Caractérisation des populations d’Anopheles funestus
Les Protagonistes
Les Agents pathogènes
Les Plasmodium humains
Les agents étiologiques du paludisme sont des protozoaires de l’embranchement des Apicomplexa (protozoaires à appareil apical complexe , de la classe des Sporozoae, de l’ordre des Haemosporidia, de la famille des Plasmodiidae et appartiennent au genre Plasmodium. Sur plus d’une centaine d’espèces du genre Plasmodium parasitant batraciens, reptiles, oiseaux ou mammifères, seules cinq peuvent infecter l’Homme : – P. falciparum (Welch, 1887 est responsable de la fièvre tierce maligne. C’est le Plasmodium le plus fréquent en Afrique sub-saharienne où 80 à 95% des cas de la maladie lui sont associés. Il est aussi le plus redoutable car pouvant être à l’origine des formes graves, voire mortelles en l’absence de traitement approprié (WHO, 2000 . – P. vivax (Grassi, 1890 responsable de la fièvre tierce bénigne. Il est aussi très répandu dans le monde et évolue avec des rechutes à long terme. Il est rare en Afrique, plus fréquent en Asie, Océanie, Amérique du Sud et Centrale. – P. ovale (Stephens, 1922 est l’agent aussi d’une fièvre tierce bénigne. Il est très proche de P. vivax avec lequel il a été très longtemps confondu. Il évolue à long terme et est donc considéré comme peu pathogène. Il est rare et se rencontre presque exclusivement en Afrique de l’Ouest – P. malariae (Laveran, 1881 est responsable d’une fièvre quarte et de troubles rénaux. Il est responsable d’environ seulement 1% des cas de paludisme et se rencontre surtout en Amérique du Sud où elle il très fréquent dans certaines tribus d’Amérindiens. – P. knowlesi proche génétiquement de P. vivax, et microscopiquement de P. malariae. Il a été rencontré en Afrique, notamment au Sénégal. Les 3 premières espèces sont spécifiquement humaines alors que les deux dernières sont communes à l’Homme et aux grands singes africains (Garnham, 1966 . b – Cycle de développement de Plasmodium Deux hôtes successifs sont nécessaires à l’accomplissement du cycle des plasmodies (Figure 3 : hôte vertébré où se déroule la multiplication asexuée ou schizogonie et moustique Culicidé du genre Anopheles (pour les plasmodies infectant l’Homme , lieu de la multiplication sexuée ou sporogonie. 10 Source : http://www.cdc.gov/malaria/ Figure 3: Cycle de développement des plasmodiums spp. b-1- Schizogonie chez l’Homme Au cours de la piqûre, l’anophèle femelle infestée injecte à l’hôte avec sa salive, au niveau de la peau, des sporozoïtes contenus dans ses glandes salivaires. Ces éléments unicellulaires filiformes, à travers la circulation générale, se répartissent rapidement dans tout l’organisme, pénètrent activement et indifféremment dans différents types cellulaires. Certains sporozoïtes vont cependant pénétrer dans des vaisseaux lymphatiques où ils seront dégradés par le système immunitaire (Amino et al., 2006 . Seuls les survivants ayant gagné le foie et franchi une dernière barrière constituée par les cellules de Kupffer pourront poursuivre leur cycle dans les hépatocytes (Ishino et al., 2004 . On estime qu’un anophèle infecté peut injecter à son hôte 1 à 1000 sporozoïtes (120 en moyenne au moment d’une piqûre (Bejon et al., 2010 . 11 – La phase hépatique Dans les hépatocytes, les sporozoïtes s’arrondissent et se transforment en trophozoïtes. Certains trophozoïtes, par multiplication et développement, évoluent immédiatement jusqu’à maturité pour donner des schizontes alors que d’autres restent sous forme uninucléé et sont appelés hypnozoïtes (Jiang et al., 1988 . Ces 2 types d’évolution dépendent de l’espèce plasmodiale et expliquent les rechutes observées chez P. vivax et P. ovale chez lesquels les hypnozoïtes (formes dormantes ont été signalées contrairement à P. falciparum chez qui les sporozoïtes entrent en évolution immédiate (Greenwood et al., 2005 . A maturité, les schizontes éclatent, libérant des mérozoïtes, nouvelles formes uninucléées qui initieront la phase érythrocytaire en envahissant les globules rouges. Cette phase hépatique constitue la partie cliniquement silencieuse et asymptomatique du