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Place du nucléaire dans le mix énergétique
Aujourd’hui, l’énergie est un domaine qui présente des enjeux à l’échelle mondiale. Les res-sources et les risques sont partagés, notamment ceux liés aux changements climatiques. Toute nouvelle génération de production électronucléaire doit ainsi être pensée sur des prévisions à cette échelle. Plusieurs tendances d’évolution sont supposées quant à la problématique future de l’énergie dans le monde. Par exemple, la demande devrait continuellement s’accroître, en particulier dans les pays en développement. De même, les ressources de certains moyens de production d’électricité risquent de venir à manquer et vont inciter de nouvelles réflexions sur le mix énergétique. Les performances de l’énergie nucléaire devront être confrontées à celles des autres moyens de production pour définir sa place dans le futur mix énergétique. Pour continuer à subvenir aux besoins, les futurs systèmes nucléaires devront être toujours plus performants en matière de sûreté, d’économie, de résistance à la prolifération et de développement durable. Mais ils doivent aussi répondre aux préoccupations de l’opinion publique comme la gestion des déchets qui explique en partie la défiance à l’égard du nucléaire. En plus de son inquiétude vis-à-vis de la validité des options techniques mises en œuvre, la société souligne l’aspect éthique associé aux déchets nucléaires : a-t-on le droit de léguer à nos descendants des déchets que nous avons produits et accumulés, déchets qu’ils devront gérer et dont ils devront accepter les nuisances ? En ce sens, un enjeu majeur du nucléaire est de minimiser la production de déchets, ou du moins, réduire les impacts qui leur sont associés.
Réacteurs nucléaires du futur
La problématique de la gestion des déchets s’inscrit dans un ensemble plus vaste de contraintes que doivent surmonter les systèmes nucléaires du futur [CEA 2005]. La collaboration internatio-nale « Generation IV » propose cinq critères fondamentaux auxquels devront répondre ces systèmes :
– minimiser la consommation en ressources naturelles ;
– minimiser le risque de prolifération ;
– minimiser la production de déchets ;
– minimiser les risques d’accident ;
– minimiser le coût de production de l’électricité.
En effet, outre l’impact environnemental des déchets, les systèmes nucléaires doivent répondre à d’autres critères et préoccupations de l’opinion publique. Avec les accidents de Three Mile Island (1979), Tchernobyl (1986) et Fukushima (2011) notamment, la sûreté des installations nucléaires est un aspect de l’industrie nucléaire qui fait débat. La non-prolifération des armes nucléaires et des systèmes civils demeure de même une préoccupation importante. L’importance attribuée
à chacun de ces critères n’est pas identifiée et dépend du décideur ainsi que du contexte. Par exemple, la rentabilité économique qui était à l’origine prépondérante est désormais complémen-taire d’autres critères d’importance grandissante. Le forum a sélectionné six systèmes nucléaires qui satisfont au mieux les critères définis. Ces systèmes de réacteurs présentent pour la majorité un cycle du combustible fermé et un cœur à neutrons rapides. Ceci est une conséquence directe de la prise en compte des critères de développement durable pour l’optimisation de l’utilisation des ressources naturelles et la réduction de la production de déchets. Actuellement, le commissariat
à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) s’est orienté vers l’étude des réacteurs à neutrons rapides (RNR) à caloporteur sodium (RNR-Na) [CEA 2014]. Les études de faisabilité pour le fonctionnement de ces réacteurs reposent sur des problématiques qui interviennent selon différents domaines. On distingue notamment la physique des réacteurs qui traite des aspects
conception et fonctionnement du réacteur de la physique du cycle qui concerne la gestion du combustible nucléaire au sein d’une industrie électronucléaire. Ce travail s’articule selon ce dernier domaine dédié à l’évolution de la gestion d’un parc nucléaire et des installations associées.
