Étude critique d’une reconstruction des (Premiers Analytiques)

Étude critique d’une reconstruction des Premiers Analytiques

Mentionnait   déjà   en   introduction,   l’interprétation   de   Malink   écarte   la   notion   d’individu   des Premiers Analytiques. Pour  justifier  son  choix,   Malink  s’appuie   sur  les   textes  d’Aristote   et  formule  quatre  arguments. Premièrement, Aristote n’affirme à aucun moment que « rien » fait référence à des individus. Au contraire,   Malink   mentionne   deux   passages   se   trouvant   dans les  Seconds Analytiques  où   l’on tombe sur des formulations similaires au dictum de omni : labein + « rien » faisant référence à des termes et pas des individus. La seconde justification s’appuie sur la nature de l’entité que met en évidence l’écthèse, un sujet qui fait encore débat59. Dans les Premiers Analytiques60, Aristote démontre la validité de Baroco-NNN et Bocardo-NNN par écthèse. Dans le cas de Baroco-NNN, l’entité mise évidence dans la prémisse mineure est en position de sujet et se retrouve en position de prédicat lorsqu’il s’agit d’inférer la conclusio61 (Felapton-NXN converti en Ferio-NXN). Dans le cas de Bocardo, c’est la même chose la position de l’entité mise en évidence passe de sujet à prédicat. Or si cette entité peut servir de prédicat, elle n’est pas un individu. La troisième justification repose sur deux interprétations de la proposition universelle affirmative.

Les deux expressions sont jugées équivalentes pour l’interprétation orthodoxe, d’après Malink. « Ce pour   quoi   S   est   prédiqué »   est   toujours   la   même   chose,   s’il   s’agit   d’individus.   Il   n’y   a   pas   de distinction entre prédication universelle et particulière lorsque celle-ci porte sur des individus. On ne prédique jamais partiellement un individu. Cependant, cette distinction a un sens s’il s’agit de termes. « Ce pour quoi S est prédiqué » peut sous-entendre une prédication universelle ou particulière, si elle n’est pas précisée. Si P est prédiquéde   ce   dont   S   est   prédiqué   tout   entier,   alors   P  sera   prédiqué   de   cette   chose  toute   entière.   Mais particulièrement, si S n’est prédiqué que particulièrement de cette chose. Le quatrième argument s’appuie sur « l’évidente » validité de Barbara-NXN63. Aristote se satisfait l’explication « C fait partie des B » afin de justifier la conclusion « A est nécessairement le cas pour tout   C ».   Si  Aristote   avait   la   notion   d’individu   en   tête,   il   aurait   précisé   le   sens   de   la   seconde prémisse pour  pouvoir  inférer  la  conclusion :  si tout  individu  dont  on prédique  C  implique  que celui-ci soit prédiqué de B, alors tout individu dont on prédique C est nécessairement prédique de A, puisque l’on a posé que tout individu prédiqué de B est nécessairement prédiqué de A. L’expression « faire partie des B » ou « être un des B » sous-entend un rapport direct entre les termes B et C sans avoir recours à la notion d’individu.Ainsi   comme   Malink   l’affirme   dans   son   introduction,   la   logique   aristotelicienne   est   une   « pure logique des termes » : la relation entre x et p est la même que celle entre p et s, étant donné que la quantification   porte   bien   sur   des   termes   et   pas   des   individus.   Dans   le   cadre   de   la   sémantique « orthodoxe »   la   relation   entre  x et   P   n’est   pas   la   même   que   celle   entre   P   et   S,   puisque   la quantification porte sur les individus et non les termes.Cette interprétation est à la base de la reconstruction de Malink. Puisque son objectif consiste à justifier l’intégralité du texte des  Premiers Analytiques, on se doit d’exhiber la sémantique sous- jacente à toute proposition syllogistique, qu’elle soit modale ou assertorique. Un des avantages de cette interprétation consiste à résoudre le problème de la subalternation. En effet, dans le cadre d’une sémantique formelle, la proposition universelle affirmative n’implique pas la particulière affirmative. Autrement dit, « tous les hommes sont mortels » n’implique pas « qu’il existe au moins un homme qui est mortel ». Comme nous l’avions montré dans la première partie64, l’universelle affirmative a pour signification une implication « Ɐx(S(x) → P(x)) », tandis que la particulière affirmative a pour signification une conjonction   « ∃x(S(x)  ∧  P(x)) ».   On   peut   cependant   formuler   un   contre-exemple   si   S   est   un ensemble vide. Ça n’est pas le cas pour l’interprétation « hétérodoxe ». La relation prédicative, que Malink notera  a pour propriété d’être réflexive, le prédicat noté b ne peut-être vide car il est toujours prédiqué universellement de lui-même. L’antécédent de l’implication « Ɐx(xs → xp) » ne peut être faux. Si l’implication est vraie, alors « ∃x(xs ∧ xp) » est vraie. Si « Ɐx(xs → xp) » est fausse.

La « copule » modale

Comme nous l’avons vu en première partie,on obtient syntaxiquement une proposition modale en ajoutant un opérateur (N, X, M, Q) à la copule affirmative ou négative quantifiée notée (a, e, i, o) en exposant. Tout comme en logique modale moderne, il semble que l’on ajoute un opérateur (le carré ou le losange). Cependant, les modalités ne doivent pas être considérées ainsi, selon Malink. Ce sont des « modificateurs »65  de la copule. La copule est le troisième terme (très souvent sous entendu en grec) qui permet d’établir un lien ou non entre les  deux termes. C’est l’équivalent du verbe attributif « être » en français. Ces différentes copules se distinguent par « la quantité, la qualité ainsi que modalité »66.Il   n’est   pas   possible   de   passer   d’une copule modale à l’autre   par ajout et retranchement   d’une modalité, comme on l’aurait fait avec les opérateurs de la logique formelle Il s’appuie sur un extrait du traité  Sur l’interprétation67  (21b26) afin de justifier son affirmation. Dans ce passage, Aristote affirme que la copule «être » doit être considéré commeune « réalité sous-jacente» (upokeimenon) que l’on détermine par la nécessité, la possibilité ou la contingence. Aristote, d’après Malink, pense la modalité sur le modèle du sujet et de ses attributs : on attribue « la nécessité, la possibilité ou la contingence » à « l’être » de prédication de la même manière qu’on attribue la « grandeur » à un « homme » en particulier. On ne fait pas qu’ajouter ou retrancher la grandeur, car on « modifie » le sujet.Par conséquent, n’y a pas de modalité  de dicto, dans les  Premiers Analytiques. La modalité porte toujours sur la relation entre et prédicat et les individus qui lui appartiennent. Toutes les modalités seraient interprétées  de re.Cependant, ladistinction  de dicto/de re a pour présupposé.

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