Recherche de déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase dans la prévention des toxicités sévères sous fluoropyrimidines
Absence d’adaptation de dose en cas d’uracilémie inférieure à 16 ng/mL
Une réduction de dose au premier cycle a été effectuée pour 4 patients ayant une uracilémie inférieure à 16 ng/mL. Mme B., 67 ans, traitée par capécitabine pour un cancer du sein, a bénéficié d’une réduction de dose de 20% lors du premier cycle pour une uracilémie à 15.2ng/mL (« Uracilémie à 15.2ng/mL < 16 mais à risque de déficit en DPD ainsi un ajustement posologique sera réalisé pour vérifier la bonne tolérance initiale »). Le premier cycle a été très bien toléré, les cycles suivants ont donc été administrés pleine dose. Mr F., 58 ans, a été traité par 5-FU, épirubicine et cisplatine pour un adénocarcinome du sinus ethmoïdal. Devant des nausées et vomissements de grade 3 après le premier cycle reçu sans 5- FU (uracilémie non disponible) et une uracilémie à 14.8 ng/mL, il a reçu le 5-FU avec 50% de réduction de dose à partir du deuxième cycle. Suite à ce cycle, il a présenté des nausées de grade 2. Le traitement a ensuite été arrêté pour progression. Mr V., 72 ans, a reçu un traitement par FOLFOX pour un adénocarcinome du rectum. Son uracilémie était de 15.7 ng/mL, le premier cycle a été administré avec une réduction de dose de 30% sur le 5-FU. Le patient a reçu au total 12 cycles, toujours avec 30% de réduction de dose 60 sur le 5-FU malgré la bonne tolérance (diarrhées de grade 1 après C3 et C7, aucun effet indésirable de grade supérieur ou égal à 2). Mr L., 72 ans, a débuté un traitement par FOLFOX dans le cadre d’un adénocarcinome colique métastatique au niveau hépatique. L’évaluation onco-gériatrique a conclu à un patient fragile (patient aveugle, dépendant pour les actes de la vie quotidienne, institutionnalisé en EHPAD) sans toutefois présenter de critères faisant opter pour une monothérapie par 5-FU tels que la dénutrition ou les troubles cognitifs avérés. Devant ces arguments, et une uracilémie à 13,8 ng/mL, le traitement a été débuté avec 20% de réduction de dose sur le 5-FU (« au regard du contexte, à augmenter si bonne tolérance » selon le dossier patient informatisé). Cette prescription a été effectuée par un médecin sénior d’hôpital de jour. Le patient a ensuite reçu 3 autres cycles, toujours avec 20% de réduction de dose sur le 5-FU (2e cycle prescrit par un interne, 3e et 4e cycles prescrits par un médecin sénior). Le patient a présenté une bonne tolérance de ces 4 cycles, en dehors d’une neuropathie de grade 1. Puis, devant une progression pulmonaire et péritonéale, une prise en charge symptomatique exclusive a été validée en RCP. 6 – Dosages multiples de l’uracilémie chez un même patient L’uracilémie a été dosée au moins deux fois chez 47 patients (3 patients ont bénéficié de 3 dosages de l’uracilémie). L’indication du double dosage est le plus souvent non documentée, en dehors de dosages réalisés chez des patients ayant présenté des toxicités en cours de traitement par fluoropyrimidines (6 patients) et de recontrôle de l’uracilémie devant un premier résultat supérieur à 16 ng/mL (2 patients).
