Pseudomonas aeruginosa en réanimation

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CONTEXTE

Pseudomonas aeruginosa est le 4ème germe le plus isolé des infections associées aux soins en France et le 1er germe dans les secteurs à risques (1,2). Il s’est imposé comme un micro-organisme majeur du système hospitalier au cours de ces dernières années.
Le Pseudomonas aeruginosa est connu pour ses capacités de résistance dans les réservoirs environnementaux, notamment dans les milieux hydriques et par ses mécanismes de résistances à des antibiotiques de derniers recours pouvant mener à des impasses thérapeutiques.
Dans les établissements de santé, le risque microbiologique lié à l’environnement doit être pris en compte. De nombreuses épidémies à Pseudomonas aeruginosa multi-résistants ont été décrites dans la littérature et les différentes enquêtes environnementales ont révélé que les réservoirs dans les points d’eau pouvaient jouer un rôle dans la contamination des patients (3,4). Des mesures de contrôle sont nécessaires afin de maitriser le réservoir environnemental du Pseudomonas aeruginosa.
Au CHU de Caen, plusieurs cas d’infections et de colonisations par Pseudomonas aeruginosa producteur d’une carbapénémase de type VIM-2 (Pa VIM-2) ont été identifiés, y compris dans le service de réanimation. Des enquêtes sur les épidémies ont été menées dans différents services et plusieurs stratégies ont été successivement mises en œuvre pour limiter la diffusion environnementale et éviter toute transmission interhumaine de Pa VIM-2.

PSEUDOMONAS AERUGINOSA : GENERALITES

Pseudomonas aeruginosa (Pa) est une bactérie à bacille à Gram négatif, aérobie stricte. Elle possède le plus grand génome parmi les espèces d’intérêt médical (6 millions de paires de bases) et une grande plasticité génétique et physiologique. Elle appartient au genre Pseudomonas, qui regroupe le plus d’espèces recensées (jusqu’à 245), la plus connue étant le groupe aeruginosa.

Réservoirs et modes de transmission

Le Pa possède une très grande adaptabilité à toutes les niches écologiques. Sa capsule polysaccharidique lui confère une forte adhésion sur les surfaces, ainsi qu’une résistance accrue aux principaux détergents-désinfectants par la production d’un biofilm très efficace.
Comparé à la plupart des autres germes, le Pa peut survivre dans des conditions minimales de survie avec peu de nutriments, dans une fenêtre très large de températures et pendant de très longues périodes (3).
Il est présent de manière ubiquitaire dans l’environnement, dans les sols, les végétaux et plus particulièrement dans les milieux hydriques. Dans les établissements de santé, il trouve une niche écologique idéale à son développement dans tout type de points d’eau (lavabos, siphons, douches, toilettes, nébuliseurs, respirateurs…).
Le Pa est également caractérisé par son pouvoir de pathogène opportuniste. Il est responsable de 6,3% des infections associées aux soins (IAS) en France (1). « Une infection est dite associée aux soins si elle survient au cours ou au décours d’une prise en charge d’un patient, et si elle n’était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge. Lorsque que l’état infectieux au début de la prise en charge n’est pas connu précisément, un délai d’au moins 48 heures ou un délai supérieur à la période d’incubation est couramment accepté pour définir une IAS »
(5).
La contamination des patients peut être exogène, par transmissions croisées à partir de patients colonisés ou de surfaces contaminées (6). Les réservoirs environnementaux contaminés à Pa peuvent également être responsables de la transmission directe du germe. L’utilisation de l’eau dans les soins médicaux pour les soins directs aux patients présente un risque potentiel d’exposition (6,7).
L’homme peut également constituer un réservoir (endogène ou exogène), notamment chez les patients fragiles. Ce réservoir humain est à prendre en compte dans la potentielle dissémination et implantation du germe au sein des établissements de santé.
Le mode de contamination endogène est favorisé par les facteurs intrinsèques des patients, notamment par le terrain immunitaire, la flore bactérienne, la charge en soin, la présence de dispositifs invasifs ou la prise d’antibiotiques… (8).

