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Détection des Rayons Cosmiques d’Ultra-Haute Énergie
Ce chapitre décrit le contexte dans lequel se place cette étude. Il montre l’enjeu que représente la maîtrise de la fluorescence en trois points :
– la physique des rayons cosmiques d’ultra-haute énergie, car les spécificités du spectre des rayons cosmiques soulèvent des questions fondamentales qui n’ont pas encore trouvé de réponse,
– les questions provoquées par leur détection : les particules originales interagissant dans l’atmosphère produisent des gerbes atmosphériques, est-il possible de détecter les par-ticules qui atteignent le sol et/ou les particules les plus nombreuses ?
– les incertitudes qui pèsent encore sur la méthode de détection la plus fiable.
Le spectre des rayons cosmiques
”Depuis une période très reculée de l’histoire du monde, des particules d’une énergie ex-traordinaire, d’un pouvoir de pénétration dépassant ce que l’on pouvait naguère imaginer, tombent sur notre terre. Elles nous parviennent à la façon d’une grêle, qui serait régulière, continue, d’un constance implacable, une grêle imperturbable, qui ne se soucie pas de l’heure, ni de la saison, ni de la position du soleil ou de la lune, ni même de celle de la voie lactée, une grêle qui enveloppe tout, qui traverse tout, qui traverse notre corps, depuis notre nais-sance, à la cadence de quelques millions de corpuscules par jour, sans faire grand dégât en général, mais provoquant, très rarement d’ailleurs, des phénomènes atomiques brusques et complexes.” [Leprince-Ringuet45]
La physique des rayons cosmiques est une discipline récente, puisque sa naissance est généralement acceptée comme étant la mesure du flux de particules ionisantes par Victor Hess, en 1912.
Parmi l’abondante littérature qui existe sur les rayons cosmiques ([Sokolsky04], [Gaisser90], [NaganoWatson00], [BoratavSigl04]…), Leprince-Ringuet, qui a eu la chance d’assister aux balbutiements de cette discipline, est un de ceux qui en parlent avec le plus d’émerveille-ment, sans imaginer encore la diversité et l’originalité du spectre en énergie de ces particules
cosmiques. Ce spectre est la porte d’entrée vers ce domaine et vers les nombreuses questions et polémiques qu’il suscite depuis ses balbutiements. Il est représenté sur la figure 1.1.
Fig. 1.1 – À gauche, le spectre des rayons cosmiques en fonction de leur énergie cinétique.
À droite, la partie des ultra-hautes énergies, multipliée par E 3 pour amplifier les variations du spectre. Le trait plein correspond à un calcul supposant une distribution uniforme des sources.
Les rayons cosmiques primaires sont principalement des noyaux. Le spectre est relative-ment bien représenté par une loi de puissance : dN/dE ∝ E −α, avec α ∼ 3, bien que les légères déviations à cette loi qu’on peut observer sur la figure 1.1 soient lourdes de sens.
Les résultats des expériences ballons ou satellites, capables de mesurer directement le flux de particules jusqu’à environ 1014 eV, indiquent que la grande majorité de ces rayons cosmiques sont des protons : 86 %. Le reste est partagé entre les noyaux (11 %, de l’hélium au fer), les électrons (2 %), et les photons.
Aux plus basses énergies (E ≤ 10 GeV, ou 1010 eV), les particules proviennent du système solaire. Leur flux est fortement corrélé au rythme des éruptions et du cycle solaire, et leur composition est en accord avec la composition chimique du système solaire.
Jusqu’à environ 1017 eV, les rayons cosmiques sont originaires de la galaxie. Ils ont ac-quis leur énergie après avoir été accélérés par des ondes de choc produites par les explosions de supernovae. La transition nommée « genou » (« Knee » sur la figure 1.1, à environ 1015 eV) marque un alourdissement du spectre : le champ magnétique galactique ne suffit plus à conte-nir les particules et elles s’échappent, les plus légères avant les plus lourdes. Une composante extra-galactique prend peu à peu le dessus, soit vers 1017 eV, soit à la « cheville », à 1018 eV. La transition vers des particules extra-galactiques n’est pas encore bien comprise.
