Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)
Résumé du travail empirique
En érigeant la sensibilité comme objet de recherche, la définition du matériau empirique requiert un positionnement minutieux au plus près des individus sollicités. La recherche a été orientée dès le départ sur les entreprises, et ce au sein des territoires du Grand Ouest parmi les plus directement concernés par la refonte de l’offre ferroviaire. Plusieurs sociétés d’Île-de-France ont également été repérées pour leurs liens effectifs, latents ou supposés avec des acteurs bretons ou ligériens, signe de la volonté de s’attacher à une perception de la LGV BPL « dans les deux sens ». L’utilisation de bases de données diverses (Diane-Astrée, fichiers CCI, Séquoia de l’Acoss/Urssaf, MobPro, Sirene et CLAP de l’Insee…) ainsi que des échanges avec de nombreux partenaires (réseau des agences d’urbanisme,
Negre, Romaric. Sensibilité prospective des entreprises à l’amélioration de l’accessibilité ferroviaire : le cas de la ligne à grande vitesse Bretagne – Pays de la Loire – 2018 élus locaux, associations, réseaux et syndicats professionnels…) ont permis la mise en place d’un échantillon de 662 entreprises dans 14 territoires d’étude9. Si des choix méthodologiques de sélection ont naturellement été opérés, cet ensemble comporte autant de structures différentes par le secteur d’activité, la taille, l’étendue de marché, la localisation, l’ancienneté, etc.
Une vaste campagne d’entretiens s’est ensuite tenue tout au long de l’année 2016. Le dirigeant de chaque établissement ciblé dans l’échantillon a été sollicité par courriel personnalisé afin de convenir d’une rencontre dans les locaux de la structure. 179 responsables d’entreprise ont ainsi répondu favorablement à cette demande10. Sur la base d’un guide d’entretien, les discussions ont porté en particulier sur les déplacements professionnels, les stratégies commerciales, la coopération et la concurrence, le recrutement et l’emploi. L’ensemble des rencontres avec les responsables d’entreprise a ainsi permis de recueillir plus de 500 pages de comptes rendus synthétiques d’entretiens. Ce riche matériau constitue le socle d’information principal sur lequel repose cette thèse.
Guide de lecture
Ce mémoire de thèse est articulé en trois parties et six chapitres. La première partie pose les jalons théoriques et méthodologiques d’une recherche à la croisée des notions de système de transport, d’économie productive et de réseaux territoriaux. Le premier chapitre rend compte des indécisions théoriques et opérationnelles attachées à l’examen délicat du caractère productif des infrastructures de transport en général et des LGV en particulier. Les travaux scientifiques exhortent depuis des décennies à la plus grande prudence en mettant en exergue l’absence d’automatisme d’éventuels effets des infrastructures de transport sur le développement local. La pratique de l’évaluation socio-économique se heurte de la même manière à cette indétermination. A travers une brève analyse transversale des bilans LOTI de projets ferroviaires, il s’agit dès lors de borner le concept central d’accessibilité aux faisabilités et enjeux de l’analyse des comportements des entreprises. Dans la continuité, le deuxième chapitre conçoit une approche du territoire par l’entreprise. Nous montrons comment l’appréhension du fonctionnement spatial des activités économiques a évolué, de la valeur monétaire du transport comme principe fondateur des choix de localisation à des approches de socio-économie des territoires. Cela nous amène à établir le cadre théorique des notions de proximité et de système productif, dans la mesure où les configurations des liens d’interdépendance entre acteurs économiques constituent une des unités d’analyse pertinentes de l’incidence territoriale d’une LGV. Fort de ces constats, le troisième chapitre a pour objectif d’expliciter le positionnement de notre recherche dans une littérature des plus foisonnantes. L’étude ex ante des stratégies et pratiques des entreprises, dans un contexte spatial et temporel spécifique, résulte d’un parti pris qu’il est en effet impératif de justifier. En préalable au travail empirique, nous définissons donc les contours notionnels et méthodologiques de la sensibilité des entreprises à l’amélioration de l’accessibilité ferroviaire dans le Grand Ouest.
A savoir les territoires d’Angers, Brest, Laval, Le Mans, Lorient, Quimper, Rennes, Sablé-sur-Sarthe, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Vannes, Vitré et la région Île-de-France. La liste de ces acteurs économiques est consultable dans l’annexe 1 p. 258.