Dosages avant traitement par fluoropyrimidines
Pour 36 patients, au moins deux dosages ont été réalisés avant qu’un traitement par fluoropyrimidines ait été mis en place. Le plus petit délai entre deux dosages chez un même patient est de 2 jours, et le plus long de 527 jours ; le délai moyen est de 111 jours. L’écart moyen entre deux dosages réalisés chez un même patient est de 4 ng/mL ; le plus petit écart est de 0 et le plus grand de 25,9 ng/mL. Pour 4 patients, l’un des deux dosages se trouve sous le seuil des 16 ng/mL, et l’autre au-dessus. Les valeurs des dosages, ainsi que les délais entre deux dosages chez un même patient sont disponibles en annexe 2. 61 Figure 30 : Valeurs des uracilémies dosées chez un même patient avant traitement par fluoropyrimidines *Le patient 21’ a également bénéficié d’un 3e dosage de l’uracilémie avant traitement par fluoropyrimidines d’une valeur de 12,6ng/mL. • Patients ayant eu un dosage supérieur ou égal à 16 ng/mL et un dosage inférieur à 16 ng/mL Un traitement par capécitabine a été validé en RCP pour Mme H., 39 ans, atteinte d’un cancer du sein métastatique au niveau hépatique et osseux. Une uracilémie avait été dosée 6 mois auparavant à 25,7 ng/mL. Un phénotypage et un génotypage ont été demandés pour confirmer le déficit en DPD. Le deuxième dosage de l’uracilémie était de 7 ng/mL. Le génotype était DPYD*1/DPYD*1, ce qui indique que la patiente est à risque de développer des toxicités sous fluoropyrimidines. La patiente est décédée avant le début du traitement par capécitabine. Elle avait reçu 2016 un traitement par 5-FU, épirubicine et cyclophosphamide qui avait été bien toléré. Mme M, 60 ans (patiente 29), a reçu un traitement par capécitabine dans le cadre d’un cancer du sein. Une première uracilémie a été dosée à 24,2 ng/mL, un an avant la mise en place du traitement, puis une seconde uracilémie à 15,9 ng/mL trois semaines avant le début de traitement par capécitabine. Le traitement a été débuté avec une réduction de dose de 50%, la tolérance du traitement a été satisfaisante (absence de diarrhées, de syndrome main-pied). Lors de la consultation avec l’oncologue référent suivant le premier cycle, il était mentionné « poursuite à la même dose car uracilémie élevée et patiente fragile », mais la posologie a été diminuée, avec une reprise du traitement avec 70% de réduction de dose. La tolérance du second cycle a été « médiocre » selon le dossier patient informatisé, avec des nausées, et une perte de poids de 2 kg. La même dose a été poursuivie pour les cycles suivants, avec une administration du traitement 10 jours sur 20 à partir du 5e cycle. 62 Une première uracilémie a été dosée à 6,3 ng/mL chez Mme V. en février 2019 car un traitement par capécitabine avait été envisagé. La progression n’a finalement pas été confirmée, la patiente a poursuivi son traitement par palbociclib. Une deuxième uracilémie a été prélevée en janvier 2021 (22,1 ng/mL) car un traitement par capécitabine était à nouveau envisagé ; un traitement par éribuline a été validé en RCP, indépendamment de la valeur de l’uracilémie. Le compterendu de laboratoire mentionnait « vérifier les conditions pré-analytiques ». Un traitement par capécitabine a été envisagé chez Mme V, 69 ans, dans le cadre d’un cancer du sein métastatique : une première uracilémie a été dosée à 7,3 ng/mL. Le traitement n’a finalement pas été mis en place. Une seconde uracilémie a été dosée à 33,2 ng/mL six mois tard alors qu’un traitement par capécitabine avait été validé. La patiente est décédée avant la mise en place du traitement. 