges proviennent de la substitution d’une partie du silicium (4+) par de l’aluminium (3+) sans qu’il soit possible, pour des raisons de répulsion électrostatique Figure II.7. Zéolithes de type X (règle de Loewenstein1 ), d’obtenir un rapport Si/Al inférieur à 1. Ces cations possèdent un degré de mobilité important qui donne naissance à des propriétés d’échange en phase liquide. Ayant une faible densité, les zéolites se caractérisent par une stabilité cristalline à l’état déshydraté. Ils détiennent des propriétés catalytiques et présentent une capacité d’adsorption de gaz et de vapeurs [41]. Associée aux techniques de déshydratation par le froid, au même titre que la lyophilisation, la zéodratation est basée sur l’utilisation couplée de l’évaporation sous vide (avec apport modéré d’énergie thermique) avec l’utilisation de zéolithes dont les pores de petite taille, adsorbent la vapeur d’eau émise par le produit lors de l’évaporation ou de la sublimation. Par conséquent, contrairement à la lyophilisation, la zéodratation ne nécessite pas de système de réfrigération pour capter la vapeur d’eau émise par le produit, puisque les vapeurs d’eau sont captées par les zéolithes. 1 Règle de Lowenstein : deux atomes d’aluminium ne peuvent pas être connectés par un atome d’oxygène Valorisation des fruits et des sous-produits de l’industrie de transformation des fruits par extraction des composés bioactifs Références bibliographiques : p. 118-125 94 Un cycle de zéodratation comporte généralement 2 phases (Figure II.8): 1. L’adsorption dont le mécanisme repose sur la surface fortement polaire des pores des zéolithes (les liaisons sont par conséquent de très faible énergie). Ainsi le produit à déshydrater est placé sur des plateaux dans une enceinte (cuve, baratte, tunnel), de manière à obtenir le rapport surface/volume le plus important possible, afin de réduire les gradients d’humidité dans la masse du produit. Ensuite les plateaux sont placés sur les radiants qui apportent l’énergie nécessaire à l’évaporation ou à la sublimation et l’enceinte est mise sous vide pouvant atteindre des pressions inférieures à 100 Pa. Une fois que l’humidité résiduelle souhaitée est atteinte, la déshydratation est terminée. Le vide est alors réduit et le produit est retiré de l’enceinte. 2. La régénération de la zéolithe, lors de laquelle celle-ci est chauffée à température élevée (250 à 300°C) permet la désorption des molécules d’eau adsorbées sur les zéolithes par changement d’état (passage à l’état gaz). Cette vapeur d’eau est ensuite condensée par refroidissement puis évacuée. La capacité de désorption des zéolithes influe sur le nombre de répétitions de cycles de déshydratation [42]. Figure II.8. Etapes du processus de zéodratation [42] 1. l’adsorption de l’eau ; 2. La régénération de zéolithes La société française ZéoDry+Plus [43] indique les avantages de la zéodratation en marquant plusieurs aspects. Ainsi, d’un point de vue qualitatif, cette technique est capable d’assurer la préservation de la structure, des couleurs, des arômes et des principes actifs du produit. Economiquement, elle nécessite une consommation d’énergie inférieure à celle des autres procédés de séchage. La rapidité du cycle de séchage (environ 12 heures) contribue au retour sur investissement sur une courte période. L’absence de fluides frigorigènes (fréon ou CFC) et les rejets limités à la vapeur d’eau font que ce procédé est considéré écologique et son utilisation appropriée dans le cadre du développement durable.
INTRODUCTION GENERALE |
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