cycle. Elle correspond, en effet, à une période d’incubation dont la durée (5 à 15 jours et la fréquence (périodicité sont fonction de l’espèce plasmodiale. La durée de cette phase varie de 5-6 jours chez P. falciparum à 10-14 jours, ou occasionnellement plus, chez P. vivax (White, 2004 . – la phase érythrocytaire Les mérozoïtes, libérés dans le sang par la rupture de la membrane de l’hépatocyte, envahissent les globules rouges, selon un processus en plusieurs étapes, s’y déplacent par des mouvements amiboïdes vers le centre où ils se transforment en trophozoïtes, sièges d’importantes activités métaboliques (Carter & Miller, 1979 . Les trophozoïtes vont ainsi croître en dégradant l’hémoglobine et évoluer en schizontes. De nombreuses divisions nucléaires se produisent dans les schizontes aboutissant ainsi à la formation de nouveaux mérozoïtes qui sont libérés lors de l’éclatement des schizontes matures (corps rosacés . Chaque mérozoïte peut alors infester une nouvelle hématie et ainsi recommencer le cycle intra-érythrocytaire. La lyse des hématies parasitées par les schizontes mûrs est responsable des accès fébriles, symptômes cliniques caractéristiques du paludisme. Après plusieurs cycles intra-érythrocytaires, une fraction des mérozoïtes pénètrent dans les globules rouges et se différencient en gamétocytes mâles et femelles qui, lorsqu’ils sont ingérés au cours d’un repas sanguin, permettent la poursuite du cycle du parasite chez le moustique (Ghosh et al., 2000 . La distribution des stades érythrocytaires dans le sang n’est pas toujours homogène (White & Ho, 1992 et dans certaines circonstances, certains stades parasitaires disparaissent du sang périphérique parce qu’ils sont retenus (ou « séquestrés » dans les capillaires profonds de différents tissus ou organes profonds (cerveau, cœur, rate, intestin, moelle osseuse et placenta . Une caractéristique marquante du cycle érythrocytaire est le fait que les parasites ont tendance à se développer de façon synchrone, les parasites examinés sur un frottis sanguin 12 sont fréquemment tous au même stade de développement et les symptômes cliniques (en particulier la fièvre ont tendance à survenir à intervalles réguliers.
Sporogonie chez le moustique femelle
Chez le vecteur, la phase sexuée du parasite débute par l’ingestion de gamétocytes mâles et femelles circulant dans le sang périphérique de l’hôte lors du repas de sang pris par la femelle anophèle. Les gamétocytes mâles et femelles ingérés s’échappent rapidement de l’enveloppe érythrocytaire et se différencient respectivement en microgamètes males et macrogamètes femelles. Dans les 15 minutes suivant l’ingestion, le gamétocyte mâle subit trois cycles de mitoses, formant 4 à 8 gamètes rendus très mobiles par ex flagellation. La fécondation entre gamètes mâles et femelles a lieu moins d’une heure après l’ingestion. Le zygote diploïde issu de la fécondation subit la méiose, au sein de l’enveloppe nucléaire qui ne se divise pas. Le zygote se différencie en ookinète mobile, migre du bol alimentaire en cours de digestion et franchit la membrane péritrophique 19 à 36 heures après l’ingestion du repas sanguin par la femelle anophèle. L’ookinète se glisse ensuite à travers ou entre les cellules épithéliales de la membrane de l’estomac de l’anophèle, processus d’invasion qui déclenche les réponses immunitaires du moustique (Dimopoulos et al., 2002 . Le contact avec la membrane basale inhibe l’activité mobile et le cycle cellulaire reprend au sein du zygote. L’ookinète se différencie alors en oocyste sphérique, dont le noyau polyploïde se divise, et subit des mitoses successives, aboutissant à la formation de sporoblastes contenant plusieurs milliers de sporozoïtes haploïdes (2.000 – 8.000 (Sinden, 2002 . Sa maturation dure de 4 à 21 jours pour P. falciparum selon la température. À maturité, les sporozoïtes perforent activement la capsule de l’oocyste et la lame basale et sont libérés dans l’hémolymphe (Wang et al., 2005 . Ils migrent ensuite majoritairement vers les glandes salivaires où ils peuvent rester infectants pendant toute la durée de vie du moustique.
