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La construction du savoir des soins infirmiers, A. Marriner-Thomey (1989), S. Kerouac et coll. (1994)
L’ouvrage de S. Kerouac, F. Ducharme ; A. Duquette et F. Major, constitue une étude » des conceptions et stratégies » développée autour de la discipline en question. Il comprend six chapitres qui détaillent comment à travers les temps, la discipline infirmière a évolué et comment elle se pré-sente, cela en 1994. Il s’agit de la présentation d’un ensemble de recherche menées dans les facultés de science infirmière de l’Université de Montréal, l’Université de Laval, l’université de Sherbrooke au cours des années quatre-vingt. L’ouvrage, de 131 pages de texte, comprend une première partie (p. 2à 71) présentant les courants de pensée qui ont présidé au développement disciplinaire, les différentes conceptions qui ont été développées et présente une synthèse en neufs principes délimitant » l’essentiel de la discipline « .
Le questionnement qui sous-tend, pour les auteurs l’ensemble du sa-voir est explicité dans l’avant-propos : » Qui sont les infirmières, que font-elles « ; questionnement qui est, selon cette approche au centre du dévelop-pement disciplinaire. L’analyse menée suit les développements du savoir de façon chronologique. Situant l’apparition, explicite ou implicite, des concepts fondamentaux (soin, personne, santé, environnement) dés 1859, les auteurs organisent le savoir selon des catégories précises. On trouve ainsi trois paradigmes successifs, la catégorisation, l’intégration et la transforma-tion, lesquels donnent lieux au développement de conceptions du soin ca-ractérisés par des postulats spécifiques; postulats donnant lieux au dévelop-pement de modèles conceptuels particuliers ; le savoir produit pouvant se ré-partir entre six écoles.
Dans cette brève description, nous avons mis en italique certains termes. En effet, si certains sont d’usage courant, les auteurs prennent soin de les définir dans le texte lui-même et dans un glossaire en fin d’ouvrage. Il s’agit sans doute d’une intention pédagogique, mais à bien examiner les défi-nitions, nous constatons qu’il s’agit de concepts plus que de simples notions. Ainsi, par exemple, la méta-théorie est définie comme la discussion des as-pects généraux d’une ou plusieurs théories dans le but d’éclairer leur contribution possible au développement de la science infirmière. Théorie se définis comme l’ensemble d’énoncés, de propositions, formé de concepts et de relations entre ces concepts, organisés de façon cohérente et systé-matique qui tentent de décrire, d’expliquer ou de prédire un phénomène. Un concept est une représentation intellectuelle, générale et abstraite d’un phé-nomène (objet, propriété, événement), formé d’un ensemble d’attributs per-çus par l’esprit. Les concepts sont les composantes à la base d’une théorie. Ces définitions évoquent une épistémologie constitutive et critique du savoir infirmier, dimension jamais cependant explicitée ou revendiquée par les au-teurs.
Lorsque les auteurs fixent le cadre théorique de leur étude, ils en ap-pellent à des auteurs spécialisés comme, par exemple S. K. Donaldson et D. M. Crowley et leur article » The discipline of nursing « , publié dans Nursing Outlook (1978). Les citations que nous avons données ci-dessus sont réfé-rencées aux travaux de M.A. Newman et de ses collaborateurs, lesquels sont aussi des spécialistes de la théorie du soin. Il s’agit donc, en quelque sorte, d’une épistémologie » locale » dont la dimension critique est naturellement limitée : la mise en perspective de l’épistémologie à l’œuvre vis-à-vis d’autres savoir par exemple, n’est pas directement envisagée.
Nous pouvons attendre que la science des soins, développée essentiel-lement en Amérique du Nord, réponde à une épistémologie proche de celle de T. S. Kuhn; Laquelle est largement contemporaine des développements en question. Pour T. S. Kuhn, les changements de paradigme sont en relation avec des bouleversements dans la façon de penser les choses. Il explique ainsi (1970) que la science procède d’un certain nombre de ruptures dans les schémas servants à penser les objets et les champs de connaissance. Chan-gements en rapport avec des bouleversements culturels de grande ampleur et qui débouchent sur une mise en cause des schémas explicatifs antérieurs (conception sans doute à rapprocher des épistémès utilisés par Michel Na-dot). La présence, dans l’analyse de nos collègues, de trois paradigmes diffé-rents de 1950 à 1980, pose donc un problème. Si la rupture paradigmatique est bien le grand événement qui vient changer la nature des savoirs, cela dans une perspective » kuhnnienne » ; le rythme du changement dans la science du soin est singulier, voire suspect : Une durée de validité de dix ans est un délais bien court pour un tel paradigme. Cela, alors même que la défi-nition donnée par les auteurs semble se recommander de la conception de T. S. Kuhn. Avant que d’accuser les auteurs de contre-sens, il convient de nous rappeler qu’à aucun moment ils ne revendiquent explicitement une approche épistémologique. Il s’agit donc bien d’une utilisation localisée d’un vocabu-laire philosophique, et plus précisent épistémologique dans le but de pré-senter une organisation compréhensible du savoir étudié. On pourrait, d’ailleurs mener une analyse similaire quant à l’utilisation du terme » phéno-mène « , lequel est défini comme la représentation d’une réalité ; au prix, sans doute, d’une ambiguïté avec le noumène.