Résistance et épidémiologie

Mécanismes de résistance aux carbapénèmes
Ces dernières années très peu de nouveaux antibiotiques ont été produits par l’industrie pharmaceutique. En parallèle, l’augmentation de la résistance des bactéries aux antibiotiques est devenue un problème majeur de santé publique et peut mener à des échecs thérapeutiques chez les patients. La mortalité directement liée aux résistances bactériennes a été estimée en 2019 par l’équipe de Cassini et al. à 33 000 personnes par an en Europe, sans compter toutes les causes de mortalités indirectes. Le nombre d’années de vie perdues par les résistances bactériennes (ou DALYs) a été estimé à 900 000 en Europe, la France étant fortement impactée après l’Italie et la Grèce (9). L’enjeu est également économique, l’impact des infections dues aux bactéries multi-résistantes pourrait coûter jusqu’à 1,1 milliards d’euros d’ici 2050 (10).
Les antibiotiques habituellement actifs et utilisés en clinique contre le Pa sont principalement dominés par la classe des béta-lactamines, famille majeure très largement utilisée. Le mode d’action des béta-lactamines est caractérisé par la liaison de l’antibiotique aux enzymes liant les pénicillines après pénétration dans la cellule bactérienne. Cette liaison entraine une inactivation des inhibiteurs des enzymes autolytiques menant à la dégradation du cycle béta-lactam et à la mort de la cellule bactérienne.
Les carbapénèmes appartiennent à la classe des béta-lactamines à large spectre et sont utilisés en dernier recours dans les infections sévères à bactéries multi-résistantes. Malgré l’utilisation hospitalière restreinte des antibiotiques de derniers recours, 31,8% des souches isolées en Europe ont développé des mécanismes de résistances à au moins une des classes d’antibiotiques sous surveillance (11).

Table des matières

1 Introduction
1.1 Contexte
1.2 Pseudomonas aeruginosa : généralités
1.2.1 Réservoirs et modes de transmission
1.2.2 Résistance et épidémiologie
1.3 Pseudomonas aeruginosa en réanimation
1.3.1 Caractéristiques des patients en réanimation
1.3.2 Infections et colonisations à Pseudomonas aeruginosa
1.4 Rôle de l’environnement
1.4.1 Rôle des points d’eau
1.4.2 Rôle des siphons
1.5 Gestion des épidémies
1.5.1 Principe
1.5.2 Dépistage des patients
1.5.3 Enquête microbiologique environnementale
1.5.4 Bonnes pratiques de soins
1.6 Hypothèses
1.7 Objectifs
2 Matériels et méthodes
2.1 1ere partie : Analyse des cas d’infections et de colonisations à Pseudomonas aeruginosa VIM-2 de 2011 à 2020 au CHU de Caen
2.1.1 Population
2.1.2 Type d’étude
2.1.3 Période de l’étude
2.1.4 Recueil des données
2.2 2eme partie : Etude de l’impact de mesures de décontaminations environnementales
l’incidence clinique et environnementale des Pseudomonas aeruginosa en réanimation
2.2.1 Population
2.2.2 Type d’étude
2.2.3 Période
2.2.4 Interventions
2.2.5 Surveillance de l’environnement et techniques d’identification
2.2.6 Critères d’évaluation
2.2.7 Recueil de données
2.2.8 Analyse des données
2.2.9 Considérations éthiques
3 Résultats
3.1 1ère partie : Analyse des Pseudomonas aeruginosa producteurs d’une carbapénémase
type VIM-2 de 2011 à 2020 au CHU de Caen
3.1.1 Description de la population
3.1.2 Analyse épidémiologique des cas
3.1.3 Gestion d’une épidémie de grande ampleur
3.1.4 Poursuite des investigations : épidémie en réanimation chirurgicale
3.1.5 Mesures de contrôles
3.2 2eme partie : Etude de l’impact de mesures de décontamination environnementale
l’incidence clinique et environnementale des Pseudomonas aeruginosa en réanimation
3.2.1 Population étudiée
3.2.2 Mesure de l’impact dans l’environnement
3.2.3 Mesure de l’impact chez les patients
3.2.4 Analyse multivariée
4 Discussion
4.1 Synthèse des principaux résultats
4.2 Retour sur la gestion de l’épidémie
4.3 Retour sur l’étude de l’impact des mesures de décontamination environnementale
4.3.1 Impact environnemental
4.3.2 Impact clinique
4.4 Les enseignements dans notre pratique
5 Conclusion
6 Bibliographie
7 Annexes

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