Gestion du combustible nucléaire irradié
Une caractéristique commune aux réacteurs est de produire du combustible usé contenant des substances hautement radioactives dont la grande majorité décroît en quelques centaines d’années. Néanmoins, une partie d’entre elles, constituée pour l’essentiel du plutonium et, dans une moindre mesure, des actinides mineurs, présentera des risques radiologiques pendant des centaines de milliers d’années. Adopter une gestion responsable à long terme de ces substances radioactives est l’une des conditions incontournables à satisfaire pour répondre aux attentes de la société à l’égard de l’usage de l’énergie nucléaire. Le retraitement des assemblages usés, le conditionnement dans des colis vitrifiés des résidus non valorisables qui en sont issus et l’entreposage de ces colis dans l’attente d’un stockage des déchets ultimes en couches géologiques profondes, participent en premier lieu aux objectifs d’une gestion durable des matières et déchets radioactifs, conformément aux principes définis par la loi du 28 juin 2006. La gestion des déchets les moins actifs et ceux à vie courte, qui représentent plus de 90% du volume total, est déjà une réalité mise en œuvre dans les centres d’entreposage industriels. De même, de nombreux travaux de R&D sont menés pour la gestion à long terme des déchets de haute activité et à vie longue qui concentrent l’essentiel de la radiotoxicité. Ainsi, le recyclage du plutonium issu du retraitement du combustible usé et la transmutation des actinides mineurs sont étudiés en vue de réduire nettement la radiotoxicité des déchets. Le recyclage des matières nucléaires permet aussi une meilleure utilisation des ressources naturelles. La France a déjà fait le choix de recycler le plutonium suite à la mise en service de l’usine de retraitement de La Hague. Une suite possible à ce choix consiste à séparer puis à transmuter les actinides mineurs, qui sont, après le plutonium, les principaux contributeurs à la radiotoxicité des déchets à long terme. Concernant les déchets ultimes, il s’agit de proposer des solutions techniques permettant une gestion sur le long terme, soit par entreposage, soit par stockage définitif. En ce sens, des travaux sont menés sur le conditionnement. D’ores et déjà, le recyclage de tous les actinides apparaît comme une spécification forte pour minimiser les déchets et aller vers un développement durable de l’énergie nucléaire.
Scénarios électronucléaires
Les études de scénarios électronucléaires permettent de comparer différentes stratégies d’évo-lution d’un parc nucléaire et des installations associées. Ces potentielles évolutions peuvent faire intervenir différentes options de gestion des matières. L’analyse de scénarios permet ainsi d’évaluer les conséquences d’une gestion du parc sur, par exemple, la possibilité de déploiement d’une nouvelle filière de réacteurs, la gestion des ressources naturelles ou encore la faisabilité du recyclage. L’objectif de ces études n’est pas de prédire l’avenir du nucléaire, mais de mettre en évidence les avantages et les éventuelles difficultés associées à la mise en œuvre de ces scénarios afin d’orienter la recherche de solutions techniques. Les études réalisées au CEA portent notamment sur la définition de scénarios de déploiement d’un parc RNR-Na en France en renouvellement du parc actuel de réacteurs à eau pressurisée (REP).
Optimisation de scénarios
Les études de scénarios électronucléaires s’appuient sur la comparaison de différentes stratégies d’évolution. La recherche de scénarios adaptés à un problème donné repose ainsi généralement sur une approche dichotomique menée par des experts. Ces analyses permettent une bonne compréhension des phénomènes qui s’expriment à travers le problème et orientent le déroulement des études pour obtenir un scénario satisfaisant. Néanmoins, cette approche est itérative et peut se révéler complexe si le problème fait intervenir un grand nombre de paramètres, de critères et de contraintes liés aux scénarios. De plus, une telle approche ne permet pas toujours de définir l’ensemble complet de scénarios alternatifs à un problème d’optimisation, mais oriente la recherche vers un ensemble réduit de scénarios, voire un unique scénario.