Généralités sur le groupe Funestus
Taxonomie Anopheles funestus sensu stricto fut décrit et nommé pour la première fois par Gillies en 1900 en Sierra Leone (Giles, 1900 . C’est également en Sierra Leone que son rôle vectoriel dans la transmission du paludisme, a été démontré pour la première fois par Ross en 1910 (Ross, 1910 . Anopheles funestus appartient à la série Myzomyia, du sous-genre Cellia et du genre Anopheles. Depuis les années 1930, il a été démontré qu’An. funestus appartient à un groupe d’espèces morphologiquement très proches incluant An. rivulorum Leeson, An. leesoni Evans et An. confusus Evans & Leeson. Ces espèces sont morphologiquement similaires au stade adulte mais peuvent être facilement différenciées grâce aux caractéristiques de leurs larves et 13 de leurs œufs (Gillies & Meillon, 1968 . A la même période, An. fuscivenosus Leeson, a été ajoutée au groupe mais pouvant être distingué des autres à l’état adulte (Gillies & De Meillon, 1968; Gillies & Coetzee, 1987 . Dans les années 1960, de nouvelles espèces ont été ajoutées au groupe. Il s’agit d’An. parensis Gillies, d’An. aruni Sobti et d’An. brucei Service. Des différences morphologiques mineures sont observées entre les adultes d’An. parensis, d’An. aruni et d’An. funestus d’une part et d’autre part entre ceux d’An. brucei et d’An. rivulorum. Toutefois, aucune différence n’a été observée entre les stades immatures au sein de ces deux groupes (Gillies & Meillon, 1968 . Par la suite, d’autres espèces ont été ajoutées au groupe, il s’agit d’An. vaneedeni Gillies & Coetzee (Gillies & Coetzee, 1987 , d’An. fluviatilis Jame. Et plus récemment, deux nouvelles espèces ont été ajoutées au groupe Funestus, il s’agit d’An. rivulorum-like (Cohuet et al., 2003 et d’An. funestus-like (Spillings et al., 2009 . Par ailleurs, des études moléculaires récentes utilisant des ADN (Acide Désoxyribonucléiques mitochondriaux ont rapporté que des membres du groupe Funestus localisées en Afrique Australe étaient subdivisés en trois lignées phylétiques: 1 An. rivulorum, 2 An. funestus-like clade I and An. parensis clade II, et 3 An. funestus clades I and II, An. funestus-like clade II, An. parensis clade I and An. vaneedeni clades I and II (Choi et al., 2012 . I-2-2 Identification et classification des espèces du groupe Funestus L’importance de bien identifier les espèces du groupe Funestus provient de la confusion notée entre certains membres du groupe. En Afrique du Sud et de l’Est, l’utilisation d’insecticides à effet rémanent dans les traitements intra domiciliaires a conduit à la conclusion d’une hétérogénéité d’An. funestus due essentiellement à des différences de comportement dans les zones traitées. En effet l’élimination d’An. funestus espèce connue alors comme étant très endophile et anthropophile était suivie d’une pullulation d’espèces exophiles (Gillies & Smith , 1960; De Meillon et al., 1977 non vecteurs dont les larves sont indistinguables de celles d’An. funestus mais avec des caractères morphologiques imaginaux différentiels mineurs. Plus récemment, An. parensis était le membre le plus commun du groupe Funestus trouvé à l’intérieur des habitations au Kenya, mais il n’était pas impliqué dans la transmission du paludisme (Kamau et al., 2003 . C’est en 1982 qu’une étude de cytogénétique a montré qu’An. funestus, An. rivulorum, An. leesoni, An. parensis et An. confusus possèdent des inversions chromosomiques fixes caractéristiques de leur espèce et permettant donc de les identifier (Green, 1982 . An. vaneedeni possède une inversion qui lui est spécifique mais qui n’est pas fixe, c’est pourquoi il n’est pas toujours possible de l’utiliser pour identifier cette espèce (Green, 1982 . 14 Koekemoer et al., (2002 ont développé un test par PCR (Polymerase Chain Reaction multiplexe qui permet de différencier les cinq espèces du groupe. Ce test simple et rapide est basé sur les variations nucléotidiques interspécifiques de la région « Internal non-coding Transcribed Spacer 2» (ITS2 de l’ADN ribosomal. Cohuet et al., (2003 en utilisant aussi la variabilité de l’ITS2, ont détecté un nouveau taxon au sein de l’espèce An. rivulorum au nord du Cameroun, appelée An. rivulorum- like. De la même manière, Spillings et al., (2009 , ont détecté un nouveau taxon au sein du sous-groupe funestus au Malawi en utilisant la variabilité de l’ITS2. Ce nouveau taxon est nommé An. funestus-like. Les espèces An. leesoni et An. fluviatilis ont été déplacées au cours de ces dernières années, d’après des études morphologiques, cytogénétiques et moléculaires, entre le groupe africain Funestus et le groupe Indo-Asiatique Minimus. (Gillies & Coetzee, 1987; Harbach, 1994; Garros et al., 2005 ont examiné sur la base des études morphologiques et moléculaires (gènes ITS2, CoI et D3 l’ensemble des deux groupes et ils ont déterminé que autant An. leesoni comme An. fluviatilis étaient plus proches du groupe Minimus que du groupe Funestus. Grâce à toutes ces études (morphologiques, cytogénétiques et moléculaires , il est maintenant admis que An. funestus appartient à un groupe composé de cinq sous-groupes dont 3 sont présents dans la région afro tropicale avec 13 espèces (Tableau 1 (Harbach, 2012 .
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