6.2 – Second dosage après traitement par fluoropyrimidines Un second dosage a été réalisé après un traitement par fluoropyrimidines pour 11 patients (Patient A à Patient K) : il s’agissait d’un contrôle après toxicité sévère sous fluoropyrimidines pour 6 patients et la raison du second dosage n’était pas tracée pour 5 autres patients. Le délai entre la dernière administration de fluoropyrimidine et la mesure de l’uracilémie est croissant des patients A à H (patients traités par capécitabine) et I à K (patients traités par 5-FU). Les valeurs des uracilémies sont disponibles en annexe 3. Figure 31 : Variations entre l’uracilémie pré-thérapeutique et l’uracilémie après administration de fluoropyrimidines chez 11 patients 63 Patient Délai entre la mesure de l’uracilémie et la dernière administration de fluoropyrimidine (jours) Patient A 0 Patiente B 0 Patiente C 0* Patiente D 2** Patiente E 6 Patiente F 14 Patiente G 15 Patiente H 30 Patient I 9 Patient J 10 Patient K 19 Tableau 6 : Délais entre la dernière administration de la fluoropyrimidine et le dosage de l’uracilémie *La patiente C a bénéficié d’un 3e dosage de l’uracilémie à 31,2 ng/mL alors que le traitement par capécitabine était toujours en cours **Le patient D a bénéficié d’un 3e dosage de l’uracilémie à 19,4 ng/mL13 jours après la dernière prise de capécitabine • Second dosage réalisé en raison de toxicité sévère sous fluoropyrimidines Mr W., 75 ans, a été traité par capécitabine pour un cancer du sein métastatique. Son uracilémie pré-thérapeutique était de 6,6 ng/mL (cancer du sein métastatique). Le patient a présenté une toxicité cutanée sévère après le 6e cycle, un second dosage de l’uracilémie a donc été demandé. L’uracilémie a été dosée alors que le traitement par capécitabine était encore en cours ; elle était de 19,9 ng/mL. Le médecin a conclu à la mise en évidence d’un déficit partiel en DPD. Le traitement a été poursuivi avec une réduction de dose de 25% pendant un cycle, puis a été arrêté en raison de la progression isolée d’une adénopathie médiastino-hilaire (patient A). Avant de recevoir un traitement par capécitabine, une uracilémie a été dosée à 3,6 ng/mL chez Mme C., prise en charge pour un cancer du sein métastatique. Au cours du 2e cycle, la patiente a présenté des diarrhées et vomissements de grade 2, une cytolyse de grade 2 et un malaise hypotensif ayant entrainé un décalage de la reprise du traitement de 14 jours. Un contrôle de l’uracilémie a été réalisé alors que le traitement par capécitabine était encore en cours : 64 l’uracilémie était de 4 ng/mL. La patiente a poursuivi le traitement pendant un cycle avec une réduction de dose de 20%, puis, le traitement a été arrêté en raison de sa toxicité hépatique (patiente B). Mme B., 65 ans, a reçu un traitement par capécitabine dans le cadre d’un cancer du sein. Le traitement a été débuté à posologie réduite (1000 mg/m2 ) devant une persistance de la neuropathie périphérique et de l’atteinte des phanères des chimiothérapies précédentes. L’uracilémie pré-thérapeutique était de 13,3 ng/mL. La capécitabine a dans un premier temps été bien tolérée : absence de troubles digestifs, syndrome main-pied de grade 1. L’état de la patiente s’est dégradé 7 mois plus tard, elle a présenté une altération de l’état général, des diarrhées et vomissements, ainsi que des chutes à répétition, ayant entrainé une hospitalisation. La capécitabine a alors été définitivement arrêtée. Une uracilémie a été dosée à 15,7 ng/mL, 2 jours après l’arrêt de la capécitabine. Un troisième dosage de l’uracilémie a été réalisé 13 jours après la dernière prise de capécitabine : il était de 19,4 ng/mL. Il a été conclu à une mauvaise tolérance de la chimiothérapie « très probablement par déficit en DPD ». Une prise en charge par éribuline a ensuite été validée en RCP (patiente D). Une première uracilémie a été dosée chez Mme T., 74 ans, car un traitement par capécitabine était envisagé. Elle était de 6,2 ng/mL. La patiente a finalement reçu dans un premier temps un traitement par paclitaxel hebdomadaire. Devant la progression, un traitement par capécitabine a été mis en place un an plus tard. Le premier cycle a été très mal toléré, avec des diarrhées ayant entraîné une perte de poids de 5kg et une insuffisance rénale aigue. La patiente a été hospitalisée. Une deuxième uracilémie a été demandée, 15 jours après la dernière prise de capécitabine ; elle était de 6,4 ng/mL (patiente G). En décembre 2020, Mme S. a débuté un traitement par capécitabine dans le cadre d’un carcinome mammaire en progression sous abémaciclib. Le