La composition des rayons cosmiques demeure encore mystérieuse car il devient impos-sible de les détecter directement. Jusqu’à environ 1018 eV, les mécanismes d’accélération de type Fermi sont encore efficaces (explosions de supernovae, sursauts gamma, jets des radio-galaxie). En revanche, il est encore difficile de comprendre ceux qui permettent de produire des rayons cosmiques d’ultra-haute énergie (RCUHE), au-delà de 1018 eV.
« Bien des surprises nous sont encore réservées, car ce sont les très grandes énergies que l’on explore, et de nouveaux effets sont découverts chaque fois que l’on gravit un échelon. » [Leprince-Ringuet45]. Cette affirmation est toujours valable de nos jours, car les réponses ont engendré de nouvelles questions, vers des énergies de plus en plus élevées. Entre autres, la polémique autour des résultats à ultra-haute énergie (1020 eV) : la théorie de Greisen, Zatsepin et Kuzmin prévoit que les protons, qu’on suppose composer la majeure partie des RCUHE, interagissent avec le fonds diffus cosmologique ([Greisen64, ZatsepinKuzmin66]) et perdent environ 15 % de leur énergie à chaque interaction via la réaction
p + γ2.7K → N + π
Si tel est le cas, alors les RCUHE de plus de 1020 eV ne peuvent pas venir de plus de de 50 Mpc. Or, notre proche voisinage galactique ne contient aucun objet astrophysique connu suffisamment violent pour produire des particules de telles énergies.
Depuis les expériences de Leprince-Ringuet, de nombreuses expériences ont mesuré le flux de rayons cosmiques précisément jusqu’à la cheville. (Volcano Ranch, Yakutsk, AGASA, HiRes…). A partir de 1020 eV, il n’arrive plus qu’environ 1 particule par km2 et par siècle. L’obtention d’une statistique suffisante pour être en mesure de conclure quant à l’existence de la coupure GZK réclame donc une observation de longue durée sur des superficies de plusieurs centaines de km2.
Deux expériences récentes ont voulu donner une réponse finale à cette question, HiRes et AGASA. Leurs méthodes de détection, conceptuellement différentes, sont détaillées dans la partie suivante. Leurs conclusions, qui ne sont pas en accord, sont représentées sur le graphe de droite de la figure et ont suscité une polémique et un défi expérimental. Il faut cepen-dant noter qu’AGASA détecte les électrons en plus des muons, ce qui peut provoquer une sur-estimation de l’énergie de la particule primaire. Bahcall et Waxman ([BahcallWaxman03]) ont également émis l’hypothèse qu’une différence de calibration entre les deux expériences pourrait être à l’origine d’un désaccord apparent.
Des rayons cosmiques d’énergie supérieure à 1020 eV ont bel et bien été détectés, et l’enjeu majeur est la mesure de leur flux. S’il est supérieur à ce que prédit le modèle GZK, il pourrait signaler l’existence de nouvelles particules hyper-massives, appelées, faute de mieux, les particules X. Leur masse devrait donc être supérieure à 1020 eV pour qu’elles émettent les RCUHE en se désintégrant et leur densité et durée de vie doivent correspondre au flux observé. De fortes incertitudes pèsent néanmoins sur ces modèles Top-Down (par opposition aux modèles d’accélération dits Bottom-Up), car le flux de rayons cosmiques devrait être majoritairement composé de protons, photons et de neutrinos, et non de noyaux. Pourvu que l’on soit capable de distinguer les gerbes initiées par des photons de celles initiées par des noyaux, cette contrainte est très forte.