Negre, Romaric. Sensibilité prospective des entreprises à l’amélioration de l’accessibilité ferroviaire : le cas de la ligne à grande vitesse Bretagne – Pays de la Loire – 2018
La deuxième partie règle clairement la focale sur le point de vue des chefs d’entreprise. Nous mettons l’épreuve les conclusions théoriques et l’approche méthodologique énoncées dans la première partie en les confrontant aux réalités d’une vaste campagne de rencontres avec 179 dirigeants de 14 territoires ciblés. L’analyse croisée de ce riche matériau montre clairement que l’impact pressenti de l’arrivée de la grande vitesse en Bretagne diffère selon les contextes économiques et territoriaux. En opérant une transition du discours des dirigeants d’entreprise à la définition des sensibilités territoriales, le quatrième chapitre dresse une typologie des agglomérations les plus directement concernées. Cette classification permet dès lors d’apprécier, toutes choses égales par ailleurs, le différentiel des incidences potentielles de la LGV BPL sur les dynamiques des territoires urbains. Médiatisée par les entreprises et leurs actifs, la contraction de l’espace-temps pourrait à terme transformer le réseau urbain régional, aussi qualifié de système de villes, du fait du repositionnement relatif des villes les unes par rapport aux autres. Globalement, les investissements privés de préfiguration et d’anticipation des changements d’accessibilité ferroviaire laissent présager cinq trajectoires territoriales au sein des espaces urbains du Grand Ouest. Le cinquième chapitre revient spécifiquement sur la nature et les déterminants de la sensibilité des entreprises. L’incidence pressentie par les dirigeants diffère, en sus des caractéristiques de l’offre et du contexte territorial, selon le secteur d’activité, la taille des firmes et les schémas productifs internes aux entreprises.
Un point important de ces résultats tient dans l’idée d’une plus fine appréhension des composantes organisationnelles complexes des entreprises dans les choix publics de grandes infrastructures de transport. Dans une perspective aménagiste, la troisième partie s’attache dès lors à formuler les enjeux et recommandations en vue d’une plus ample intégration des interdépendances économiques. Le sixième et dernier chapitre témoigne de l’intérêt, pour les territoires desservis, de mieux connaître les organisations productives des entreprises. En adaptant leurs mesures d’accompagnement de la grande vitesse ferroviaire au fonctionnement réticulaire des entreprises locales, les décideurs publics réduiraient les potentiels écarts entre territoire économiquement observé et territoire politiquement projeté.
Enfin, la conclusion générale dresse une ébauche d’inclusion empirique des comportements d’entreprise dans l’évaluation des grands projets ferroviaires. De la concertation publique aux bilans LOTI, en passant par les travaux d’un observatoire et la définition des modèles économétriques, la sensibilité des entreprises doit pouvoir constituer un guide cohérent de la réflexion scientifique et de l’action publique.
Table des matières
Introduction générale
PARTIE 1 : Infrastructures de transport, économie territoriale et réseaux productifs : une recherche à la croisée des champs théoriques
Chapitre 1 : Transport ferroviaire et développement local : indéterminations théoriques et
opérationnelles
1. Travaux de recherche et pratiques d’évaluation socioéconomique convergent vers l’absence
d’automatisme dans la relation
1.1 Les réseaux de transport, médiums disputés à l’influence complexe
A. Nuances renouvelées, retenues et convergences de la littérature scientifique
B. Les réseaux de transport au centre d’une mythologie séduisante et prolifique
1.2 Des observations ex post limitées : l’exemple des bilans LOTI
2. L’accessibilité, notion centrale multidimensionnelle et complexe par nature
2.1 Dimensions stratégiques de l’accessibilité
A. Dimension individuelle : besoins et capacités de déplacement, perception et
appropriation de l’espace
B. Dimension temporelle : disponibilité du système de transport et gestion des temps
C. Dimension spatiale : densité d’opportunités, connectivité, planification et urbanisme
D. Dimension technique : vitesse, capacité, fréquence, fiabilité, prix et confort
2.2 Liens rétroactifs ou induits : des changements multifactoriels
Chapitre 2 : Le fonctionnement spatial des activités économiques : une approche théorique du