Si nous-nous reportons, d’une façon générale, à l’ensemble des tra-vaux portant sur la science infirmière, nous voyons que l’appareil critique que nous avons développé ci-dessus est généralisable. La science du soin ne dispose pas d’une épistémologie solidement constituée. Ce qui est sans doute en lien avec la relative rareté de la réflexion philosophique au sujet du soin, dimension de réflexion plus particulièrement développée en Europe, par exemple chez Yves Thiébaud, W Hesbeen ou B. Honoré. Ces auteurs sont plutôt dans une orientation phénoménologique, ils ne s’inscrivent pas faci-lement dans le cadre de la philosophie analytique qui prévaut en Amérique du Nord. Là peut résider une difficulté : le développement d’une approche phénoménologique permet une prise en compte du soin ; mais c’est une tâche délicate dans le cadre analytique qui prévaut là où le savoir en ques-tion s’est le plus développé. Situation qui explique que le soin infirmier, sur-tout Nord américain dans ses développements théoriques, ne dispose pas complètement d’une approche par la raison et ne présente guère de réflexion sur sa cause finale. Particularité qui ouvre à bien des confusions dans la cri-tique de la science des soins.
Épistémologie critique du savoir des soins infirmiers
Le savoir des soins est l’objet de nombreuses critiques et mise en questions. D’une part en « interne », comme remise en cause au fil des dé-veloppements du savoir. Mais, plus radicalement de sources externes au mi-lieu de recherche spécifique, cela avec des enjeux qui ne concernent pas uni-quement le soin. Bien entendu nous détaillerons ces résistances « en conti-nue » au fil de notre recherche et selon l’argument que nous serons en train de traiter. Il est cependant utile de résumer les prises de position qui mobi-lisent un argument épistémologique.
Table des matières
Introduction: Du soin à la question du soin
Construction de l’objet: le soin en question.
/1 / Une affaire de soin
1 -1.1 /La question de la formation au soin.
2 -1.2 /Explorer le soin: du sens commun aux sciences humaines.
3 -1.3 /Le soin : une approche empirique.
4 -1.4 /Les soins hospitaliers: une lecture plurielle.
/2 / Les discours sur le soin
5 -2.1 /La question des valeurs : Une anomie du soin?.
6 -2.2 /Le soin, sujet polémique
7 -2.3 /Le soin dans le sens commun.
8 -2.4 /La monade des soins hospitaliers.
9 -2.5 /Quel éclairage des sciences humaines?.
10 -2.6 /Le soin infirmier: une mise en perspective des enjeux théoriques
soin.
/3 / Les soins infirmiers en tant que savoir spécifique
11 -3.1 /La construction du savoir
12 -3.2 /Le développement du savoir
13 -3.3 /La science du soin.
/4 / Quatre approches épistémologiques.
14 -4.1 /Épistémologie critique du savoir des soins infirmiers
15 -4.2 /La question posée au soin.
16 -4.3 /De l’objet-soin au phénomène-soin
17 -4.4 /La théorie du soin: entre Sartre et Merleau-Ponty
/5 / Vers une épistémologie constitutive du soin.
18 -5.1 /L’approche constructiviste.
19 -5.2 /La voie phénoménologique
20 -5.3 /Problématiser le soin.
21 -5.4 /La voie phénoménologique Phénoménologie du soin.
/1 / Approche méthodologique.
/2 / Une épistémologie historique des soins
22 -2.1 /Les soins charitables.
23 -2.2 /Le soin institutionnel
24 -2.3 /Les soins médicaux et les soins infirmiers : un changement
régime de la rationalité des soins hospitaliers
/3 / Le soin à la mesure de la réduction
25 -3.1 /Première étude : l’immédiat et son reste.
26 -3.2 /Seconde étude : Ce qui fait racine au soin.
27 -3.3 /Troisième étude : Qui est soigné ?.
28 -3.4 /Quatrième étude : Le sens du soin.
29 -3.5 /Cinquième étude : La constitution du soin
De la théorie à la clinique du soin
/1 / Première scolie: des exceptions à la loi normale du soin?.
/2 / Seconde scolie: La constitution du savoir dans le soin
/3 / Troisième scolie: Souffrance et intimité
/4 / Quatrième scolie: De la doxa à l’ontologie du soin
/5 / Des orientations étiques pour le soin.
/6 / De la théorie du soin général à la formation des soignants
30 -6.1 /La situation des soins infirmiers en France
31 -6.2 /Les formations dans l’Union Européenne
32 -6.3 /La question de la formation en France: persistances et évolutions
33 -6.4 /La théorie du soin général dans les formations de demain
Conclusion
Annexes.
/1 / Bibliographie.
34 -1.1 /Ouvrages collectifs:
35 -1.2 /Ouvrages par auteurs:
36 -1.3 /Textes législatifs et rapports administratifs
/2 / Techniques de recherche et d’information
37 -2.1 /Architecture matérielle:
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