L’Observatoire Pierre Auger a proposé un détecteur dit hybride, composé à la fois de détecteurs au sol (comme AGASA), de type Čerenkov à eau, et de télescopes à fluorescence (comme HiRes). Cette expérience, actuellement en cours de construction et au début de la prise de données, n’a pas encore permis de clore le débat entre HiRes et AGASA, puisque son incertitude sur l’énergie reconstruite des RCUHE va de 30 % à 50 % pour des énergies de 3 à 100 EeV [Sommers04]. Un schéma de principe de la détection hybride d’Auger est présenté sur la figure 1.2 (partie de gauche).
Table des matières
Avant Propos
Remerciements
I Introduction
1 Détection des Rayons Cosmiques d’Ultra-Haute Énergie
1.1 Le spectre des rayons cosmiques
1.2 Développement d’une gerbe atmosphérique
1.3 Méthodes de détection
1.4 Les dés de la uorescence
1.5 Conclusion
2 Fluorescence de l’Azote
2.1 Théorie de l’émission de uorescence
2.2 Objectifs des mesures de uorescence
2.3 Conclusion
3 Démarche Adoptée dans la Mesure du Rendement de Fluorescence
3.1 Objectif de la mesure
3.2 Géométrie du montage expérimental et détection des électrons
3.3 Détection des photons
3.4 Calibration des photomultiplicateurs
3.5 Conclusion
II Mesures
4 Le Banc de Mesure
4.1 Production de uorescence
4.1.1 La source
4.1.2 Détection et comptage des électrons
4.1.3 Dénition du volume de uorescence
4.2 Éléments optiques
4.2.1 Trajets des photons
4.2.2 Ecacité de la détection des photons
4.3 Interactions des électrons de la source
4.3.1 Émission d’électrons secondaires
4.3.2 Déviation de l’électron incident
4.3.3 Diusion dans le blindage de plomb
4.3.4 Diusion dans le scintillateur
4.3.5 Conclusion
4.4 Contrôle du gaz
4.5 Acquisition de données
4.6 Réglage des PMT photons
5 Calibration du Banc
5.1 Sondes de pression et de température
5.2 Centrage de la lentille
5.3 Spectromètre à réseau
6 Mesure des Ecacités des Photomultiplicateurs
6.1 Principe de la Mesure
6.1.1 Le Photomultiplicateur
6.1.2 Utilisation dans le banc de uorescence
6.1.3 Conclusion
6.2 Cartographies des Photocathodes des Photomultiplicateurs
6.2.1 Description
6.2.2 Détermination du centre de la photocathode
6.2.3 Cartographie à haut gain
6.2.4 Conclusion
6.3 Rendement Absolu en un Point de la Photocathode
6.3.1 Fonctionnement des sphères intégrantes
6.3.2 Ecacité à haut gain
6.3.3 Conclusion : conséquence pour la mesure du rendement de uorescence
III Résultats
7 Résultats des Mesures de Rendement de Fluorescence et Implications
7.1 Déroulement d’une mesure
7.2 Extraction du signal
7.3 Rendement intégré de 300 à 430 nm
7.3.1 Mesures dans l’air à pression atmosphérique
7.3.2 Normalisation des résultats
7.3.3 Rapport des rendements dans l’azote et dans l’air à pression atmosph
érique
7.4 Résultats des mesures spectrales
7.5 Conclusion
8 Conclusion et Perspectives
IV Annexes
A Acquisition de données
A.1 Électronique d’acquisition
A.2 Interface LabVIEW
B Le Mode Photoélectron Unique
B.1 Spectre de photoélectron unique
B.2 Réglage des PMT-photons
B.2.1 Réglage du niveau lumineux
B.2.2 Réglage du seuil du discriminateur
C Calibration Absolue des PMT à Bas Gain
C.1 Cartographie
C.2 Ecacité absolue en un point de la photocathode
C.3 Conclusion
D Photographies des montages
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