La théorie des singularités

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Introduction générale et préliminaires.

Introduction générale.
La théorie des singularités joue un rôle crucial dans de nombreux domaines : l’algèbre commutative, la géométrie algébrique, la théorie des représentations, l’analyse complexe, les systèmes dynamiques, la topologie…Ici, nous nous contenterons de nous intéresser au cadre al-gébrique.
Dans la langue française, tout comme en mathématiques, le terme « singularité » s’oppose à « banalité » : une singularité est quelque chose d’inhabituel, qui pose problème. C’est une valeur d’exception, comme le lieu où une fonction n’est pas bien définie, où une quantité devient infinie…
En mathématiques, le sens le plus courant (ou non singulier) que l’on donne à une singularité est une « aspérité » ou une « irrégularité ». Nous voyons des singularités tous les jours dans notre vie courante, il suffit de regarder des montagnes : les contours sont généralement des courbes lisses ; mais apparaissent des frondes, ce sont des singularités. Photo du Nevado de Toluca ou Xinantécatl, État de Mexico, Mexique.
Puisque les singularités sont si exceptionnelles, pourquoi donc les étudier ?
Tout d’abord parce qu’elles apparaissent spontanément, et souvent nous apprennent beaucoup sur les objets étudiés. D’autre part, de nom-breuses méthodes et théories relatives aux variétés algébriques s’ap-pliquent sur des objets « lisses », autrement dit qui n’ont pas de sin-gularité. Il est donc naturel de chercher à modifier les variétés qui ont des singularités en des variétés qui n’en ont pas : des variétés lisses. Lorsque l’on modifie une variété singulière en une variété lisse, on dit qu’on « résout » les singularités.
La résolution des singularités.
Le problème de résolution des singularités peut se poser de diffé-rentes manières, plus ou moins exigeantes, donnons en une. Soit V une variété singulière. La variété V admet une résolution s’il existe une va-riété lisse W et un morphisme propre birationnel W → V . Le problème a été résolu de bien des manières.
En caractéristique nulle tout d’abord. Le cas des surfaces fut résolu tout d’abord par Beppo Levi en 1897 ([3, 4]) et par Jung en 1908 ([18]), mais les premières preuves algèbriques furent données par Walker en 1935 ([32]) et par Zariski en 1939 ([34]), qui montra également la résolution des singulartiés en dimension 3 en 1944 ([36]).
Vingt ans plus tard, en 1956, Abhyankar utilisa des méthodes si-milaires à celles de Zariski, plus précisément utilisa l’uniformisation locale par des anneaux de valuations, et démontra ainsi la résolution des singularités des surfaces en toute caractéristique ([1]). Dix ans plus tard, il démontra la résolution des singularités en dimension 3 et en ca-ractéristique strictement supérieure à 5 ([2]). Durant la même période, en 1964, mais par des méthodes totalement distinctes, en faisant une récurrence sur la dimension, Hironaka montra la résolution des singula-rités des variétés en caractéristique nulle et en toute dimension ([15]). En 2008, Temkin montra la résolution des singularités en caractéris-tique nulle, en toute dimension, mais dans le cadre plus général des schémas quasi-excellents ([26]). Depuis, l’objectif principal des chercheurs qui s’intéressent à ce thème est de démontrer la résolution des singularités en caractéristique positive, mais les obstacles sont nombreux et difficiles.
Néanmoins, l’avancée la plus marquante du XXI° siècle fut celle de Cossart et Piltant qui montrèrent en 2008 une version faible de la ré-solution des singularités en dimension 3 en toute caractéristique ([8]), puis en 2014 ils démontrèrent la résolution des singularités des schémas quasi-excellents en toute caractéristique et en dimension 3 ([9]).
L’uniformisation locale : le match.
La résolution des singularités étant un problème difficile, il était naturel de s’intéresser à une version plus locale de ce problème, à sa-voir l’uniformisation locale. C’est la méthode utilisée par Zariski et Abhyankar pour démontrer la résolution des singularités. Prenons une variété V et a un point de V . Considérons le jeu suivant entre Alice et Bob :
(1) Alice éclate V en un fermé passant par a et lisse en a.
(2) Bob choisit un ouvert V1 de l’éclatement dont l’image dans V contient a ainsi qu’un point a1 au-dessus de a dans V1.
(3) La variété V1 et le point a1 remplacent respectivement V et a. Alice gagne si Bob choisit un ouvert lisse V1.
Théorème. Quels que soient V et a, il existe une stratégie ga-gnante pour Alice.
C’est le théorème d’uniformisation locale en caractéristique nulle et une conjecture, appelée Problème d’uniformisation locale, en caracté-ristique positive.
Donnons un exemple. Prenons la variété V := {z2 = x2y} appelée parapluie de Whitney, dont le lieu singulier est la droite {x = z = 0}. Choisissons le point singulier a := (0, 0, 0).
(1) Premier tour. Alice doit éclater V en un fermé passant par l’origine et lisse en ce point. Elle choisit le fermé {y = z = 0}.
(2) Bob regarde dans la carte y. La transformée stricte est alors x21 = z12y1. Bob choisit un point singulier de la transformée stricte, l’origine à nouveau.
−→
Transformée stricte. V = {z2 = x2y}
x12 = z12y1
Figure 1.1.1. Partie 1, premier tour.
(3) Deuxième tour. Alice doit éclater V1 := {x21 = z12y1} en un fermé passant par l’origine et lisse en ce point. Reconnaissant l’équation du parapluie de Whitney, Alice se lasse et aban-donne.
Ici on remarque que si les choix d’Alice sont vraiment mauvais, et les choix de Bob toujours optimaux, elle finit par abandonner et perdre la manche. Elle ne peut d’ailleurs perdre la manche que si de son côté Bob s’arrange pour que la partie soit infinie, et qu’elle finisse ainsi par se lasser. Autrement dit :
Alice 0, Bob 1.
Nous pourrions imaginer qu’Alice est plus maligne que ça, c’est donc l’heure de la revanche.
(1) Premier tour. Alice doit éclater V = {z2 = x2y} en un fermé passant par l’origine et lisse en ce point. Elle choisit cette fois le fermé {x = y = z = 0}.
(2) Bob regarde dans la carte x. La transformée stricte est alors z12 = x1y1. C’est une variété dont le lieu singulier est
{x1 = y1 = z1 = 0} .