Ce travail résulte d’une volonté d’établir une méthodologie de recherche de scénarios électronu-cléaires optimaux. En effet, les études d’optimisation qui font aujourd’hui l’objet d’une recherche non exhaustive orientée par l’expertise pourraient faire appel à des méthodes d’optimisation qui automatisent la recherche de scénarios optimaux. L’utilisation de méthodes adaptées pour de telles études permettrait à la fois un gain de temps pour l’utilisateur, mais aussi une exploration plus exhaustive des scénarios alternatifs au problème.
Outils disponibles
Une première partie de ce travail consiste en une analyse des outils, s’appuyant sur un travail bibliographique, permettant de réaliser les études présentées par la suite.
Le chapitre 2 traite en premier lieu des scénarios d’évolution du parc nucléaire. L’étude de ces scénarios requiert la compréhension du fonctionnement des différentes installations associées
à une industrie nucléaire et des flux de matières nucléaires qu’elles font intervenir. Ces différents éléments forment le cycle du combustible nucléaire qui caractérise la gestion du combustible à travers ses étapes de fabrication, d’irradiation en réacteur, éventuellement de retraitement et de conditionnement des déchets qui en sont issus. Un scénario électronucléaire consiste alors en la gestion temporelle du cycle du combustible associé aux différentes filières de réacteurs déployées. Les éléments introduits dans ce chapitre sont restreints au contexte de l’industrie nucléaire en France considéré pour les différentes études présentées dans ce manuscrit.
Le chapitre 3 introduit ensuite différentes notions pour l’optimisation multicritère. Ce domaine fait intervenir plusieurs approches pour la définition d’un problème d’optimisation et plusieurs méthodes pour sa résolution. Il est nécessaire d’identifier parmi ces méthodes celles qui sont les plus adaptées pour l’optimisation de scénarios électronucléaires. Ces méthodes doivent pouvoir converger vers un ensemble de scénarios optimaux représentatifs des différentes alternatives d’un problème d’optimisation. Les avantages et inconvénients de différentes méthodes d’optimisation sont ainsi discutés afin de définir une approche adaptée pour l’optimisation de scénarios électro-nucléaires. Ce chapitre conclut sur l’intérêt d’utiliser des métaheuristiques, qui sont une famille de méthodes d’optimisation, pour les études présentées par la suite.
Les outils de calcul utilisés dans le cadre de ce travail pour permettre l’évaluation de scénarios électronucléaires et les études d’optimisation sont présentés dans le chapitre 4. La plateforme d’analyse URANIE est utilisée pour effectuer différentes études, dont l’optimisation de scénarios
à l’aide de métaheuristiques. Cette plateforme d’outils mathématiques comprend notamment différents modules de traitement de données, de régression et pour l’optimisation. Le code de simulation de scénarios électronucléaires utilisé dans ce travail est COSI.