premier dosage de l’uracilémie réalisé en pré-thérapeutique en août 2020 était de 11.6 ng/mL. Devant un syndrome main-pied persistant sous abemaciclib, la capécitabine a été débutée à la posologie de 1000mg/m² matin et soir. Après deux cycles, la patiente a présenté un syndrome main-pied de grade 3. L’uracilémie a de nouveau été dosée, à un mois de la dernière prise de capécitabine, à 8.8ng/mL (patiente H). Mr F., 59 ans, a été traité par FOLFIRI – bevacizumab dans le cadre d’un cancer colorectal métastatique. L’uracilémie pré-thérapeutique était de 9,5 ng/mL. Le patient avait déjà reçu un 65 traitement par 5-FU, 2 ans auparavant, qui avait été bien toléré. Le deuxième cycle a été mal toléré (diarrhées), le cycle suivant a donc été administré sans irinotécan, et avec une réduction de dose de 30% sur le 5-FU. Un génotypage et un phénotypage ont été demandés : l’uracilémie est revenue à 9,3 ng/mL (9 jours après le débranchement du dernier diffuseur) et le génotypage du gène DPYD était normal. Le traitement par FOLFIRI-bevacizumab a été poursuivi avec 50% de réduction de dose sur l’irinotécan et 30% sur le 5-FU (patient I). • Second dosage réalisé après traitement par fluoropyrimidines sans que la raison soit tracée Un premier dosage de l’uracilémie a été réalisé chez Mme T., en vue d’un traitement par capécitabine dans le cadre d’un cancer du sein ; la valeur de l’uracilémie était de 7,8 ng/mL. Un second dosage a été réalisé 13 jours plus tard, alors que le traitement n’était pas encore débuté : l’uracilémie était alors de 6,8 ng/mL. Après instauration du traitement, l’uracilémie a été dosée deux fois alors que l’administration de capécitabine était toujours en cours : le premier dosage était de 22,8 ng/mL et le second de 31,2 ng/mL. Les résultats élevés de l’uracilémie n’ont pas été pris en compte, le traitement a été poursuivi à la même dose (patiente C). L’uracilémie de Mme G. a été dosée en pré-thérapeutique à 5,1 ng/mL. Une seconde uracilémie a été dosée à 8,2 ng/mL, 6 jours après l’arrêt de la capécitabine au cours de son 3e cycle. La raison de ce second dosage n’est pas tracée dans le dossier ; la patiente n’a pas présenté de toxicité sévère (patiente E). Une radio-chimiothérapie par capécitabine a été débutée chez Mme D. en traitement adjuvant dans le cancer du rectum. L’uracilémie a été dosée à 22 ng/mL en pré-thérapeutique. Le traitement a été débuté 6 jours plus tard avec 25% de réduction de dose. La patiente a reçu 6 jours de traitement (arrêt pour infection à Covid-19). Une seconde uracilémie a été dosée 14 jours après l’arrêt de la capécitabine : elle était de 10,1 ng/mL (patiente F). Avant de débuter une radio-chimiothérapie par carboplatine et 5-FU, une uracilémie a été dosée à 9,7 ng/mL chez Mr R. Une seconde uracilémie a été dosée à 9,2 ng/mL, 10 jours après la dernière administration de 5-FU (1e cycle) (patient J). L’uracilémie de Mr L. a été dosée en pré-thérapeutique à 14,4 ng/mL. Le patient a ensuite reçu un traitement par FOLFIRINOX, sans réduction de dose sur le 5-FU, qui a été bien toléré. Une 66 seconde uracilémie a été dosée, 19 jours après le retrait du dernier diffuseur de 5-FU ; elle était de 22,8 ng/mL (patient K). 7 – Conformité des cinq critères La conformité des 5 critères aux recommandations de la HAS et de l’INCa a été évaluée chez les 1287 patients traités par fluoropyrimidines au Centre François Baclesse entre janvier 2019 et mai 2021, dont 33 étaient déficitaires partiels : – critère n°1 : réalisation d’un dosage de l’uracilémie avant instauration de fluoropyrimidines pour tout patient n’ayant pas été traité antérieurement par fluoropyrimidines – critère n°2 : adaptation de la dose de fluoropyrimidines au premier cycle en cas d’uracilémie supérieure ou égale à 16 ng/mL – critère n°3 : réévaluation de la dose de fluoropyrimidines à partir du deuxième cycle en cas d’uracilémie supérieure ou égale à 16 ng/mL – critère n°4 : absence d’adaptation de dose en cas d’uracilémie inférieure à 16 ng/mL – critère n°5 : réalisation d’un seul dosage de l’uracilémie..
INTRODUCTION |