territoire de l’entreprise
1. Les développements orthodoxes de l’économie géographique : le coût du transport comme
principe fondateur des choix de localisation
1.1 Le transport à l’origine de la métrique spatiale
A. Le modèle pionnier de Von Thünen : les principes fondateurs de la localisation des
activités
B. Le modèle de localisation des activités industrielles de Weber.
1.2 Influences des lieux et liens économiques : ébauches de l’interaction
1.3 L’étude initiale et renouvelée des phénomènes d’agglomération
2. Vers la diversification des sources de proximités : de la proximité spatiale aux approches de
socioéconomie des territoires
2.1 De la sphère de l’entreprise aux systèmes productifs et relationnels
A. L’influence des lieux : la construction sociale des institutions économiques locales
B. Les systèmes productifs et relationnels : ouvertures scalaires sur la coordination ?
2.2 Le relâchement du rôle central et permanent de la proximité spatiale
Chapitre 3 : Singularités et positionnement de la recherche
1. Notion de sensibilité ex ante des entreprises à l’accessibilité accrue
1.1 Le parti pris du comportement des entreprises dans le Grand Ouest
A. De l’importance contextuelle des déplacements professionnels
B. L’entreprise et son dirigeant : acteurs et sachants des territoires
1.2 Une posture prospective originale
1.3 Une définition de la sensibilité
A. La part différentielle de l’offre de transport comme agent principal de la sensibilité
B. Deux domaines opératoires de la sensibilité : l’émotivité et la stratégie
C. De l’émergence au déploiement de la sensibilité dans le temps et l’espace
2. Méthodologie de l’enquête auprès des dirigeants d’entreprise
2.1 Réflexions techniques initiales : le choix de la méthode et de la grille d’entretien
2.2 Identification d’un échantillon construit d’entreprises
2.3 Prises de contact et déroulement des entretiens
2.4 Caractéristiques globales des 179 entreprises enquêtées
A. Taille des entités enquêtées : une majorité d’établissements de taille moyenne
B. Secteurs d’activité : une volonté de diversité
C. Secteurs d’activité et localisation : plus de la moitié des firmes à Rennes et Laval
D. Nature des entités : une majorité d’entreprises à établissement unique
PARTIE 2 : Perceptions du gain d’accessibilité et stratégies des entreprises
Chapitre 4 : Typologie territoriale de la sensibilité des entreprises dans le Grand Ouest
1. Regards croisés spatialisés des dirigeants bretons et ligériens
1.1 Changements infimes en perspective pour l’axe ligérien
1.2 L’avion toujours au coeur des stratégies en Bretagne occidentale
1.3 Des espoirs restant à concrétiser à Saint-Brieuc, Vannes et Saint-Malo
1.4 Un enjeu d’intégration au système métropolitain rennais
1.5 La LGV à Rennes : un atout pour conquérir mais des questionnements sur l’attractivité
1.6 De l’appartenance territoriale dans le différentiel de sensibilité
2. Les dynamiques interurbaines au prisme de la LGV BPL
2.1 Baisse des différences d’accessibilité à Paris entre les gares bretonnes
2.2 Rennes post-LGV BPL : un cran plus loin dans la métropolisation
2.3 Volonté renouvelée des dirigeants lavallois de contribuer à la dynamique rennaise :
l’affirmation d’un modèle de grande vitesse régionale ?
Chapitre 5 : Nature et déterminants de la sensibilité des entreprises
1. Facteurs de production des déplacements professionnels et sensibilité décomposée des firmes
1.1 Enseignements a posteriori de l’observation des changements organisationnels des
entreprises
A. Un traitement de l’influence du secteur d’activité portant moins sur les sources des
déplacements que sur les facteurs de localisation et l’évolution de l’emploi ou du trafic
B. Influence de la localisation du marché et des partenaires externes
C. Importance des relations intra-firmes
D. Variation de la sensibilité selon la taille et la phase de développement
E. Acuité et caractéristiques des besoins de recrutement
1.2 Analyse empirique des différences intersectorielles dans la nature de la sensibilité ante
A. Sociétés du numérique : exportation facilitée des productions, enjeux de visibilité
d’attractivité auprès des profils rares
B. Etablissements de la bancassurance : déplacements stratégiques internes vers Paris
C. Services aux entreprises : enjeux de visibilité et surreprésentation des motifs de déplacement extra-professionnels vers Paris
D. Activités industrielles : des entreprises exportatrices préoccupées par l’accès aux hubs
aériens franciliens
2. Des sensibilités ex ante sans stratégies franches d’anticipation
2.1 Ces facteurs personnels déguisés qui ne disent pas leur nom
2.2 La LGV BPL dans le système de significations économiques et sociales des entreprises
2.3 La pratique préalable à l’action
PARTIE 3 : Inclure les comportements des entreprises dans l’appréhension territoriale d’une
Chapitre 6 : De l’intérêt, pour les territoires desservis, de mieux connaître l’organisation productive
des entreprises
1. Vers une intelligence technique territoriale à la hauteur de la complexité des faits
économiques
1.1 Limites et tentatives de dépassement des statistiques nationales
A. Des données de mobilité structurelles, administratives et limitées aux ménages
B. Des enquêtes locales peu ouvertes à l’appréhension de la mobilité d’affaires
C. Des approches complémentaires mais isolées à travers les systèmes productifs
1.2 Pour des outils coopératifs d’intelligence économique territoriale
2. La voie d’une gouvernance inclusive publique-privée : du projet de territoires au territoire
projets
2.1 Intérêts, légitimité et limites d’une instance locale publique-privée
A. La difficile conciliation des intérêts publics et privés : vers des objectifs partagés
B. Une légitimité questionnée : cerner le rôle et le pouvoir de chaque acteur
2.2 Avancées récentes et décalages persistants dans la coopération publique-privée au
de la métropole rennaise
A. Prise de conscience des élus locaux et innovations relationnelles émergentes
B. Matérialisation lente et performance limitée de la coopération économique dans le
projet de quartier de gare EuroRennes
Conclusion générale
Bibliographie.
Table des figures
Annexes
Télécharger le rapport complet