Table des matières
Introduction
1 Introduction générale
Outils
2 Éléments sur les scénarios électronucléaires
2.1 Cycle du combustible nucléaire
2.1.1 Combustible nucléaire
2.1.2 Réacteurs nucléaires .
2.1.3 Amont du cycle .
2.1.4 Aval du cycle
2.1.5 Gestion des déchets radioactifs .
2.2 Scénarios d’évolution du parc nucléaire .
2.2.1 Contexte .
2.2.2 Scénarios de la loi 2006
2.3 Critères du parc nucléaire futur
2.3.1 Problématique .
2.3.2 Définition de critères .
3 Éléments sur l’optimisation multicritère
3.1 Préambule à l’optimisation .
3.1.1 Motivations
3.1.2 Problème d’optimisation monocritère .
3.1.3 Résolution d’un problème d’optimisation
3.2 Principes de l’optimisation multicritère .
3.2.1 Optimalité au sens de Pareto
3.2.2 Formulation des préférences
3.3 Métaheuristiques .
3.3.1 Présentation
3.3.2 Algorithmes génétiques
3.3.3 Essaims particulaires .
3.4 Analyse de performance des méthodes d’optimisation
3.4.1 Comparaison de deux fronts de Pareto
3.4.2 Convergence d’une méthode d’optimisation
3.5 Application à l’optimisation de scénarios électronucléaires
4 Outils de calcul
4.1 Plateforme d’analyse URANIE
4.1.1 Présentation
4.1.2 Méthodes d’optimisation
4.2 Code d’évolution CESAR
4.2.1 Présentation
4.2.2 Fonctionnement .
4.3 Code de scénarios COSI
4.3.1 Présentation .
4.3.2 Fonctionnement
4.3.3 Retraitement du combustible usé
4.3.4 Conditionnement des déchets HAVL
4.4 Couplage des outils
Méthodologie
5 Réduction de la durée d’évaluation d’un scénario
5.1 Méthodologie
5.1.1 Principe général
5.1.2 Isotopes d’intérêt
5.1.3 Modèle analytique de refroidissement
5.1.4 Préambule aux métamodèles d’irradiation
5.2 Métamodèles de CESAR pour l’irradiation .
5.2.1 Planification d’expériences
5.2.2 Régression linéaire .
5.2.3 Régression polynomiale .
5.2.4 Réseau de neurones
5.2.5 Processus gaussien .
5.2.6 Choix d’une méthode de régression .
5.3 Validation de COSI-A
5.3.1 Biais sur les résultats d’intérêt
5.3.2 Gain sur la durée d’évaluation
6 Études d’optimisation par métaheuristiques
6.1 Déroulement des études
6.1.1 Approche incrémentale
6.1.2 Hypothèses du scénario d’étude
6.2 Problème (A) : optimisation de la stratégie de déploiement de RNR .
6.2.1 Définition du problème d’optimisation
6.2.2 Recherche exhaustive des scénarios optimaux .
6.2.3 Application des métaheuristiques
6.2.4 Importance de la stratégie de retraitement
6.3 Problème (B) : optimisation préliminaire de la stratégie de retraitement
6.3.1 Définition du problème d’optimisation
6.3.2 Interprétation des scénarios optimaux
6.3.3 Application des métaheuristiques
6.3.4 Analyse de sensibilité des paramètres de l’algorithme génétique
7 Choix d’une méthode d’optimisation
7.1 Problème (C) : optimisation de la stratégie de retraitement
7.1.1 Définition du problème d’optimisation
7.1.2 Interprétation des scénarios optimaux
7.2 Comparaison des métaheuristiques
7.2.1 Optimisation par algorithme génétique
7.2.2 Optimisation par essaim particulaire
7.3 Recherches aléatoires imbriquées
7.3.1 Principe de fonctionnement
7.3.2 Application
7.4 Évaluation de scénarios par métamodèles de COSI-A .
7.4.1 Présentation .
7.4.2 Estimateur de la consommation d’uranium naturel .
7.4.3 Estimateur de la production de colis de déchets vitrifiés .
7.4.4 Perspectives
Application
8 Application de la méthodologie : vers un parc 100% RNR en 2100
8.1 Problème (D) : vers un parc 100% RNR
8.1.1 Raffinement du problème (C) .
8.1.2 Résultats intermédiaires .
8.1.3 Définition du problème d’optimisation
8.2 Interprétation des scénarios optimaux
8.2.1 Front et zone de Pareto .
8.2.2 Analyse des scénarios optimaux extrémaux
8.2.3 Comparaison avec le scénario de référence
8.3 Perspectives d’études .
8.3.1 Suite du problème d’application
8.3.2 Transmutation des actinides mineurs
Conclusion
9 Conclusion générale
Annexes
A Scénarios de référence et d’étude
B Domaines de validité des métamodèles d’irradiation
C Sensibilité des paramètres de scénarios
D Estimateur de la faisabilité de scénarios
Bibliographie
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