Table des matières

Chapitre 1. Introduction générale et préliminaires.
1.1. Introduction générale.
1.2. Préliminaires.
1.2.1. Généralités sur les valuations et exemples.
1.2.2. Anneaux de valuations.
1.2.3. Rang d’une valuation.
1.2.4. Valuations centrées en un anneau local.
1.2.5. Valuations composées et monomiales.
1.2.6. Algèbre graduée associée à une valuation.
1.2.7. Algèbres saturées.
1.2.8. Prolongement d’une valuation à une extension de corps.
1.2.9. Prolongement d’une valuation au complété d’un anneau intègre local.
Chapitre 2. Polynômes clefs.
2.1. Polynômes clefs de Mac Lane-Vaquié.
2.1.1. Généralités et premières propriétés.
2.1.2. Valuations augmentées.
2.2. Polynômes clefs de Spivakovsky et al.
2.2.1. Généralités et premières propriétés.
2.2.2. Polynômes clefs successeurs immédiats.
2.3. Lien entre les polynômes clefs de Vaquié et les polynômes clefs de Spivakovsky et al.
2.3.1. Sens Spivakovsky ) Vaquié.
2.3.2. Sens Vaquié ) Spivakovsky.
Chapitre 3. Uniformisation locale simultanée dans le cas d’anneaux essentiellement de type fini sur un corps sans restriction sur le rang de la valuation.
3.1. Préliminaires.
3.1.1. Éléments non dénégérés.
3.1.2. Éclatements encadrés et monomiaux.
3.1.3. Éléments clefs.
3.2. Monomialisation dans le cas non dégénéré.
3.2.1. Construction d’un caractère numérique strictement décroissant.
3.2.2. Divisibilité et changements de variables.
3.2.3. Monomialisation des éléments non dégénérés.
3.3. Non dégénérescence et polynômes clefs.
3.4. Monomialisation des polynômes clefs.
3.4.1. Généralités.
3.4.2. Paquets de Puiseux.
3.4.3. Généralisation.
3.4.4. Divisibilité.
3.5. Conclusion.
Chapitre 4. Uniformisation locale dans le cas d’anneaux quasiexcellents pour des valuations de rang inférieur ou égal à 2.
4.1. Préliminaires.
4.1.1. Anneaux quasi-excellents.
4.1.2. Entiers associés.
4.2. Idéal implicite.
4.3. Monomialisation des polynômes clefs.
4.4. Réduction au quotient et au localisé.
4.5. Conclusion.
Index
Bibliographie

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